Guerre en Ukraine : pourquoi le fils d’une responsable de la CIA a reçu la médaille russe de l’Ordre du courage ?

Steve Witkoff, envoyé spécial du président Donald Trump, a bien remis à Juliane Gallina, directrice adjointe à la CIA, une médaille de l’Ordre du Courage russe, a informé un haut responsable de l’administration américaine au média CNN, confirmant une information qui circulait dans la presse américaine depuis plusieurs jours. Cette distinction honore son fils, Michael Gloss, un citoyen américain tué en 2024 alors qu’il combattait aux côtés de la Russie.

La médaille de l’Ordre du Courage est la plus haute distinction militaire de la Fédération de Russie, autrefois connue sous le nom d’«Ordre de Lénine». Vladimir Poutine l’avait lui-même remise à Steve Witkoff le 6 août 2025, lors de sa visite à Moscou consacrée à l’avenir de l’Ukraine. Quelques jours plus tard, Poutine et Trump devaient se rencontrer en Alaska, le 15 août, pour tenter de négocier une fin à la guerre.

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Une médaille aussi honorifique que polémique

Mais la remise de cette décoration soulève des polémiques, en raison de la nationalité et de l’emploi des parents de Michael Gloss. Il était le fils de deux hauts responsables américains : sa mère, Juliane Gallina, occupe un poste stratégique à la CIA, et son père, Larry, est un vétéran de la marine, aujourd’hui PDG d’une entreprise travaillant pour le ministère de la Défense américain. Que leur fils ait choisi de combattre pour l’armée de Poutine était déjà un sujet sensible, son séjour dans l’armée russe n’ayant d’ailleurs pas été évoqué lors de ses funérailles.

Pour certains observateurs, la médaille apparaît comme une provocation. Steve Witkoff, lui, défend une lecture différente. Selon CNN, il considère ce geste comme personnel plutôt que politique. Ayant lui-même perdu un fils lors de l’épidémie des opioïdes, il affirme avoir vu dans l’acte de Poutine un message personnel qui transcenderait la géopolitique : «Le moment n’était pas lié à la personne pour laquelle il s’est battu, mais plutôt aux souvenirs de nos enfants et à un message primordial : "Mettons fin à cette guerre"», a déclaré le responsable à CNN. La CIA, de son côté, a pris ses distances. Un porte-parole a expliqué à CNN que la mort de Michael Gloss relevait d’«une tragédie personnelle» pour sa famille, et non d’une question de sécurité nationale.

Dans un communiqué publié en avril et cité par CBS News, des responsables de la CIA ont déclaré que la mort du fils de Juliane Gallina, qui souffrait de troubles mentaux, ne constituait pas un problème de sécurité nationale. Deux sources proches du dossier ont déclaré au média américain que rien n’indiquait que Gloss avait été recruté par le gouvernement russe, et que le Kremlin ne semblait pas avoir connaissance des antécédents familiaux de Gloss lors du rapatriement de sa dépouille.

Un Américain du côté de Poutine

Michael Gloss ne partageait en tout cas pas le patriotisme de ses parents, bien au contraire. Quelques jours avant de quitter les États-Unis, en 2023, il avait publié sur ses réseaux sociaux une photo où il faisait un doigt d’honneur à la Maison-Blanche. Selon le média russe IStories, Gloss s’était transformé en «globe-trotter hippie». Un de ses proches raconte qu’il parlait souvent «d’effondrement des civilisations» et de la fin de «l’hégémonie occidentale». Il était convaincu, rapporte le média russe Meduza, que les pays émergents réunis dans les BRICS finiraient par supplanter l’Occident.

En septembre 2023, Michael Gloss s’engage dans l’armée russe, rejoignant un contingent de 1500 mercenaires étrangers. Déployé au front en décembre, il est tué le 4 avril 2024, à 21 ans. Les circonstances exactes de sa mort demeurent floues, selon Meduza . Ses funérailles se sont déroulées aux États-Unis huit mois plus tard, en décembre 2024.

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Un an après, son nom revient sur le devant de la scène, cette fois à travers cette médaille remise à sa mère par l’émissaire de Donald Trump. Une distinction présentée par Moscou comme un hommage au courage, mais perçue par beaucoup comme une nouvelle pièce dans le jeu diplomatique du Kremlin dans le sillage de la guerre en Ukraine.