«Bayrou nous prend vraiment pour des quiches», s’agace l’utilisateur Fentos sur la boucle Telegram «Indignons-nous - 10 septembre - Groupe national officiel». «Une nouvelle insulte pour le peuple», «c’est pitoyable», «on ne lâchera rien», répondent des dizaines d’autres membres.
Les réactions sont aussi nombreuses qu’hétérogènes dans les centaines de boucles de discussion Telegram consacrées à l’organisation du mouvement «Bloquons tout» à la suite de l’annonce de François Bayrou de solliciter un vote de confiance à l’Assemblée nationale. Dans ces canaux de discussion informelle qui veulent coordonner les actions de blocage le 10 septembre prochain et rassemblent des milliers de personnes, la décision du locataire de Matignon divise : quand certains saluent une «première victoire» pour déstabiliser le gouvernement, d’autres condamnent une «énième stratégie» visant à «étouffer la colère du peuple».
Passer la publicité«Le combat ne s’arrête pas»
«Il tente de couper l’herbe sous les pieds du 10 septembre», avance ainsi un membre du canal de discussion «Indignons-nous - général», qui rassemble près de 9000 utilisateurs provenant de toute la France. Le vote de confiance doit effectivement avoir lieu deux jours avant ce mouvement général aux contours très flou, qui appelle à bloquer l’Hexagone et a reçu dernièrement le soutien de La France insoumise. «S’il obtenait la confiance le 8 [septembre, NDLR], du coup le 10 il pourra dire : c’est pas la rue qui gouverne, le parlement a voté et bla et bla... (sic)», poursuit le même utilisateur. Les messages d’approbation défilent sous son post. D’autres encore condamnent un premier ministre qui «veut rester maître du storytelling» et n’agit que par «orgueil».
Mais certains y voient cependant une première étape bienvenue qui permettrait de déstabiliser le gouvernement. «Il faut absolument que l’hémicycle soit rempli pour voter contre la confiance, il faut interpeller tous les députés dans leurs circonscriptions d’ici au 8 septembre», affirme ainsi un certain Elliott. Un autre internaute relaie un «communiqué de presse» d’un canal dédié à la «communication» sur le mouvement du 10 septembre. «Le mouvement populaire a remporté une première victoire : sous la pression de la mobilisation, le premier ministre a été contraint d’annoncer qu’il demanderait un vote de confiance au Parlement. (...) C’est pourquoi nous affirmons clairement : Le départ de Bayrou doit être obtenu. La politique de Macron, qui attaque les droits sociaux et organise l’injustice, doit être mise en échec. La mobilisation du 10 septembre reste pleinement maintenue, quoi qu’il arrive au sommet de l’État», établit ainsi le communiqué. Aussitôt contesté par une salve de messages : «Communiqué rédigé par qui ? Qui l’a validé ?» s’agace ainsi un membre, preuve de la forte hétérogénéité qui caractérise ce mouvement protéiforme, aux lignes de revendication très diverses.
«On va tout bloquer»
Pour d’autres, le coup de semonce du premier ministre est un subterfuge visant à étouffer la «colère populaire». «L’idée, c’est de détourner l’attention avec dissolution + élection, mais ça ne marchera pas», avance ainsi un utilisateur de la boucle, quelques minutes après que le passage sur France 2 du garde des Sceaux Gérald Darmanin, qui n’a pas semblé écarter l’hypothèse d’une dissolution en cas de chute du gouvernement le 8 septembre. «Le combat ne s’arrête pas jusqu’à ce qu’on soit écouté dans toutes nos revendications (qui seront probablement de nous donner plus de pouvoir et de réforme sociale)», s’évertue à convaincre Mimi32. «Ils viennent de montrer qu’ils ont peur et savent très bien que le mouvement va être incontrôlable, vu qu’il n’y a pas leurs copains les syndicats», présage un membre de la boucle Telegram. «ll veut la guerre ? On sera là, mais ne nous laissons pas dicter notre agenda, la maîtrise de l’agenda c’est primordial dans les luttes, c’est pour ça qu’il essai de reprendre la main dessus ! (sic)», harangue même l’utilisateur «Camille La Rose». Plusieurs internautes approuvent vivement ce post, quand d’autres s’alarment de ce même «manque de contrôle» qui «nous avait déjà fait perdre en 2019 avec les Gilets Jaunes ».
Les annonces du locataire de Matignon semblent n’avoir en aucun cas atténué les velléités de mobilisation des milliers de membres présents sur les boucles Telegram. Les très nombreux canaux de discussion numériques font état de nombreuses assemblées générales à venir dans diverses régions de France pour tenter d’organiser le mouvement le 10 septembre prochain. «Si Bayrou tombe, plus de 10 septembre ?» demande ainsi ingénument «Marchand de Cailloux» sur la boucle Telegram. Les réponses des internautes sont unanimes. «Bien sûr que si», «on va tout bloquer».