Et soudain, l’impensable : Éric Ciotti est devenu un mème
Une étude controversée de l’ADEME estime que la pollution numérique en France est préoccupante (2,5 % des rejets de gaz à effet de serre du pays seraient la conséquence directe de notre utilisation du numérique). Depuis mardi, l’essentiel de ces émissions de CO2 est directement imputables à Éric Ciotti. C’est bien simple, Internet ne parle que de lui. Et comme le vaudeville tragicomique qui se noue chez Les Républicains cumule déjà plus de rebondissements que le parti ne compte d’électeurs, c’est devenu n’importe quoi.
À vrai dire, les facétieux internautes n’ont pas eu à se donner beaucoup de peine : le seul récit des événements suffirait à lui seul pour dérider un sénateur UDI. Disons-le tout net : jusqu’à cette semaine, il était tout de même plus réaliste d’imaginer le général de Gaulle mis en examen que de se figurer le député des Alpes-Maritimes en héros charismatique d’une saga sur les réseaux sociaux.
C’est d’ailleurs l’effet de surprise qui a d’abord inspiré Twitter (désolé Elon, mais personne ne dit «X»). «J'avoue que Ciotti qui se barricade physiquement dans le QG des Républicains pendant que le bureau essaie de venir le choper par le colbac, c'était pas dans mon bingo 2024», relève avec à-propos un certain @princech1904.
On ne compte plus la ribambelle de twittonautes qui ont plaisanté sur l’estompement des frontières entre réalité et fiction : «Pitié qu'il y ait des caméras Netflix depuis dimanche soir pour capter tout ça», supplie @PierreLepel... ah, bah tiens, notre estimé collègue Pierre Lepelletier. Qui travaille déjà sur la saison 2 de la série en suivant les péripéties des négociations à gauche pour le Front populaire (mais c’est une autre histoire, chaque chose en son temps).
On avait dit : «pas le physique» ?
Et puisque de tous les plaisantins d’Internet, les journalistes de la rédac’ ne sont pas toujours les moins inspirés, citons ici la proposition pacifique de l’ami Ronan Planchon : «Pour LR, on pourrait peut-être essayer la solution à deux États».
Moins aimables, les plus zélés contempteurs de la décision prise par le président des LR (enfin l’ex-président destitué mais en sursis parce que le tribunal n’a pas encore statué sur... bon, bref), s’autorisent bon nombre de blagues sur le physique, ce qui est leur droit le plus strict puisque Éric Ciotti n’est ni une femme, ni un représentant quelconque d’une minorité victime de discriminations systémiques (être chauve, ça compte pas).
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Et d’ailleurs, puisqu’il est question de plaisanteries tirées par les cheveux, l’une d’elles s’est définitivement imposée sur Twitter : «J’ai bien envie de dire que Ciotti sera tondu à la Libération mais héhé voilà quoi», analyse finement @MoreauAugustin, dont la biographie laconique nous indique qu’il est collaborateur... (parlementaire, tout va bien, pas de panique).
Dans le même registre, mais pour les gens de lettres, on ne compte plus les allusions à la célèbre réplique de Jean Dujardin dans OSS 117 : «Tu n’es pas seulement un lâche, tu es un traître ! Comme ta petite taille le laissait deviner !», cite avec érudition @MemesPolitiks. Pour la plus parfaite information de nos lecteurs, il convient de préciser que la référence cinématographique est enrichie d’un calembour laitier, que nous vous laissons apprécier par vous-mêmes.
Ce n’est d’ordinaire pas la taille qui compte, mais s’agissant d’Éric Ciotti, tout est permis depuis que Bernard Cazeneuve lui a un jour lancé à l’Assemblée nationale : «quand je suis assis ou debout, j’ai de toute façon la même taille : c’est ce qui me rapproche de Monsieur Ciotti» (c’était le 28 janvier 2016, et l’intéressé avait ri d’ailleurs à gorge déployée).
La scène du balcon
Il faut dire que, de peur sans doute de se faire voler la vedette, Éric Ciotti a tenu à parfaire la mise en scène. On eût déjà cru la fin de l’acte I écrite par Feydeau : c’est cette scène où une Annie Genevard en rogne est venue enfoncer elle-même la porte du siège du parti duquel Ciotti, alors qu’on l’y pensait retranché, n’avait en fait jamais franchi le seuil (il était au même moment ou presque en train de fanfaronner à la télé). Rideau, entracte. Acte II, scène 1 : cette fois le président du parti met en scène son arrivée au siège, qu’il pénètre d’un air triomphant avant de reparaître par la fenêtre, depuis un balcon qui confère au drame un accent shakespearien.
La «scène du balcon» était d’ores et déjà vouée à tous les détournements parodiques. C’est évidemment @IllumiReptilien qui imagine le forcené armé d’un fusil automatique, en attendant le GIGN d’un air de défi.
C’est encore le futur ex-ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, qui accède d’un seul coup à la ceinture noire de l’art du troll en faisant la promotion de son propre texte de loi : «Attention Éric Ciotti, depuis un an grâce à la loi Kasbarian, la procédure en cas de squat est accélérée. Chers amis des Républicains, voici comment faire», commente le ministre en joignant un récapitulatif des procédures à suivre pour expulser un squatteur.
D’ailleurs Éric Ciotti peut-il être réellement considéré comme un squatteur ? Avec nos collègues du Figaro Immobilier, toute actu est bonne pour distiller l’air de rien quelques conseils précieux à nos lecteurs propriétaires....
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Personnages secondaires
Enfin comme dans tout drame il ne saurait être question que d’une seule vedette : que serait un héros sans l’appui théâtral des personnages secondaires ? Ceux-ci ont eu droit aussi aux honneurs qu’ils méritaient. À commencer par le seul qui, pour une fois, n’avait pas encore pris part à l’affaire : Nicolas Sarkozy a été invoqué par @MrKaiz au moyen d’un photomontage vidéo bien senti, sobrement intitulé «Il est temps d’appeler le négociateur». Allusion à la prise d’otages survenue dans une école maternelle de Neuilly en mai 1993, et où le maire d’alors, Nicolas Sarkozy, avait négocié en personne avec le preneur d’otages pour libérer des enfants sous l’œil des caméras.
D'ailleurs quitte à puiser dans la biographie de Nicolas Sarkozy, qui fut dans l'histoire le premier boss de la droite à rappeler que l'héroïsme n'est pas réservé qu'aux physiques de basketteur, citons encore cet autre détournement fort inspiré. Sur un montage de @LeMTempete, l'ancien président des Républicains apostrophe son successeur avec autorité : «Bah viens… descends un peu !». Les hagiographes les plus alertes auront bien sûr reconnu le légendaire coup de sang sarkozyste, survenu en Bretagne en 2007 lors d'un déplacement auprès des pêcheurs.
Pour l’oscar du meilleur second rôle féminin, la gagnante est sans conteste Valérie Pécresse, dont le retroussement de manches fut l’un des plus beaux moments de cinéma de la journée. L’image se suffit presque à elle seule. On notera cette analyse percutante de @Rkefi : «Elle a retroussé ses manches comme si elle montait le marbrer à mains nues. Ce 12 juin doit devenir un jour férié. Faut pas que cette journée tombe dans l'oubli».
Sur quoi finir notre anthologie ? Peut-être par cette vidéo parodique qui restera de loin l’une des plus marquantes de ce jeudi : «au travail pour la France», s’amuse un internaute, en publiant une vidéo figurant Éric Ciotti contempler d’un air fier de lui la foule des journalistes, avant de s’asseoir lentement devant un bureau entièrement vide, sur fond de musique épique... Ah, non attendez, il semblerait qu’en fait ce soit Éric Ciotti qui ait posté lui-même la vidéo.