Près de Nantes, la découverte de 150 tombes médiévales lève le voile sur un cimetière disparu
Le mois dernier, on ne comptait que 87 sépultures au pied de l’église Saint-Pierre. Aujourd’hui, elles sont déjà plus de 150. Au centre de Rezé, dans la banlieue sud de Nantes (Loire-Atlantique), sept spécialistes de l’Institut national de recherches archéologiques (Inrap) s’affairent - malgré la pluie - à la fouille du secteur dit du Carré Daviais, commencée début octobre entre la mairie locale et une petite église néogothique. Leurs pelles et leurs truelles découvrent un cimetière longtemps disparu, datant de l’aube de l’époque médiévale, occupé du VIe au XVIe siècle. Tant et si bien que l’opération d’archéologie préventive, initialement censée s’achever en décembre, devrait désormais se poursuivre au moins jusqu’au mois de mars.
«Nous avons ici une chance inouïe, car les vestiges médiévaux ont été conservés sur près d’un mètre de stratigraphie, ce qui nous permet d’observer l’évolution d’un cimetière sur une longue période», se réjouit l’archéologue Marie-Laure Hervé-Monteil, responsable d’opération sur le chantier de fouilles. Et il s’en est passé des choses. Détrempés par une fine pluie de novembre, les quelque 500 m2 du terrain éventré à la pelle mécanique - puis approfondi plus en finesse - enserrent encore plusieurs dizaines de squelettes en cours de dégagement. Certains sont comprimés. D’autres sont… coupés en deux.
Embouteillages funéraires
La longue occupation du site, dans un espace urbanisé donc contraint, a en effet accouché d’un cimetière densément peuplé. La double pression, urbaine et démographique, a occasionné quelques soucis de cohabitations entre défunts. L’archéo-anthropologue Marie Perrin désigne un squelette brisé, protégé des intempéries par une tente. «Le bonhomme, là-bas, a été scindé à cause de l’inhumation d’un autre défunt au même endroit. On retrouve cette espèce de mikado sur l’ensemble du site», explique-t-elle en balayant de la main un autre tas d’ossements comprimés, d’où ressortent quelques côtes. Réductions et superpositions des squelettes sont monnaie courante sur le site. «On constate que s’il était - en théorie - important de conserver l’intégrité des corps défunts, les pratiques observées sont plus pragmatiques. Le plus important était d’être inhumé en terre consacrée». Entier - ou pas.
Plus de 80 vestiges humains ont d’ores et déjà été démontés et transférés au centre régional de l’Inrap, à Carquefou, avant d’être plus finement étudiés et datés au carbone 14 au sein de laboratoires spécialisés. Marie Perrin n’a cependant pas besoin de ces données pour commencer à faire parler les morts du Rezé médiéval. La position de certains ossements atteste par exemple de la présence de linceuls, qui se sont dégradés au fil des siècles. Un secteur dédié à l’inhumation de nourrissons a également été mis en évidence. À l’exception d’un pot unique, aucun mobilier ni d’élément de parure n’a été mis au jour au cours de l’opération, conformément aux inhumations sobres pratiquées au Moyen-Âge, la tête des défunts pointant vers l’ouest. Quelques sarcophages d’une facture sommaire, sans décoration, signalent tout juste des sépultures plus prestigieuses, parmi les occupants les plus anciens du site. Ils seraient parmi les premiers hôtes de ce cimetière disparu dans le courant de l’époque moderne, et dont les premières traces avaient été entre-aperçues au cours de travaux, au XIXe siècle.
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Enfin, l’opération de fouilles ne s’est pas arrêtée aux couches médiévales de l’histoire rezéenne. Sous le cimetière, les archéologues ont mis au jour une rue romaine, dont le tracé traverse le site fouillé, sur toute sa longueur. Cet axe a été rattaché à un quartier de l’antique Ratiatum, du nom du port romain aménagé au Ier siècle de notre ère, dans le fond de l’antique configuration de l’estuaire de la Loire. Les traces d’ornières laissées par les charrettes gallo-romaines fendent encore les dalles brisées de la voie. À côté, l’hypothétique portique d’une ancienne boutique aurait aussi été identifié, reconnu par une base de mur côtoyant un amas de tuiles effondrées.
La conclusion du chantier, vers le début du printemps, ne marquera pas pour autant la fin du travail pour l’équipe archéologique de l’Inrap. Une phase de post-fouilles permettra de nettoyer et d’étudier l’ensemble des éléments mis au jour, de faire intervenir d’autres spécialistes et de recouper les données du Carré Daviais avec celles d’autres sites. Enfin, le chantier de fouilles sera transformé en square municipal. Belle reconversion pour un cimetière, passé d’un lieu de repos éternel à une aire dédiée aux délassements plus passagers.