Quelle sécurité pour l’Europe à l’heure du « nouveau Shérif » ?

Député honoraire du parlement européen

Jusqu’ici, les choses étaient (en apparence) simples : la sécurité de l’Europe, c’était l’Otan. Ou, plus exactement, c’était l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord : « Une attaque contre un pays membre est considérée comme une attaque dirigée contre tous. » Bref, si les Russes nous agressaient, les Américains nous sauveraient ! À vrai dire, personne n’a jamais su ce qu’il en aurait été si l’impensable s’était produit. La seule conséquence vérifiée de cette dépendance au gendarme du monde a été le consentement des « alliés » à la limitation de leur souveraineté, depuis leur souveraineté juridique (bridée par les lois extraterritoriales des États-Unis) jusqu’à leur souveraineté stratégique (qui a, par exemple, conduit l’Europe occidentale à rejeter en juin 2008 le « traité paneuropéen de sécurité » que lui proposait la Russie de l’époque, car Washington y voyait un frein à l’extension de l’Otan vers l’Est). Quoi qu’il en soit, cette garantie de protection, qu’elle ait été réelle ou supposée, vient d’expirer de fait avec l’arrivée d’un « nouveau shérif dans la ville », selon l’élégante métaphore du vice-président américain.

Dès lors, que faire ? Le moment est venu d’ouvrir un débat de fond sur cet enjeu majeur aux implications fondamentales : quelle sécurité pour l’Europe, non dépendante des aléas de l’agenda géopolitique des dirigeants des États-Unis ? Depuis des années, les dirigeants européens parlent de « défense européenne », mais toujours dans le cadre de l’Otan. Comme l’a encore rappelé Emmanuel Macron au lendemain de l’élection de Donald Trump : « L’Otan a évidemment un rôle clé et, au sein de l’Otan, (…) le pilier européen n’a rien à retrancher à l’Alliance » (1). La conception même de la sécurité européenne – et, dans ce cadre, d’une éventuelle défense authentiquement européenne – est donc à réinventer.

On pourrait envisager la mise en commun de troupes et d’équipements entre certains pays européens dans deux cas : soit pour aider l’un des pays concernés à défendre son territoire contre un agresseur, soit dans le cadre d’une mission de maintien de la paix des Nations unies. En tout état de cause, la décision de prendre part à une action relèverait de la souveraineté de chaque État concerné, à partir d’une évaluation sérieuse et responsable de la situation. En outre, toute « autonomie stratégique » européenne digne de ce nom supposerait, pour les pays concernés, de se libérer de la tutelle des États-Unis en matière d’armements.

Mais l’essentiel devrait toujours être une grande politique de prévention des tensions et des conflits. Dès lors, la priorité des priorités devrait être de reconstruire un système de sécurité collective de tout le continent européen, incluant par définition la Russie. Naturellement, la guerre atroce menée par ce pays en Ukraine et, partant, la défiance abyssale qu’inspire Poutine rendent cet objectif quasi inatteignable à court terme. Il n’en est pas moins vital de s’y atteler au plus vite.

On en est, hélas, très loin dans l’UE, où les débats tournent exclusivement autour de l’explosion des budgets de la défense, quand ce n’est pas autour de l’européanisation de « la défense antimissile, (des) tirs d’armes de longue portée (voire de) l’arme nucléaire », selon Emmanuel Macron, qui, dans ce contexte, envisage ni plus ni moins que d’augmenter le budget de la défense en France de… 90 milliards d’euros PAR AN ! (2) Oui, décidément, un vrai débat de fond s’impose ! Si les États calent ou s’égarent, c’est le moment de lancer des initiatives citoyennes sur ce sujet. La sécurité est l’affaire de toutes et de tous.

(1) Discours au sommet de la « Communauté politique européenne », Budapest (7 novembre 2024).
(2) France Info (20 février 2025).

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