Notre critique de 5 Septembre: la mort sur un plateau

Qu’est-ce que c’est que ce bruit ? On dirait des coups de feu. Dans leurs bureaux, les journalistes d’ABC n’en croient pas leurs oreilles. Ce sont bien des détonations. Elles proviennent du Village olympique, juste à côté. Aux JO de Munich, en 1972, des terroristes palestiniens prennent en otage les athlètes israéliens. Le service sportif de la chaîne est aux premières loges. La fébrilité s’empare de ces reporters, plus habitués à commenter des matchs de volleyball.

Ils diffusent les images en direct, sans trop réfléchir. Il s’agit d’un baptême. Ils improvisent avec les moyens du bord. Les événements les dépassent. Un mélange de panique et de jubilation règne en régie. Des points de vue s’affrontent. L’urgence les talonne. Pas de temps à perdre. La concurrence est aux aguets. Les services se tirent dans les pattes, les sports contre la politique. Sur les toits, les policiers allemands, pas exactement préparés, s’affairent. Problème : les militants de Septembre noir suivent leurs mouvements en direct sur leur téléviseur. Que faire ? Ils ont de l’or entre les mains. Il y a aussi du sang. Les compétitions passent au second plan. Adieu le nageur Mark Spitz, avec sa moustache à la Burt Reynolds.

Le Suisse Tim Fehlbaum a choisi de ne montrer que les coulisses de cette rédaction. Cette histoire vraie est vue par ceux qui l’ont retransmise. Chez eux, la tension est palpable. Ils courent dans les couloirs, allument clope sur clope, ont des sueurs froides. La radio locale propage une trop bonne nouvelle. Ils la relaient. Quelle bourde ! Ils jouent avec le feu. L’information n’attend pas. Elle leur brûle les doigts. L’adrénaline imprègne l’écran. La fin est connue. Le suspense persiste.

Le grain d’une époque

Filmé comme un documentaire, caméra à l’épaule, 5 Septembre retrace un épisode déjà traité de façon terriblement balourde par Spielberg dans Munich. Le réalisme fournit ici une efficacité de tous les instants. Au milieu de tous ces hommes aux manches retroussées, il y a une assistante qui leur sert de traductrice (Léonie Benesch, déjà remarquée dans La Salle des profs). Elle est allemande. Dans son regard, on lit l’inquiétude, le doute, un début de honte. Des Juifs ne vont pas encore être massacrés dans son pays, si ? Ses idéaux en prennent un coup.

L’équipe fonce, essuie les plâtres. La technique n’est pas vraiment à la hauteur. Chaque minute compte. Sans s’en apercevoir, ils influent sur ce qui est train de se passer. Un scoop ne se refuse pas. À quel prix ? Fehlbaum pose ces questions sans emphase. Elles assaillent soudain et soulignent cette course contre la montre. Ça n’est pas rien.

Depuis, la profession n’a pas craint certaines dérives. Des archives ponctuent la reconstitution. Le film recrée à merveille le grain d’une époque, quand on roulait en BMW et qu’on écoutait Creedence Clearwater Revival sur l’autoradio. Plus de 1 milliard de téléspectateurs avaient suivi l’affaire. 5 Septembre n’atteindra sans doute pas ces scores. Il explique pourtant comment toute la suite est partie de là. Depuis d’autres coups de feu ont résonné, beaucoup d’autres. 5 Septembre et 7 Octobre, les dates se répondent.

L’avis du Figaro : 3/4