Fashion Week de Paris : le roi Louis Vuitton et la princesse Coperni
«Je ne sais pas ce qu'il se passe, il y a des centaines et des centaines de gens devant la Pyramide, dit une femme à son interlocuteur au téléphone. Ahhh… Mais c'est la fashionouik ! » Hé oui, c'est même le dernier défilé (officiel) de la Fashion Week, ce mardi soir dans la cour carrée du Louvre, celui du numéro un du luxe mondial Louis Vuitton. Et le dernier front row de stars de la semaine de la mode avec, au générique, Brigitte Macron, Cate Blanchett, Zendaya, Jennifer Connelly, Justine Triet ou encore Lisa des Blackpink. Coutumier des démonstrations de pouvoir, le malletier ne fait pas les choses à moitié…
Pour Nicolas Ghesquière, le directeur artistique, le message est plus subtil. « Le point de départ de cette collection est le soft power. Au sens propre puisque l'industrie du luxe et le savoir-faire font rayonner la culture française à travers le monde. Et au sens figuré, avec une silhouette qui exprime la douceur et la puissance. Nous sommes donc partis de l'idée d'une blouse qui deviendrait une veste. Et finalement, j'ai voulu challenger les équipes en confiant le flou à l'atelier tailleur et le tailleur à l'atelier flou. On associe en général la fluidité au romantique, moi j'ai voulu en faire quelque chose d'architectural, les épaules sont marquées mais avec un gros travail de poids des matières qui sont toujours le fruit de recherches et d'innovation chez Louis Vuitton », nous disait-il dimanche dans son studio à Paris. On soupesait alors quelques pièces qui allaient défiler, mailles, jacquards et vestes d'une légèreté insoupçonnée.
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Dans la structure installée au Louvre, les 1 300 invités prennent place le long d'un podium de vraies fausses malles (reprenant les modèles historiques de l'atelier d'Asnières) qui s'élève au-dessus du sol sur la musique du Bri tannique Jamie xx. Le top-modèle Mica Argañaraz ouvre le show en veste-blouse à basques en jersey molletonné enfilée sur un body, le nouveau sac Rider en cuir façon denim délavé (conçu comme un bombardier) au bout des doigts, les sandales à lanières comme des anses de malles aux pieds. Les formes généreuses parfois hypertrophiées évoquent les costumes de la Renaissance (« Les vestes italiennes du Quattrocento, la cour de François Ier… des références qui me sont chères, moi qui ai grandi dans le Val de Loire »), aussi bien que le powerdressing des femmes d'influence. Les leggings techniques ont des géométries un peu Kuramata, les pantalons-bloomers en mousseline sont lestés par des bandes smoking, une robe à la vibe vintage est taillée dans une soie à la trame cuir épi. Un très beau cardigan est brodé, à l'intérieur de la maille, de gros cabochons aux arrondis organiques.
L'extrême finesse des tissus permet au designer français d'exacerber l'accessoirisation (des sautoirs de chaînes et de pierres serties, un chapeau cloche à œillets) et de multiplier les sacs, dont les fameuses malles miniatures collectors qu'il présente dans chacun de ses défilés depuis le tout premier. Si toute la partie « flou » est particulièrement réussie, à la fois vive, légère et audacieuse, les pantalons à une jambe sont plus anecdotiques. Les chemises des derniers passages figurent deux toiles de l'artiste français Laurent Grasso (Galerie Perrotin), l'une d'il y a vingt ans, l'autre plus récente, mais toujours autour de cette idée des phénomènes naturels telles les aurores boréales. La profondeur et la luminosité des teintes retouchées à la feuille d'or sont incroyables.
Si le défilé Louis Vuitton clôturait officiellement le calendrier parisien, un dernier événement s'est immiscé à sa suite, celui de Coperni. Avouons qu'au départ, nous n'avions nulle envie de finir ces deux semaines chargées de Fashion Week avec un show en plein air à 22 h 30 à Marne-la-Vallée… Mais la conscience professionnelle et l'appel d'Hyperspace Mountain nous ont convaincus d'aller voir Coperni chez Mickey. Nous ne sommes pas les seuls car toute une tripotée de tiktokeurs documentent la soirée, heureux comme des gosses dans le décor de Main Street privatisé.
Arnaud Vaillant et Sébastien Meyer (le premier pour le business, le second pour la création) nous ont déjà habitués à « breaker » internet avec notamment la robe en spray de Bella Hadid devenue une image virale en 2022. Avec le culot qu'on leur connaît, ils ont ainsi convaincu Walt Disney d'accueillir leur défilé de l'été 2025 - le tout premier jamais organisé dans un parc de la compagnie ! « On vient du sud de la France et chez nous, lorsqu'on était enfant, le premier voyage que tes parents organisaient à Paris, c'était Disney. C'est d'ailleurs le site le plus visité d'Île-de-France, devant la tour Eiffel, disent-ils. La collection en est bien sûr inspirée. La première partie fait allusion aux enfants qui vont au parc avec leur tee-shirt, leur petit sac à dos et leur passe accroché à la ceinture, la seconde partie est autour des « villains », les personnages méchants qui sont toujours associés à la couleur verte chez Disney. Et la troisième partie, ce sont les princesses modernes avec leurs jeans qui finissent en crinoline faite dans un jersey technique que nous avions développé durant le Covid. »
Tee-shirts Disney (certains vintage et collector, d'autres seront édités pour l'été), robes en silicone « bionic flowers » intégrant des câbles électroniques (« pour une touche de tech et de romantisme ») et un nouveau sac imprimé dans de l'eau en 3D d'Ariel de La Petite Sirène, sweat-shirt noir à oreilles façon Maléfique de La Belle au bois dormant, petite robe noire à bustier dessinant les créneaux du château de la princesse, etc. Le duo tire le fil de la métaphore sans se prendre au sérieux. Clou du spectacle, non pas Tic et Tac (nos personnages préférés), mais la princesse Kylie (Jenner), qui ferme la parade. « C'est notre princesse à nous. Quand on lui a proposé de défiler, elle a tout de suite accepté en se disant qu'elle pourrait venir avec sa fille Stormi ! » Après le show, l'Américaine passe un jean et un sweat pour poursuivre la soirée entre Space Mountain, miniburger et gaufres Mickey.