Enfants scolarisés dans le privé : Amélie Oudéa-Castéra inaugure la première polémique de l’ère Attal
Nommée ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports ce jeudi 11 janvier, Amélie Oudéa-Castéra a déclenché dès le lendemain la première polémique suscitée par le nouveau gouvernement formé par Gabriel Attal. Ceci en expliquant, à la suite d’une question posée par un journaliste, pourquoi ses enfants ne sont pas inscrits à l'école publique. Ses trois garçons sont en effet scolarisés au collège-lycée Stanislas, dans le 6e arrondissement de Paris.
«Notre aîné, Vincent, a commencé comme sa maman à l'école publique, celle de Littré», a expliqué la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, avant d’invoquer «la frustration de ses parents, mon mari et moi, qui avons vu un paquet d'heures qui n'étaient pas sérieusement remplacées». Dès lors : «à un moment on en a eu marre, comme des parents de milliers de familles qui ont fait un choix d'aller chercher une solution différente.»
Sans surprise, cette défense assumée du choix de scolariser ses enfants dans le privé compte tenu du délabrement de l’école publique a suscité la colère de la gauche et des syndicats d’enseignement.
La nouvelle ministre «jette le discrédit sur l'enseignement public», a estimé dès vendredi soir sur BFMTV Sophie Vénétitay (SNES-FSU). «Premier jour à la tête du ministère et elle attaque déjà l'école publique : hallucinant» a fustigé Guislaine David, du Snuipp-FSU. Ajoutant : «si les remplacements n'étaient pas assurés (…) c'est parce qu'il y a eu des milliers de postes de remplaçants supprimés ! »
Jean-Rémi Girard, président du Snalc, a quant à lui vu dans cette déclaration une «histoire intéressante par ce qu'elle dit sur l'abandon de l'école publique par nos dirigeants». «On attend donc de la ministre qu'elle remédie à la crise d'attractivité qui crée ces semaines, mois, voire années non remplacés. Car désormais, elle a la responsabilité des enfants des autres, et non juste des siens».
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«Séparatisme social»
Du côté des oppositions politiques, la gauche a donné de la voix également. «Comment peut-on être ministre de l'éducation nationale et mépriser autant l'école publique ?», demande le député (PS) Boris Vallaud. «Tout simplement dingue. La ministre des JO et de l'Éducation ( !) explique que son enfant est dans le privé à cause des enseignants non remplacés dans le public… devant l'ancien ministre de l'Éducation qui avait promis “1 classe 1 prof” ! », a réagi le député (EELV) Julien Bayou sur Twitter également.
«C'est lunaire», ajoute le député PS Jérôme Guedj sur France Info, «cela illustre le décalage, le séparatisme social, cela renvoie à l'enjeu fondamental de la mixité sociale». Interrogé au sujet de sa propre progéniture, il a toutefois été contraint de reconnaître qu’avant de passer son Bac dans un lycée public, son fils a été scolarisé également... dans le privé.
Le député (LFI) de Paris et ancien président de la FCPE, Rodrigo Arenas, a quant à lui écrit au recteur de l’académie de Paris pour «vérifier les propos dénigrants de la ministre de l'Éducation nationale à propos de l'école Litré», selon ses propres termes sur Twitter. «Je viens d’apprendre de la ministre de l’Éducation nationale que l’école publique élémentaire de la rue Littré devait faire face à une situation particulièrement préoccupante en matière de sécurité et des difficultés d’apprentissage des savoirs fondamentaux par les enfants en raison des absences des enseignants. Ainsi, il semblerait que le nombre d’heures non remplacées dans cette école inciterait les parents d’élèves à scolariser leurs enfants dans le privé. [...] Je me permets de vous solliciter afin de connaître précisément la situation de cette école», écrit-il.
Des universitaires s’en sont aussi mêlés. À l’instar de la sociologue Anabelle Allouch, autrice de La Société du concours (Seuil, 2017), qui a écrit sur Twitter : «Une ministre qui indique à quel point le contournement de la carte scolaire “comme des milliers de familles” lui paraît normal, sans ajouter que c'est son rôle de remédier à cela, à ma connaissance, c'est inédit».
Le gouvernement assure qu’il agit déjà
Interrogée au sujet de cette polémique, la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot assure samedi matin que le gouvernement a «répondu» à la question du non-remplacement des professeurs, avec notamment la revalorisation de leur rémunération pour les heures de remplacement.
«Il y aurait polémique si un membre du gouvernement en responsabilité posait un constat sans proposer de solutions», a affirmé la porte-parole sur France 2. Or, si «15 millions d'heures» sont «perdues» chaque année en raison du non-remplacement de certains professeurs, «ce constat nous avons été au-delà de le poser, nous y avons répondu», notamment avec le «doublement des heures remplacées pour les enseignants absents», a-t-elle développé.