Dans la gastronomie française, les légendes culinaires font florès. La tarte tatin serait par exemple née d’une erreur commise par l’une des sœurs Tatin, omettant la pâte de sa tarte aux pommes. Dans le domaine salé, une des versions de l’histoire de la sauce au beurre blanc s’en rapproche. À la fin du XIXe siècle, en région nantaise, la cuisinière Clémence Lefeuvre devait préparer une sauce béarnaise mais a oublié les œufs. Une maladresse transformée en succès que des restaurateurs et professionnels souhaitent aujourd’hui conserver.
Une confrérie du beurre blanc est née au début de l’année afin de préserver son authenticité. «Bon nombre de chefs ont revisité le beurre blanc en y intégrant d’autres ingrédients comme, des épices, du gingembre... C’est formidable. Mais au-delà de cette créativité, il faut en préserver le sens, sinon on perd les valeurs», explique Éric Fauguet, le grand maître du beurre blanc. Avec douze «sages», tel que Michel Roth, président des Bocuse d’Or, et d’autres figures nationales de renom, le journaliste spécialisé dans l’alimentation s’est mobilisé pour œuvrer à la protection de cette recette nantaise, qui s’est exportée depuis. Un mélange d’échalote, de beurre, de vinaigre et de muscadet, travaillé sous certaines conditions, donne naissance à ce délicieux accompagnement de poissons et même de viandes.
Contre la standardisation du goût
La confrérie a donc lancé, via Vendée Qualité, une démarche administrative visant à faire labelliser le beurre blanc comme spécialité tradition garantie (STG). D’ici un an et demi, cela devrait permettre de garantir une transparence et une traçabilité pour les sauces portant le label. Autre initiative : la confrérie va déposer la marque Beurre blanc authentique à l’INPI. «L’idée est de créer un cahier qu’on va pouvoir transmettre à des générations, résume Éric Fauguet à propos de cette mobilisation portée par des passionnés. C’est un travail noble et sans retour, on n’aura aucun retour de gloire. Cela part d’une passion et d’un pied de nez à l’ignominie de la standardisation du goût.»
Les «sages» veulent aussi ouvrir une «bibliothèque numérique des sauces populaires», dédiée à la collecte et à la conservation des recettes de sauces françaises traditionnelles et déployer des ateliers pédagogiques et de solidarité, avec notamment l’organisation d’ateliers interactifs dans les quartiers prioritaires. La confrérie prévoit de se réunir en juillet en Loire-Atlantique, et en septembre à Rungis.