Système carcéral : pourquoi Gérald Darmanin dit-il vouloir des prisons «à taille plus humaine» ?

De nouvelles places de prison tout spécialement adaptées aux courtes peines ? Le nouveau ministre de la Justice Gérald Darmanin en a avancé l’idée, ce jeudi au 20h de TF1. Trois jours après sa nomination, le garde des Sceaux a expliqué, parmi ses principaux objectifs, vouloir que les peines de prison soient «prononcées» et «immédiatement exécutées». Car faute de moyens, les magistrats sont souvent contraints de «prendre des décisions un an, deux ans, trois ans après les faits», et la peine «est exécutée parfois un an, deux ans, trois ans après l’avoir prononcée», a déploré le garde des Sceaux.

Pour pallier cela, Gérald Darmanin veut innover. «Il faut imaginer des centres de détention à taille plus humaine, avec des gens qui font quelques mois de condamnation, et qu’on ne les mélange pas avec des gens qui font 15 ans pour des peines plus graves», a-t-il annoncé. Le 25 décembre déjà, lors de son premier déplacement au titre de garde des Sceaux au centre pénitentiaire de Liancourt dans l’Oise, le ministre avait émis l’idée de construire de nouvelles places de prison adaptées aux courtes peines. «On n’a pas toujours besoin de prisons pour des gens qui font 20 ans», avait dit Gérald Darmanin, plaidant pour «des choses beaucoup plus à taille humaine, un peu partout sur le territoire national».

Plus de rotations

Qu’a voulu dire Gérald Darmanin par «taille plus humaine» ? Joint par Le Figaro, le cabinet du ministre défend une idée issue du terrain, qui «correspond à une demande de l’administration pénitentiaire» au vu du fort taux de petites peines et à la difficulté de les concrétiser. De fait, selon un rapport du ministère de la Justice en 2023, seules 45% des peines de 6 mois ou moins (qui représentent elles-mêmes 60% des peines d’emprisonnement ferme) sont mises à exécution immédiatement, et 91% sont mises à exécution dans les 5 ans.

Principal obstacle, le manque de places. Alors que les prisons débordent déjà, comment accueillir de nouveaux détenus ? Actuellement, 75.900 personnes sont détenues en France, pour une capacité opérationnelle de 61.767 places. Ainsi, l’objectif du nouveau ministre est de créer des établissements «plus petits», plus adaptés aux courtes peines avec «plus de rotations», explique-t-on place Vendôme.

Pour gagner en efficacité et en rapidité, le ministère compte privilégier des lieux déjà bâtis, potentiellement à rénover, plutôt que la construction qui prend en moyenne 7 ans pour les établissements pénitentiaires. «La tendance, c’est l’application de la peine», insiste-t-on.

D’«énormes paquebots»

Actuellement en France, les quelque 187 établissements pénitentiaires (maisons d’arrêt, centres pénitentiaires et établissements pour peine) que compte le pays sont d’une très grande diversité de taille, de structure et d’ancienneté. Le plus important est celui de Fleury-Mérogis, en Essonne. Avec ses 3406 places, cette prison, achevée en 1968 sur une surface d’environ 140 hectares, est la plus grande de l’Union européenne. Toujours en Île-de-France, le centre pénitentiaire de Fresnes a une capacité de 1400 places - mais compte plus de 2000 détenus, selon l’Observatoire international des prisons.

Le reste des centres abrite un nombre variable de détenus, entre 100 et 1000, indique au Figaro Dominique Simonnot, contrôleuse générale en centre pénitentiaire. Celle-ci se félicite de l’idée de Gérald Darmanin, estimant que l’envergure des centres de détention est un vrai sujet, alors que la tendance ces dernières années porte à la construction d’«énormes paquebots surdimensionnés». «Quand on visite les prisons, que l’on discute avec les directeurs, les agents pénitentiaires que les détenus, tous nous disent que la vie dans ces énormes établissements, situés hors les villes, loin de tout, est difficilement supportable», déclare la contrôleuse.

Éloignement, manque d’humanité, difficulté de trouver des intervenants... les contraintes liées à ces gros bâtiments sont multiples selon Dominique Simonnot. Tout en reconnaissant que «les petites structures ont leurs inconvénients», la contrôleuse, dont la mission est indépendante du gouvernement, tient à souligner l’importance d’une «humanité» dans la structure même du système carcéral. «À Nice, par exemple, les détenus disent qu’ils préfèrent être dans un bâtiment surpeuplé à 200%, dans un état de vétusté effrayant, plutôt qu’à Grâce, où c’est de plus en plus déshumanisé», rapporte-t-elle.

Interrogé sur ce point, le ministère précise toutefois ne pas remettre en cause l’organisation de l’administration pénitentiaire. La «taille plus humaine» soulève uniquement un souci d’efficacité dans les rotations. Gérald Darmanin n’a pas précisé d’objectif chiffré. La construction de nouveaux centres figurait aussi dans les objectifs des précédents gouvernements, mais les constructions s’avèrent extrêmement longues. Didier Migaud, son prédécesseur, avait prévenu le mois dernier que la promesse de construire 15.000 places de prison supplémentaires ne serait pas atteinte «avant 2029, dans le meilleur des cas».