J-1. À l’approche de l’élection présidentielle américaine, Kamala Harris et Donald Trump livrent toutes leurs forces dans les cent derniers mètres de cette campagne rocambolesque. Aux coude-à-coude dans les sondages, les deux candidats concentrent leur énergie dans les États clés qui peuvent basculer d'un côté ou d'un autre du spectre politique. Ils sont au nombre de sept cette année : Arizona, Caroline du Nord, Géorgie, Michigan, Nevada, Pennsylvanie et Wisconsin.
Dans son dernier compte rendu, le New York Times analyse le «contraste saisissant» entre les deux rivaux qui «dans leur message et leur comportement n'auraient pas pu être plus différents» en ces derniers jours «éprouvants» de campagne. Dimanche, la démocrate a commencé sa journée dans une église noire de Détroit (Michigan), où elle a déclaré que la nation était «prête à infléchir l'arc de l'histoire vers la justice», invoquant les paroles de Martin Luther King Jr. Le Républicain, lui, a entamé la sienne dans un rassemblement en Pennsylvanie où, «les épaules affaissées et la voix étouffée, il a affirmé qu'il «n'aurait pas dû quitter la Maison Blanche après sa défaite» en 2020.
Trump est allé trop loin. Il devrait faire clairement savoir qu'il ne souhaite aucun mal physique à Liz Cheney (...) Un bon point de départ, même avant mardi, serait qu’il lui présente des excuses
Éditorial du «Detroit News»
Le quotidien, qui avait appelé Joe Biden à se retirer de la course, oppose un Donald Trump «semblant particulièrement fatigué», scandant des «discours empreints de vulgarités occasionnelles» - il a qualifié les démocrates de «démoniaques» et a suggéré que cela ne le dérangerait pas si des journalistes étaient abattus pour l'atteindre - à une Kamala Harris «nettement plus optimiste». Une chose est sûre, écrit le NYT en Une ce lundi : «Fatigués, troublés et nerveux : les Américains se rendent massivement aux urnes». Près de 75 millions d’électeurs ont déjà voté par anticipation.
Prolifération de post-it
Le Washington Post, lui, narre la prolifération dans les «swing states» de post-it sur lesquels «les femmes laissent des messages aux femmes pour les encourager à voter en fonction de leur opinion et leur rappeler que leur vote est secret». Ces bouts de papier se retrouvent sur «la porte d'un salon de coiffure en Caroline du Nord», sur «le miroir des toilettes pour femmes d'un aéroport de l'Ohio», ou «au dos d'une boîte de protections hygiéniques dans l'Arkansas»… «Les origines de cette tendance ne sont pas claires, mais la cofondatrice de Women for Harris-Walz affirme que ses membres collent ces notes dans les toilettes depuis des mois», rappelle le quotidien qui ne soutient aucun candidat cette année.
Entre deux articles sur le match de football entre les Packers de Green Bay et les Lions de Détroit, au cours duquel les équipes de campagne de Kamala Harris ont diffusé sa dernière grande publicité, le Milwaukee Journal Sentinel, principal journal du Wisconsin, revient sur les paroles de Barack Obama «en direction des électeurs indécis» au Baird Center de Milwaukee. «Il a présenté Donald Trump comme un milliardaire qui se présente uniquement pour son propre bénéfice.» L'ancien POTUS a de même fustigé son successeur sur son programme économique : «The Apprentice était une émission de télé-réalité. La vérité, c'est que Donald Trump a reçu 400 millions de dollars de son père… et pourtant, ses entreprises ont fait faillite six fois.»
Les 2750 «supers électeurs» de l’Arizona
The Arizona Republic part de son côté à la rencontre des «2750 supers électeurs» de l'État «qui votent à chaque élection depuis trois décennies», mus par «leur devoir civique». Parmi eux, Adelita Grijalva, superviseure démocrate. «Mon oncle a été naturalisé mais n'a pas pu voter, donc j'ai toujours pensé que c'était notre responsabilité, a-t-elle déclaré. C'est un tel privilège de pouvoir le faire.» Une autre, Carol Habra, qui vote depuis plus de 45 ans, estime «que si vous n'avez pas voté, vous n'avez pas le droit de dire un mot sur ce qui sera fait plus tard».
Au Nevada, le Las Vegas Review-Journal , plus grand quotidien de l'État et propriété de la famille de feu Sheldon Adelson, milliardaire magnat des casinos et donateur du parti républicain, s'intéresse – ça ne s'invente pas – aux paris autour du scrutin : «Trump était favori à -123 dimanche sur Betfair Exchange à Londres pour remporter l'élection face à Harris, outsider à +120. Trump était favori à -210 mercredi. Les cotes actuelles signifient que les parieurs doivent miser 123 $ pour gagner 100 $ sur l'élection de Trump et 100 $ pour gagner 120 $ sur l'élection de Harris.»
«Trump devrait s’excuser»
Dans le Michigan, le quotidien conservateur de la ville The Detroit News publie pour sa part un éditorial sans équivoque : «Trump devrait s'excuser auprès de Cheney et de la nation». «En tant que personne ciblée par deux tentatives d'assassinat, il devrait comprendre le danger d'évoquer des images de violence armée» et «[d’] attaquer l'ancienne députée Républicaine Liz Cheney, aujourd’hui fervente partisane de Kamala Harris». Il y a quelques jours, Donald Trump a en effet suggéré de braquer des armes sur la fille du vice-président de George W. Bush.
«Trump est allé trop loin. Il devrait faire clairement savoir qu'il ne lui souhaite aucun mal physique (...) S'il remporte les élections, l'un de ses premiers engagements devrait être d'atténuer la rhétorique de division et de colère qui domine notre discours national. Un bon point de départ, même avant mardi, serait qu’il lui présente des excuses», poursuit l'éditorial. «Nous sommes également préoccupés par la tendance du camp Harris à qualifier les partisans de Trump de «fascistes» et de «nazis», ce qui est également inutilement provocateur», tempère le journal.
Le Raleigh News and Observer de Caroline du Nord, lui, fait sa Une sur la question de l'avortement, «une des raisons qui motive de nombreux électeurs» à aller voter, et la façon dont le futur gouverneur de l'État, lui aussi élu mardi, se positionnera. La décision de la Cour suprême en 2022 de supprimer le droit constitutionnel à l'IVG en vigueur depuis cinquante ans a effectivement laissé à chaque État le soin d'établir sa propre législation. Dans les grandes lignes, le Républicain ne mentionne pas ce sujet dans les douze «questions importantes» de sa campagne et ne compte pas changer la loi qui interdit l'avortement, sauf exceptions, au-delà de douze semaines de grossesse. Le Démocrate, lui, s'engage à ne signer «aucun projet de loi qui restreindrait davantage l'avortement».
Lady Gaga, Ricky Martin et Oprah Winfrey
Le Charlotte Observer met en garde Donald Trump : «Les électeurs portoricains de Caroline du Nord affirment qu'il paiera le prix de son insulte», après que l'humoriste Tony Hinchcliffe a parlé de Porto Rico comme d'une «île flottante de déchets» lors d’un meeting du Républicain à New York. «C'est comme s'il insultait [notre] propre mère», s'insurge le pasteur de l'église méthodiste de Hickory Road, à Charlotte.
En Géorgie, enfin, le Savannah Morning News met en avant la problématique «urgente» du logement. Et de comparer les programmes des deux principaux candidats : Kamala Harris veut augmenter l'offre et faciliter l'accès à la propriété ; Donald Trump prévoit de réduire les prêts hypothécaires et d’inciter fiscalement à l’achat.
La dernière journée de campagne a ce lundi lieu en Pennsylvanie. Le Philadelphia Inquirer ouvre son donc son site sur le rassemblement de clôture de Kamala Harris ce soir où est attendu «un casting de stars» : Lady Gaga, Ricky Martin, Fat Joe ou encore Oprah Winfrey.