Lutter contre les inégalités sociales et territoriales de santé commence par s’en soucier vraiment

Les inégalités sociales et territoriales de santé (ISTS) sont la principale plaie de notre système
de santé
. Elles perdurent et, à nouveau elles se creusent, tant dans le domaine de l’offre de soins
que dans celui de la santé des habitants de notre pays. Conformément à la Constitution de la
Ve République qui reprend le Préambule de celle de 1946, ce devrait pourtant être un objectif
central de la Nation.
Pour le moins, dans la longue durée et malgré les discours, il faut bien constater l’échec des
politiques publiques. Ce n’est pas là le résultat d’un complot : beaucoup d’hommes et de femmes
aux divers niveaux de l’administration de la santé, sans compter les soignants dont c’est l’essence
même, ont essayé de lutter vraiment au cours des ans. Cependant, chemin faisant, ils ont
rencontré, parfois sans s’en rendre compte ou s’en en tirer toutes les conséquences, la
contradiction entre cet objectif et le système économique dans lequel nous vivons qui vise d’une
part à la concentration des richesses aux mains de quelques-uns et qui, d’autre part, repose sur
la négation de l’existence de classes sociales et territoriales en s’abritant derrière l’étendard de
grandes déclarations universelles.
Nous pouvons voir aussi dans ces échecs la conséquence d’une méconnaissance des réalités
sociales et territoriales de la santé parmi les décideurs. Beaucoup, vivent loin d’elles. Ils ne les
perçoivent pas. Pourtant, année après année depuis le XIXème siècle, les travaux s’accumulent. Ils
sont à l ‘origine de la santé publique dont on sait le faible développement en France, sans doute
pour les mêmes raisons. La formation des décideurs leur assure cependant et en principe, une
meilleure connaissance des évolutions chronologiques. C’est que notre république bourgeoise
s’est bâtie sur l’idée de Progrès qui justifie la poursuite sans fin de l’accumulation du capital (de
toute nature) aux mains des élites. Ceci a commandé le développement, depuis le début du XIXe
siècle, de la science historique et de son enseignement. Comme le disait un ancien Délégué à
l’Aménagement du Territoire, Jean-Louis Guigou, « en France on est bon en histoire mais on est
nul en géographie et en sociologie »
. Par ce « on » il désignait ceux qui sont « aux manettes »
ou qui croient l’être. Là est peut-être la simple raison de l’échec.
Ceux qui n’en sont pas de ces élites-là savent bien le poids de ces déterminismes sociaux et
territoriaux. Ils les vivent tous les jours dans les difficultés de la vie. C’est comme le montre
l’histoire sociale de notre pays, par leurs luttes, que les meilleurs changements s’opèrent presque
toujours. Ils doivent être les aiguillons des politiques publiques. Aussi devraient-ils toujours,
partout, poser aux politiques publiques dans toutes les instances auxquelles ils sont associés et
sur la place publique, quelques questions simples et exiger que des réponses leurs soient
données. Ce que le principe de l’évaluation des politiques publiques n’a jamais vraiment obtenu,
ils peuvent y parvenir par l’obstination de leurs questions.
Pour cela, tous les acteurs, tous les usagers du système de santé pourraient se saisir d’un « Mémo
ISTS » et demander que des réponses claires soit apportées aux 12 questions qu’il pose. Un peu
comme les aviateurs ou les chirurgiens dressent une check-list avant de s’envoler ou d’inciser.
Avoir ce souci permanent de la question des inégalités sociales et territoriales de santé
constituerait déjà une avancée importante sur la voie de leur traitement.