Gaz russe : la fin des livraisons via l'Ukraine inquiète en Europe
Fermeture des robinets. L’Ukraine a cessé, mercredi 1er janvier, tout transit de gaz russe vers l'Europe, après l'expiration d'un contrat de cinq ans signé entre les deux parties en 2019.
"Nous avons arrêté le transit du gaz russe, c'est un événement historique. La Russie perd des marchés, elle va subir des pertes financières", s'est félicité le ministre ukrainien de l'Énergie, Guerman Galouchtchenko, cité par ses services dans un communiqué.
Aucune livraison n'était prévue mercredi, selon des données publiées la veille par l'opérateur ukrainien GTSOU, actant l'expiration d'un contrat entre la compagnie ukrainienne Naftogaz et le géant russe Gazprom, qui a, de son côté, confirmé l'arrêt des livraisons, tout en déplorant la décision de l'Ukraine : "En raison du refus répété et explicite de la partie ukrainienne de prolonger cet accord, Gazprom a été privé de la possibilité technique et juridique de fournir du gaz pour le transit à travers l'Ukraine."
Refus de "financer la guerre russe"
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le maintien de cet accord énergétique apparaissait de plus en plus fragile. Pour Kiev, continuer ces échanges revenait à "financer la guerre russe" sur son territoire, explique Emmanuelle Chaze, correspondante de France 24 en Ukraine.

En 2023, environ 14,65 milliards de mètres cubes de gaz russe avaient transité par le territoire ukrainien, selon des chiffres officiels, générant des revenus significatifs pour les deux camps : 800 millions d'euros pour l'Ukraine et 5 milliards pour Gazprom.
Cette rupture intervient alors que le conflit approche de son troisième anniversaire, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, déclarant mardi soir que son pays devrait se battre en 2025 sur le "champ de bataille" mais aussi à la "table des négociations".
"Chaque jour de l'année à venir, nous allons devoir nous battre pour une Ukraine suffisamment forte. Parce que seule une telle Ukraine sera respectée et entendue. Tant sur le champ de bataille qu'à la table des négociations", a-t-il déclaré dans son adresse de Nouvel An à la nation.
Un "impact drastique", selon Robert Fico
La fin de ce transit marque la disparition d’une route énergétique historique. Depuis les années 1960, au temps de l’Union soviétique, le gazoduc Bratstvo (fraternité, en russe) faisait le le lien entre la Russie et certains pays européens. En 2021, avant la guerre, 45 % des importations de gaz naturel de l’Union européenne provenaient de Russie, une proportion réduite à 18 % en juin 2024, selon un rapport sur l'état de l'union de l'énergie.
Malgré cette baisse, la dépendance subsiste dans certains pays situés dans l'est de l'Europe. La Slovaquie et la Hongrie, particulièrement vulnérables, ont déjà exprimé leurs inquiétudes, se plaignant de voir le robinet coupé. Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, proche de Moscou, a averti, mercredi, des graves conséquences qu'aura la fin du transit, selon lui.
"Stopper le transit de gaz via l'Ukraine aura un impact drastique sur nous tous dans l'UE, pas seulement sur la Fédération russe", a déclaré dans une vidéo sur Facebook le dirigeant nationaliste qui s’était rendu à Moscou en décembre pour tenter de trouver une solution dans l’urgence, sans succès.
"La diversification a un prix et toute alternative au gaz russe sera significativement plus chère", avait prévenu à l'AFP le porte-parole de la compagnie slovaque de gaz SPP, Ondrej Sebesta.
Parmi les plus proches alliés de l'Ukraine, la Pologne, par la voix de son chef de la diplomatie, Radoslaw Sikorski, a de son côté salué "une nouvelle victoire" sur Moscou.
Dans ce contexte tendu, le cours du gaz européen a atteint mardi la barre symbolique des 50 euros le mégawattheure, un niveau record depuis plus d'un an.
Gazoduc TurkStream
Avec la fin du transit via l'Ukraine et plus de deux ans après le sabotage des tubes Nord Stream en mer Baltique, les approvisionnements russes vers l’Europe reposeront désormais sur deux autres axes majeurs : le gazoduc TurkStream, passant par la mer Noire et alimentant le sud-est de l’Europe, notamment la Hongrie, et le gaz naturel liquéfié (GNL), acheminé par méthaniers.
"Avec le GNL, Vladimir Poutine bénéficie encore d’une rentrée d’argent et d’un pouvoir de nuisance, il renvoie aussi l’Europe à une certaine hypocrisie. L’Europe a imposé des sanctions sur le pétrole et sur le charbon russe, mais elle n’est pas arrivée à en faire de même sur le gaz", analyse Phuc-Vinh Nguyen, spécialiste de l’énergie à l’Institut Jacques Delors, cité par Le Monde.
Parallèlement, la Moldavie, qui vient de réélire une présidente pro-européenne, ne recevra plus de livraison de Gazprom, dans le contexte d'un différend financier. Après l'échec des négociations avec le géant gazier russe, Chisinau a été contraint de décréter l'état d'urgence face à la menace d'une pénurie de gaz.
Gazprom avait déjà arrêté une grande partie de ses livraisons vers ce pays après le début de l'invasion russe en Ukraine, n'alimentant plus que la région séparatiste prorusse de Transnistrie. Mais sa centrale thermique permet toujours de fournir 70 % de l'électricité consommée par tout le pays, l'un des plus pauvres d'Europe.
Avec agences