Notre critique de Rumours, nuit blanche au sommet : une satire géopolitique loufoque et gore

Notre critique de Rumours, nuit blanche au sommet : une satire géopolitique loufoque et gore

Cate Blanchett, Denis Ménochet, Charles Dance, Roy Dupuis, Nikki Amuka-Bird, Takehiro Hira et Rolando Ravello dans Rumours, nuit blanche au sommet, de Guy Maddin. Bleecker Street

Prix du jury au festival de Gérardmer, cette comédie politique goguenarde et salutaire en forme de parodie de film de zombies réunit Cate Blanchett et Denis Ménochet.

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Si la musique angoissante ne suggérait pas celle d’un film d’horreur, on se croirait dans le début de L’Exercice de l’État, de Pierre Schoeller. Sept dirigeants influents cheminent dans la clairière arborée d’un château en Allemagne pour le sommet annuel du G7 de Dankerode au fin fond de la Saxe. Les caméras et les journalistes entourent cette troupe de chefs d’État, en pleine crise internationale, et qui doivent convenir des grandes lignes d’une déclaration provisoire.

Maîtresse de cérémonie, la chancelière allemande (Cate Blanchett, qui arbore les mêmes tailleurs et coupes de cheveux qu’Angela Merkel) emmène la délégation vers un site de fouilles où un archéologue met au jour le corps boueux d’un être des tourbières, immonde cadavre caoutchouteux sur lequel le président français (Denis Ménochet, excellent) a beaucoup à dire, semble-t-il, puisqu’il est en train d’écrire « une psycho-géographie des cimetières et rites funéraires ».

Donneur de leçons

Le protocole oblige ensuite les élus à poser pour la postérité autour de ce corps momifié avec pelles rutilantes et bottes en plastique. Gentiment évincé des pourparlers par la représentante du Royaume-Uni (Nikki Amuka-Bird), le premier ministre canadien (Roy Dupuis, très drôle), sorte de beau gosse « serial séducteur », déprime et s’éclipse en forêt « pour s’aérer l’esprit ». Dans un pavillon à colonnades au bord de l’eau, les convives passent à table. L’occasion pour le Français d’une nouvelle embardée lyrique sur le vin. Les autres chefs d’État sont un peu agacés par le côté sans-gêne de ce président hâbleur et donneur de leçons (que Ménochet compose entre Macron, Sarkozy et Hollande).

Le soir, chacun constate pourtant que quelque chose ne tourne pas rond. Le personnel a disparu. Les portables ne passent plus. En retournant vers le château, les politiciens s’enfoncent dans une forêt pleine de mystères et de périls… Leurs errances cauchemardesques ne vont pas tarder à se manifester à mesure que le film bascule vers le fantastique et une certaine forme d’horreur kitsch.

Avec Evan et Galen Johnson, le réalisateur canadien Guy Maddin (Winnipeg mon amour, Des trous dans la tête) a troussé une satire géostratégique de l’incompétence politique en forme de parodie de film de zombies. Plus les protagonistes sont coupés du monde, plus l’imagination débridée du cinéaste se libère, occasionnant des visions potaches et hallucinées qui rappellent le surréalisme frappadingue d’un Quentin Dupieux. Rumours, nuit blanche au sommet navigue allègrement entre le rire et l’horreur, soulignant les failles de nos démocraties et la vacuité des sommets internationaux. Un bel exercice de liberté, goguenard et salutaire, qui fait du bien en ces temps où la démocratie est menacée.

Notre avis : 2,5/4