« Dans deux ans, elle emploiera 300 personnes» : Le Slip français inaugure son usine près de Paris

C’est par une confidence que l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire a entamé son discours à l’usine Bonne Nouvelle d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), inaugurée par le fondateur du Slip français, Guillaume Gibault.

«Pour participer à cet événement, je me suis mis sur mon 31, y compris sur ce que je ne peux pas vous montrer: mon Slip français. Les Slips français sont de qualité, ils sont élégants, séduisants, ma femme apprécie beaucoup... Enfin la prochaine fois, faites des chemises, c’est plus facile de faire la pub en direct », a-t-il plaisanté.

Nicolas Dufourcq, directeur général de la banque publique Bpifrance, également venu soutenir cette nouvelle usine, a de son côté plaidé pour que les Français renouvellent annuellement leurs slips et non tous les deux ans comme c’est la moyenne.

Les trois hommes se connaissent bien depuis la pandémie de Covid-19, lorsque Guillaume Gibault n’avait ménagé sa peine pour mobiliser les entreprises textiles tricolores dans la confection de masques.

«Ça passe ou ça casse»

La fabrication de textile «made in France» reste cependant compliquée et Le Slip français, fondé en 2011, ne fait pas exception. Au printemps 2024, Guillaume Gibault a été contraint de revoir sa stratégie après la chute de 10% de son chiffre d’affaires en 2022 et 2023.

Ses slips à 40 euros étaient jugés trop onéreux par les consommateurs. «Après treize ans d’activité, nous étions au bord du gouffre. Nous ne savions pas comment payer les salaires de nos 90 salariés», a-t-il rappelé.

Pour séduire un public plus large, l’entrepreneur de 39 ans a lancé en avril 2024 la gamme de slips et de boxers (R)évolution, vendus deux fois moins cher à qualité égale. Pour réaliser ce tour de force, il a dû augmenter ses volumes de production et commander 400.000 pièces auprès de ses sous-traitants contre 5000 à 10.000 pièces par les autres gammes.

Le bon modèle économique

C’était l’opération de la dernière chance. «Ça passe ou ça casse», avait alors prévenu Guillaume Gibault. Si, à la fin de 2024, l’entreprise qui réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, n’est pas encore à l’équilibre, les slips et boxers (R)évolution ont toutefois dopé ses ventes. Guillaume Gibault pense désormais avoir trouvé le bon modèle économique.

Pour mettre en œuvre cette solution, il a été épaulé par sa directrice générale, Léa Marie, recrutée en 2021. Ingénieure diplômée de l’École supérieure des industries du vêtement (ESIV), elle a roulé sa bosse pendant vingt ans du sud de l’Europe à l’Asie, en passant par les pays de l’Est.

L’année où elle a rejoint Le Slip français, Léa Marie a aussi rencontré Bruno Haddad qui évolue dans le textile depuis une quarantaine d’années. Il a implanté des usines au Maroc et en Tunisie où il a confectionné du prêt-à-porter pour de grandes enseignes.

Démarche écoresponsable

Tous deux sont convaincus qu’il est possible de fabriquer en France à des prix compétitifs. Dès 2022, ils ont imaginé une usine avec un circuit court de production. C’est le projet Bonne Nouvelle. Le nom renvoie au boulevard parisien qui marque la limite du Sentier, ancien quartier des ateliers de textile parisiens.

«Le projet a été présenté aux plus grands partenaires industriels et bancaires mais on ne rentrait pas dans les cases», indique Léa Marie. Guillaume Gibault s’est associé à l’aventure ainsi que Myriam Mentfakh, ancienne condisciple de Léa Marie à l’ESIV et fondatrice du bureau d’études LeLabPlus qui accompagne les marques de mode dans leur démarche écoresponsable.

Pour créer cette société et lancer l’usine en 2023 les quatre associés fondateurs ont eux-mêmes financé le parc de machines qu’ils ont peu à peu étoffé et qui représente un investissement de 100.000 euros.

Veille machines sur TikTok

Très automatisée, cette usine de 500 m2 située à cinq minutes de voiture de la mairie d’Aubervilliers, emploie actuellement 40 salariés en CDI, payés en moyenne 25% de plus que le smic. Les mécaniciennes ont été recrutées à proximité et sont toutes polyvalentes. «Dans deux ans, l’usine emploiera 300 personnes », affirme Léa Marie.

Pour l’heure, le personnel s’active derrière des machines qui font gagner un temps précieux sur les neuf opérations de fabrication d’un boxer. C’est notamment le cas de celle qui fixe la ceinture de l’élastique sur le corps du sous-vêtement.

«Ça fait quatorze ans que je fabrique des slips en France, aucune usine dans le pays n’a ce type d’automate», assure Guillaume Gibault. En fin connaisseur des outils de production, Bruno Haddad a pris la présidence de Bonne Nouvelle et sa mission est de dénicher les machines. «C’est un technicien hors pair. Il fait sa veille de machines sur TikTok puis les fait livrer à l’usine», relève le patron du Slip français.

Tee-shirts, pyjamas, et chaussettes

La PME fabriquera cette année 30% de ses produits à Bonne Nouvelle, tout en continuant à travailler avec ses sous-traitants historiques. Il table pour 2025 sur une production de 700000 slips et boxers, vendus comme les deux modèles (R)évolution à moitié prix.

Pour étendre ces tarifs à l’ensemble de ses gammes, l’entrepreneur a aussi revu la conception de ses produits, à la fois dans la création, le patronage et le process de couture. «La conception est clé pour gagner du temps et de la matière première qui coûte cher», souligne Léa Marie.

Seul le Slip français fabriquera à Aubervilliers cette année mais Bruno Haddad espère dès 2026 pouvoir accueillir d’autres marques. Myriam Mentfakh a rappelé de son côté qu’avec cette usine l’objectif des quatre associés « est d’ancrer une industrie capable de répondre aux exigences des volumes industriels tout en restant compétitive».

Guillaume Gibault a profité de l’événement pour annoncer qu’à compter du 5 mars les prix des tee-shirts, pyjamas, et chaussettes de sa marque seraient également divisés par deux.