«Nos transports ne sont pas des navettes gratuites» : Valérie Pécresse lance son plan de bataille contre la fraude
«Nous allons diviser par deux la fraude dans les transports, en la passant de 8 à 4% d’ici à la fin de l’année», a lancé la présidente de la région et d’Île-de-France Mobilités (IDFM) Valérie Pécresse ce jeudi, bien décidée à faire de la lutte contre la fraude dans les transports en commun franciliens sa nouvelle priorité. Car le phénomène est tel qu’il représente désormais pas moins de 700 millions d’euros par an de manque à gagner pour les opérateurs de transports franciliens. «Soit l’équivalent du prix de construction de deux nouvelles lignes de tram ou encore de 1500 bus propres neufs», pointe l’élue. Aujourd’hui, elle se dit prête à changer de méthode : plutôt que de procéder à des contrôles inopinés, Valérie Pécresse préconise donc de cibler plus particulièrement les zones où la fraude est la plus élevée. «Maintenant, nous allons faire du “name and shame”», a-t-elle lancé, avant de dévoiler l’ensemble des zones géographiques, stations de métro ou encore lignes de bus qui affichent les plus mauvais résultats.
Les résultats sont pour le moins éloquents. Dans le métro, les deux stations les plus touchées par le phénomène - Château Rouge sur la ligne 4 et Aimé Césaire sur la ligne 12 - affichent respectivement un taux de fraude de 17,3% et 16,7%. Même chose sur les trams opérés par la RATP, où le taux de fraude atteint désormais le niveau record de 16%. Un autre point noir est pointé du doigt : celui de la fraude dans les bus parisiens et de petite couronne, qui a atteint 15,2%. Pire, ce taux atteint 27% dans les bus de nuit. Un niveau atteint en 2020 et qui peine à redescendre depuis. «Nous avons eu une augmentation très significative de la fraude depuis le Covid», explique Valérie Pécresse, qui évoque «les mauvaises habitudes» prises à cette époque où les conducteurs ne vendaient plus de tickets à bord pour des raisons sanitaires. Une certaine «tolérance» s’était «alors installée dans les bus», reconnaît l’élue aujourd’hui.
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La «fraude dure» dans le viseur d’IDFM
Et s’ils sont désormais «plutôt stables», les taux - soit 15,2% dans les bus contre 9,5% dans les lignes de Transilien et 4,8% dans le métro et le RER - sont toujours trop élevés aux yeux de la présidente de l’autorité organisatrice des transports en commun franciliens. Car «nos transports ne sont pas des navettes gratuites», s’agace l’élue, qui rappelle que les fraudeurs, en cela qu’ils privent IDFM et in fine les opérateurs de 700 millions d’euros de recettes chaque année, «contribuent à l’augmentation du prix du passe Navigo». C’est pourquoi elle veut désormais lutter plus activement et efficacement contre le phénomène de «fraude dure». Et de préciser : «je parle des usagers qui décident de frauder, qui contournent les valideurs ou qui se collent aux passagers pour passer les portiques»
Pour y parvenir, Île-de-France Mobilités (IDFM) va s’appuyer sur de «nouveaux outils législatifs». Réclamée depuis plus de huit ans par Valérie Pécresse, la plateforme «Stop fraude» est désormais accessible aux opérateurs, qui peuvent ainsi contrôler si les contrevenants ont fourni leur bonne adresse. Grâce à la loi Tabarot sur la sécurité dans les transports votée le 11 février dernier, ces derniers pourront même réaliser cette vérification en temps réel. Une avancée considérable qui permettra notamment de lutter «contre l’usurpation d’identité», souligne Valérie Pécresse. Autre avancée : la signature d’une convention avec l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), qui permettra le suivi automatisé des paiements des contraventions.
En parallèle, la Brigade régionale des transports - créée en juin 2024 - sera bientôt dotée de 100 agents cette année, au lieu de 50 aujourd’hui. Ils viendront renforcer les contrôleurs et les forces de sûreté déjà présents sur le réseau francilien. En outre, la présidente d’IDFM souhaite mettre en place «des opérations de contrôle continu». L’idée est d’aller en force là où la fraude est la plus importante et d’y «rester des semaines entières» en parallèle des contrôles déjà effectués par les opérateurs sur les autres lignes. «Dès le 17 février, il y aura plus de 50 équipes par jour» déployées sur le terrain à cet effet. Expérimentée sur «l’une des lignes les plus sinistrées entre Trappes et Saint-Quentin-en-Yvelines», cette opération coup de poing a permis de faire baisser le taux de fraude de 13 à 6% en deux semaines, se félicite l’élue.
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Le «dark web» scruté de près
Enfin, la présidente de la région a insisté sur le fait de lutter contre la fraude sur tous les tableaux, pas seulement contre celle qui survient au quotidien sur le terrain mais aussi celle qui s’organise sur les réseaux sociaux. Avec l’explosion des nouvelles technologies, un certain nombre de fraudeurs n’hésitent plus à tricher sur les tarifs pour éviter de payer les transports. Et ce en prenant par exemple des titres à prix réduits. À ce sujet, elle se satisfait par exemple d’avoir réussi à faire bloquer l’application Akha, «qui avait pour but d’aider les fraudeurs à contourner les contrôles». Récemment, IDFM a également découvert une gigantesque fraude aux fausses attestations d’assurance maladie, qui permettait aux contrevenants de bénéficier de 75% de réduction sur le prix du passe Navigo. Cinq personnes d’origine égyptienne ont été poursuivies et, pour certains d’entre eux, condamnés.
Et les moyens mis sur la table pour ce volet sont importants. Une vingtaine de personnes travaillent quotidiennement à traquer ces nouveaux fraudeurs, plus malins et plus discrets, qui œuvrent souvent sur le “dark web”. Pour les aider dans cette tâche, IDFM fait appel à une entreprise prestataire chargée de faire une veille active sur les réseaux sociaux et autres applications cryptées telles que Telegram qui permettent à des réseaux de se former. «Je vise d’aller loin, car si on récupère 10 millions d’euros (sur les 700 millions que représente la fraude aujourd’hui, ndlr) ce n’est pas suffisant», conclut Valérie Pécresse, qui attend désormais la publication du baromètre trimestriel afin d’examiner l’efficacité des contrôles et de ce plan de lutte inédit.