Le gouvernement remet sur la table les 7 heures de travail «gratuit» par an
Elle avait fait polémique, avant d’être finalement retirée du projet de budget de la Sécurité sociale en novembre, mais le gouvernement Bayrou semble tenir à cette piste, destinée à combler le déficit de la Sécu. Dans un entretien au Journal du dimanche publié ce 19 janvier, Catherine Vautrin remet sur la table l’idée de faire travailler les Français sept heures de plus par an, sans être rémunérés en contrepartie. «Les sénateurs, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qu’ils ont voté, proposent de travailler sept heures de plus dans l’année, soit dix minutes de plus chaque semaine», a rappelé la ministre du Travail et de la Santé, questionnée sur le déficit public. «Cette mesure peut, en 2025, générer deux milliards d’euros de recettes fléchées vers les dépenses sociales», a-t-elle ajouté. Son cabinet a précisé par la suite les propos de la ministre, affirmant que le gouvernement n’avait «pas d’opposition de principe sur cette mesure», qui sera étudiée par l’Assemblée nationale à la reprise des travaux sur le PLFSS 2025.
Interrogée sur cette mesure d’économies sur le plateau de France 3 ce dimanche midi, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a confirmé qu’il s’agissait d’ «une piste sur la table». «La proposition que les sénateurs ont mis sur la table, c’est que, pour le grand âge, pour les Ehpad, pour l’accompagnement de la dépendance, il y avait la possibilité que, par le travail - c’est l’esprit de la Sécurité sociale -, nous arrivions à donner plus de moyens aux sujets qui inquiètent les Français, et c’est 2 milliards», a confirmé cette macroniste historique.
C’est par un amendement au budget de la Sécurité sociale que des sénateurs du centre et de droite ont introduit en novembre dernier cette mesure, baptisée «contribution de solidarité par le travail». Le texte, déposé par la rapporteure générale de la commission, la centriste Élisabeth Doineau, disait vouloir renforcer «le financement de la branche autonomie (de la Sécurité sociale, NDLR) au moyen d’une augmentation de sept heures de la durée annuelle de travail, pour un temps plein, des personnes en emploi, dans le secteur privé comme dans les fonctions publiques».
Une mesure critiquée par Michel Barnier
La mise en application de cette mesure étant laissée à l’appréciation des entreprises ou des branches, insistaient les sénateurs. «Ça peut se traduire par une journée par an, ça peut se traduire par 1h40 par mois», indiquait le sénateur LR Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.
«L’idée, c’est qu’il y ait un débat avec les partenaires sociaux sur la mise en application du principe», précisait-il. «Une totale souplesse sera laissée aux acteurs de terrain pour définir (ses modalités d’accomplissement) en fonction de leurs besoins et de leur organisation», précisait l’amendement. En contrepartie de ces 7 heures de travail «gratuit», le texte prévoyait que les employeurs voient leur contribution de solidarité pour l’autonomie versée à la Sécu augmenter, passant de 0,3% à 0,6%. De quoi permettre à la Sécurité sociale de dégager environ 2,5 milliards d’euros supplémentaires en année pleine - et donc 2 milliards d’euros s’il entrait en vigueur le 1er mars.
Si la mesure, soutenue à l’époque par le ministre de l’Économie Antoine Armand, avait été adoptée dans l’hémicycle du Sénat, par 216 voix contre 119, elle était loin de faire l’unanimité. Elle avait provoqué la fureur de la gauche. Le député LFI François Ruffin avait dénoncé «un scandale». «Tant qu’on y est (...), je vous propose qu’on supprime les 35 heures, qu’on enlève une semaine de congés payés, qu’on revienne aux 48 heures !», s’était exclamée la sénatrice socialiste Monique Lubin. Même le gouvernement avait rendu un avis défavorable à l’amendement «à ce stade», tout en se disant ouvert pour la «retravailler» avec les partenaires sociaux. Le premier ministre Michel Barnier s’était lui-même dit «très réservé sur cette idée, complexe à mettre en œuvre et dont je ne suis pas sûr qu’elle rapporte ce que certains prétendent».
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La balle dans le camp des parlementaires
Face à toutes ces critiques, les sénateurs LR avaient décidé, après une discussion avec le président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée Laurent Wauquiez, de retirer cette mesure du PLFSS 2025. «La réflexion sur le temps de travail est légitime et le Sénat a bien fait de poser cette question, mais dans la période actuelle on ne peut pas demander d’efforts toujours aux mêmes, ceux qui travaillent et paient déjà beaucoup de charges et d’impôts», avait fait valoir le patron des députés LR. Résultat, en commission mixte paritaire (CMP), réunissant des députés et des sénateurs à proportion égale, la proposition avait bel et bien disparu du compromis final.
Le gouvernement semble favorable à son retour dans les discussions, et ce alors que le budget 2025 de la Sécu - sur lequel est tombé le gouvernement Barnier début décembre - doit faire son retour au Sénat jeudi 23 janvier. Les élus de la chambre haute doivent en effet voter dans l’hémicycle sur les conclusions de la CMP sur le PLFSS 2025, avant que le texte ne reprenne sa route dans le cadre d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale puis au Sénat. «Le gouvernement respectera le débat parlementaire à venir sur le sujet», a promis Catherine Vautrin. «Le gouvernement pense que c’est aux parlementaires de voir s’ils veulent ensemble avancer sur le sujet», a abondé Amélie de Montchalin.