Traversée de la Manche : Utopia 56 dénonce la « surmilitarisation » de la frontière franco-britannique

Moins d’une semaine après la balade conjointe, sur la Côte d’Opale, des ministres de l’Intérieur français et britannique, Bruno Retailleau et Yvette Cooper, venus vanter leur coopération en matière de lutte contre les traversées désespérées des exilés en quête d’un refuge outre manche, l’association Utopia 56 a rendu public, ce mercredi 5 mars, son bilan des observations de la situation migratoire sur la Côte d’Opale pour l’année 2024.

Des traversées toujours nombreuses

Ses représentants en ont profité pour corriger les chiffres avancés par les deux ministres, qui évoquaient une baisse de « 41 % des traversées réussies sur les sept premières semaines de l’année 2025 » ainsi qu’une « réduction de 32 % du nombre total de migrants ayant traversé la Manche sur la même période ». En réalité, selon les données britanniques rapportées par Utopia 56, 2 898 personnes ont réussi à traverser depuis le premier janvier 2025, contre 2 582, à la même époque l’année précédente. Et sur les cinq premiers jours de mars, le décompte est de 847 personnes, dont 592 dans la seule journée du 2 mars. « On voit bien que les chiffres sont en hausse », ont insisté les représentants de l’association.

Mais l’objectif des militants n’était pas celui d’une confrontation chiffrée. Ils entendaient surtout alerter sur les « conséquences » désastreuses de la « répression policière sur le littoral ». Ils ont d’ailleurs annoncé le dépôt d’un signalement au procureur de la république de Boulogne-sur-Mer concernant deux contrôles de police effectués contre des bénévoles solidaires dont un, survenu le 2 août 2024, durant lequel les personnes interpellées « ont cru mourir ». Les agents de police auraient, à cette occasion, usé d’une violence excessive jusqu’à user de leur arme à feu.

54 personnes en moyenne par bateau en 2024 contre 44 en 2022

L’action des forces de sécurité, dans le cadre d’une « sur-militarisation de cette frontière qui devient complètement incroyable avec des drones, des hélicoptères, des chevaux, des quads, des motos, des CRS », serait surtout la cause d’une mise en danger accrue des exilés tentant la traversée de la Manche. Du fait de la diminution des navires disponibles, parce qu’interceptés par les policiers, Utopia 56 constate une « forte augmentation du nombre de personnes par bateau », à chaque départ. « En 2022, la moyenne était de 44 personnes par embarcation. En 2023, elle était de 49 et en 2024, on a atteint le chiffre de 54 personnes », indique l’ONG, précisant qu’il s’agit de navires gonflables de 11 mètres, prévus pour embarquer 12 personnes au maximum. L’association cite comme exemple un drame survenu le 23 avril 2024. Ce jour-là, deux embarcations avaient été saisies dans la nuit, à Wimereux. Au matin, au même endroit, 112 personnes se sont entassées dans une seule et même embarcation. « Ce qui a engendré un incident mortel en mer dans lequel 5 personnes sont décédées, dont une petite fille de 7 ans », dénonce Utopia 56.

Autre danger pointé par l’association : l’augmentation des départs depuis les plages de Berck et de Dieppe, pour éviter les interventions de la police. Les personnes qui échouent à partir se retrouvent alors « à plus de 150 km de la première aide humanitaire disponible sur les campements de Calais et de Dunkerque, expliquent les solidaires. Ce sont des gens qui doivent alors prendre les transports en commun, dans la peur d’être contrôlés, parfois trempés, ou après avoir été en contact avec un mélange d’eau de mer et de carburant, qui cause de nombreuses brûlures ».

Chavirements, hypothermies, collisions

Quant à ceux qui parviennent à prendre la mer, c’est pour une distance multipliée par trois par rapport aux départs depuis Calais. « C’est donc plus de temps passé par les exilés dans les embarcations, insiste Utopia 56. C’est donc aussi plus de danger de chavirement, d’hypothermie, de collision avec d’autres navires. »

L’association dénonce en outre, le non-respect du droit maritime par les forces de sécurité, qui, à plusieurs reprises, auraient crevé certains bateaux pneumatiques, déjà sur l’eau, avec des personnes embarquées. Leur mission est pourtant limitée aux seules interventions terrestres.

Utopia 56 appelle donc à un changement de politique, à la frontière franco-britannique, et notamment la mise en place de voies légales d’accès à l’asile outre-Manche. Et d’ajouter : « Sauver des vies, c’est ouvrir des ferries. »

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