Du séminaire aux finales de la NBA, l'incroyable parcours du Camerounais Pascal Siakam

Même son coéquipier, la star Tyrese Haliburton, a été surpris. Contre toute attente, c'est Pascal Siakam qui a été élu, samedi 31 mai, MVP (meilleur joueur) de la finale de Conférence Est. À 31 ans, le basketteur camerounais a pourtant mérité cette récompense. Lors du sixième match, le joueur des Indiana Pacers a été déterminant dans la victoire de son équipe contre les New York Knicks.

Auteur d'un match d'anthologie, il a été le meilleur marqueur de la partie avec 31 points, à 10 sur 18 au tir, 5 rebonds, 3 passes et 3 contres. Avec des moyennes de 24,8 points, 5 rebonds, 3,5 passes et 1,3 interception par match, et d'excellents pourcentages (52 % de réussite au shoot et 50 % à trois points), il a finalement été choisi à la place de Tyrese Haliburton, lui aussi époustouflant, pour remporter le Larry Bird Trophy, qui récompense chaque année le meilleur joueur (MVP) des finales de la Conférence Est.

"Je suis juste un jeune gars du Cameroun, qui a déménagé aux États-Unis à dix-huit ans et qui a tout donné pour le basket", a sobrement commenté Pascal Siakam en conférence de presse.

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"Un grand frère pour moi"

L'ailier fort fait preuve d'humilité, mais il a pourtant déjà une belle carrière derrière lui. Sacré champion NBA en 2019 avec les Toronto Raptors, il pourrait décrocher une seconde bague lors des finales qui débutent jeudi contre le Thunder d’Oklahoma City.

C'est en raison de son expérience que le basketteur africain a été recruté par les Indiana Pacers en janvier 2024. "Le transfert de Pascal Siakam a permis de changer de dimension", a ainsi estimé le coach de l'équipe Rick Carlisle, cité par le New York Times. "Quand on l’a fait venir, on avait une vision. On imaginait réaliser quelque chose d’unique comme ça", a également décrit Tyrese Haliburton. "C’est vraiment spécial depuis qu’il est là. Il est comme un grand frère pour moi, quelqu’un en qui je peux avoir confiance, sur lequel je peux m’appuyer, à qui je peux parler."

En quelques années, Pascal Siakam est ainsi devenu l'un des visages les plus familiers de la NBA. Sélectionné à trois reprises pour le All Star Game, il n'était pourtant pas un mordu de basket au départ. Né à Douala au Cameroun, il grandit dans le quartier de New Bell Ngangue au sein d'une famille catholique pratiquante. Le jeune garçon est d'abord destiné à devenir prêtre et suit le séminaire de St Andrews à Bafia dès l'âge de 11 ans. "C'était très strict, mais cela m'a appris à être un homme, être responsable et prendre soin de moi", avait-il confié en 2019 au journal Le Soir.

Dans le même temps, Pascal Siakam se passionne pour le football et rêve même de devenir joueur professionnel comme il l'a décrit dans une chronique pour The Players' Tribune. Mais en raison de sa taille (2 m 08) et pour imiter ses frères aînés, il se met finalement au basket. Il est repéré lors d'un stage organisé en 2011 au Cameroun par son compatriote Luc Mbah a Moute, qui joue en NBA depuis 2008.

L'année suivante, il est invité dans un autre camp organisé par la NBA en Afrique du Sud, Basketball Without Borders. Malgré son physique fluet, son talent saute aux yeux du président des Raptors, le Nigérian Masai Ujiri, présent dans les tribunes. Les États-Unis lui ouvrent les bras. "Cela m’a excité et je me suis dit que si j’avais la chance d’aller aux USA et de jouer, pourquoi pas ? Aussi, suivre un cursus scolaire de qualité. C’était le rêve", a-t-il raconté à la RTBF.

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"J'étais infatigable"

À 18 ans, il franchit l'Atlantique où il débarque à la God’s Academy au Texas. L'adaptation est difficile : "Je me sentais complètement perdu, comme si je n'avais aucune idée de ce que je faisais. Mes coéquipiers me disaient des bêtises sans arrêt. C'était nouveau pour moi aussi." Le Camerounais subit les moqueries de ses coéquipiers qui le traitent de "mains de pierre", mais il s'accroche. Il est finalement recruté par l’université d'État du Nouveau-Mexique, où il joue pour les Aggies pendant deux saisons. Pascal Siakam évolue de mieux en mieux dans sa nouvelle vie, mais cette période est marquée par le décès de son père dans un accident de voiture. L'apprenti basketteur ne peut se rendre à ses obsèques. Le déchirement est immense, mais il en tire une détermination à toute épreuve.

En 2016, il est sélectionné par les Raptors de Toronto au premier tour à la 27e position de la Draft NBA : "Mes frères pleuraient et criaient, mes amis pleuraient et criaient, je pleurais et criais… c’était tout simplement trop d’émotions. À ce moment-là, plus que tout, j’aurais aimé voir la réaction de mon père."

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La nouvelle recrue des Raptors a du mal à faire son trou. Bousculé sur les parquets, il est relégué dans un premier temps en G League. Le sportif africain ronge son frein et observe. "Je n’étais pas le plus grand joueur, mais j’étais infatigable, j’avais cette mentalité de ne jamais abandonner et de toujours jouer dur quoi qu’il arrive", a-t-il analysé sur ses débuts.

Petit à petit, il réussit à se faire une place. En une saison, il passe de 7 à 17 points de moyenne par match. En 2019, il remporte son premier titre et devient le troisième joueur africain avec son coéquipier congolais Serge Ibaka à soulever le trophée Larry O'Brien après Hakeem Olajuwon et Festus Ezeli.

Lors des saisons suivantes, il se montre toujours plus décisif. Après le départ de la star de l'équipe Kawhi Leonard, il porte la franchise et devient la coqueluche des supporters. Il enchaîne ainsi cinq saisons à plus de 21 points de moyenne. En fin de contrat, il est finalement recruté par les Indiana Pacers, qui rêvent de l'associer à leur étoile montante Tyrese Haliburton.

Là encore, le départ est loin d'être évident. "Cela a été un moment difficile. Je suis arrivé à Toronto très jeune. C'était une grande partie de moi", a-t-il confié. Ce transfert s'est finalement révélé payant. Pascal Siakam pourrait devenir le second joueur né en Afrique après Hakeem Olajuwon à décrocher un second titre NBA. Mais il faudra pour cela venir à bout d'Oklahoma City, porté par le MVP canadien de la saison Shai Gilgeous-Alexander. Sur le papier, le Thunder fait figure de favori.

En rentrant sur le parquet jeudi, Pascal Siakam aura en tout cas une force supplémentaire. Il sera porté par le souvenir de son père : "Chaque fois que j'entre dans une salle, je touche le numéro 4 de mon maillot quatre fois pour mon père et mes trois frères, puis je touche le numéro 3 trois fois pour ma mère et mes deux sœurs, puis je fais le signe de la croix et je lève le doigt vers le ciel. Je sais que mon père me regarde."