« 2,3 millions de personnes font face à une mort imminente à Gaza », alerte Hala Abou Hassira, ambassadrice de Palestine en France
Dans quelle situation se trouve la population de Gaza après dix-neuf mois de bombardements, de déplacements, de famine ?

Hala Abou Hassira
Ambassadrice de Palestine en France
Je ne trouve plus les mots pour décrire ce qu’il se passe à Gaza. Un seul terme qualifie les dix-neuf mois passés : c’est un génocide déclaré et assumé, sponsorisé par l’abandon du monde entier. Israël a réussi à rendre cette partie du monde invivable, par la destruction totale de l’ensemble des hôpitaux et des habitations. Par l’assassinat de plus de 65 000 Palestiniens, sans compter les 120 000 autres blessés, condamnés à la mort faute de soins médicaux.
La famine n’est pas nouvelle, elle faisait partie de la stratégie israélienne dès le départ. Aujourd’hui, pas une goutte d’eau, pas un gramme de nourriture, pas de fioul, pas de médicaments, rien ne rentre. C’est la concrétisation du crime de génocide, de la barbarie exercée contre une population civile. 2,3 millions de personnes font face aujourd’hui à une mort imminente. Chaque seconde compte.
Comment analysez-vous les récentes déclarations du gouvernement israélien, de Benyamin Netanyahou en passant par le ministre Bezalel Smotrich, qui promettait mardi la « destruction totale de Gaza » ?
Cela correspond à leurs propos d’il y a dix-neuf mois. Le projet israélien n’a jamais changé, il a toujours été assumé. Netanyahou et sa coalition fasciste veulent l’annexion totale de la bande de Gaza. Le projet, c’est de vider le territoire de sa population en la forçant à le quitter, après l’avoir rendu inhabitable.
Il n’y a pas d’expulsion volontaire ou forcée ; toute expulsion se fait par la force. Ce que Netanyahou est en train de faire est une déportation, une flagrante violation du droit international, un crime de guerre et un crime contre l’humanité. La bande de Gaza appartient à son peuple, aux Palestiniens. Notre terre n’est pas un projet immobilier.
Face aux crimes qui se poursuivent dans l’enclave, que pensez-vous du manque d’intervention des pays occidentaux, ainsi que des pays arabes ?
C’est la politique du deux poids deux mesures, de l’hypocrisie totale. Je crois qu’aux yeux de l’exécutif international la vie des Palestiniens ne vaut pas la vie de quiconque sur cette Terre, ils sont une exception. Le système international est paralysé et mis en échec, il n’a rien fait pour imposer le respect du droit international. J’espère que de ce moment très grave pour nous et pour l’humanité tout entière émergera quelque chose.
On est en train de voir un petit réveil, mais ça ne suffit pas. Aujourd’hui, le soutien direct ou indirect à Israël domine dans l’exercice de ses crimes de guerre. Cela doit cesser. Il est temps de mettre en œuvre une intervention concrète qui mettrait un terme au nettoyage ethnique de l’ensemble du peuple palestinien, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, et y compris à Jérusalem-Est.
Sanctionner Benyamin Netanyahou, n’est-ce pas ce que doivent porter la France et les pays européens ?
L’urgence, c’est de stopper le massacre en cours. Arrêter Netanyahou, c’est une évidence et même une exigence juridique de la CPI. On attend de la France qu’elle œuvre – comme elle l’a fait au Liban – pour un cessez-le-feu immédiat. Il n’est pas possible qu’aucun pays dans le monde entier n’arrive à faire entrer un seul camion de nourriture et de médicaments dans la bande de Gaza.
Il faut ouvrir un couloir humanitaire et essayer de sauver ce qu’on peut sauver. Puis reconstruire la bande de Gaza selon le plan arabe qui a été adopté au sommet arabe le 5 mars, accueilli favorablement par l’ensemble des pays européens, notamment par la France.
Sanctionner l’État d’Israël relève d’une obligation qui incombe aux États membres des Nations unies. Personne ne peut fuir ses responsabilités. Chaque État dispose de leviers, politiques, économiques, diplomatiques. Par exemple un embargo sur la fourniture d’armes. La France doit également travailler sur une voie politique qui se concrétiserait lors de la conférence onusienne de juin sur la solution à deux États. Il faut la reconnaissance de l’État de Palestine par l’ensemble des États qui ne l’ont toujours pas fait et qui tardent à le faire, avant qu’il ne soit trop tard. Il faut dire aux Palestiniens : vous existez et vous méritez l’exercice de votre droit inaliénable à l’autodétermination.
Donald Trump a promis de grandes annonces en marge de son déplacement au Moyen-Orient. Qu’en attendez-vous ?
Nous attendons de lui un véritable engagement pour parvenir à arrêter les massacres. Ma crainte, et on l’a bien vu avec les déclarations de Trump, c’est qu’il aspire à contrôler la bande de Gaza, lui qui la résume à un projet immobilier. La gravité de cette alliance américaine et israélienne, c’est l’existence d’un même projet colonial illégal.
Nous appelons les Américains à se raisonner. S’ils veulent une vraie stabilité dans la région, elle ne peut passer que par la concrétisation de la solution à deux États et par la fin de l’apartheid israélien, et non par un soutien à cette politique. J’espère que le président américain va entendre les messages très clairs des pays arabes sur la nécessité de la paix et sur le préalable à la paix qu’est la justice pour le peuple palestinien dans son État indépendant.
Pour une information libre sur la Palestine
Nous avons été l’un des premiers médias français à défendre le droit des Palestiniens à disposer d’un État viable dans le respect des résolutions de l’ONU. Et nous avons inlassablement défendu la paix au Proche-Orient. Aidez-nous à continuer de vous informer sur ce qui se passe là-bas. Grâce à vos dons.
Je veux en savoir plus !