LE FIGARO : Bayonne a été l’équipe surprise de la saison passée. Celle de la confirmation s’annonce plus compliquée…
Joris SEGONDS : Exactement. La saison dernière c’était beau, tout le monde nous disait : «C’est magnifique ce que vous faites». Mais là, on repart sur la ligne de départ, les compteurs sont remis à zéro. Il va falloir répondre présent parce que nous allons être plus attendus que la saison dernière. Personne ne s’attendait à ce que l’Aviron se qualifie pour la phase finale, encore moins dans les quatre premières places. Recevoir un barrage à Jean-Dauger, c’était quand même assez incroyable. On était également le seul club à terminer la saison invaincu à domicile. Je pense que ça va être un objectif pour tous les autres de venir gagner à Bayonne. On va donc avoir un peu plus de pression. Mais c’est de la bonne pression.
Le maître-mot de l’intersaison était-il d’oublier cette saison folle et de redescendre sur terre ?
Complètement. À la fin de la saison, après la demi-finale, on s’est tous retrouvés pour profiter un peu avec nos familles. On s’est dit qu’on avait réussi quelque chose de beau, profitons-en un peu, puis remettons vite au boulot. Une fois qu’on a goûté aux phases finales, on n’a plus qu’une envie, c’est d’y retourner.
Justement, quels objectifs vous êtes-vous fixés cette saison ?
Forcément, de refaire un top 6. Ça serait énorme de se qualifier à nouveau. Et puis, après avoir terminé 4e, ça ferait tache de se retrouver au fond du classement. Même si ça s’annonce plus compliqué, il faut confirmer, Il y a des exemples : Montpellier, en 2022, ils sont champions et la saison suivante, ils disputent l’access-match… Ou le Stade Français. Lors de ma dernière saison, on va en demi-finale et l’année d’après, ils ont terminé 12e… Il faut être conscient de ça, se dire «attention, ce n’est pas parce qu’on a fait une demi-finale que cette saison sera la même ou plus facile». Au contraire, je pense que la saison de la confirmation est toujours plus compliquée.
Dans ce contexte, la Champions Cup, c’est du bonus ou un objectif ?
C’est du bonus. Mais, après il y a des belles affiches. On va, par exemple, recevoir le Leinster à Jean-Dauger. C’est beau, c’est un événement pour la ville, tout le monde va être content. Quand on voit l’engouement qu’il y a déjà autour du club, ça va être chouette. Et puis ça reste un match à domicile. Notre forteresse doit rester imprenable. Ça marche aussi pour les matchs de Coupe d’Europe. On va donc vouloir faire bonne figure dans la plus grande compétition d’Europe.
Le recrutement semble à la hauteur des nouvelles attentes...
Le recrutement est ambitieux. Il n’y a quasiment que des internationaux qui sont arrivés (les Bleus Alexandre Fischer et Emerick Setiano, le Gallois Gareth Anscombe, l’Australien Rob Leota, le Sud-Africain Herschel Jantjes..., NDLR). C’est bien. Ça montre que l’Aviron attire désormais des joueurs de la trempe de Rob Leota, des Australiens qui, à l’autre bout du monde, ont envie de venir jouer à Bayonne. Je pense que la ferveur bayonnaise attire aussi énormément. C’était mon cas la saison dernière. Quand tu joues dans un stade comme ça, avec ce public qui pousse, ça te donne un supplément d’âme.
Comment ça se passe avec Camille Lopez, qui est passé de l’autre de la barrière en intégrant le staff ?
Personnellement, ça ne change rien. On était proches et on a toujours la même complicité. En tant que joueur, il avait déjà un petit peu ce rôle la saison dernière, il discutait souvent avec le staff et échangeait énormément avec nous. Ça s’est donc fait naturellement. Qu’il soit désormais à 100% dans le staff, ça ne nous choque pas. On trouve ça normal. Le plus important est qu’il reste au club. Camille était important dans le vestiaire. Il avait un rôle de leader, mais aussi du mec qui amenait la joie de vivre, qui avait la connerie, la banane. Dans le staff, il va continuer d’amener ça, c’est cool. Il continue à chambrer mais il prend plus de pièces de la part des joueurs qu’il nous en met. C’est bien, ça correspond à l’esprit de ce club, qui est assez familial.
C’est-à-dire ?
Ce côté humain qu’on a avec le staff, c’est incroyable et ça fait notre force. Il faut absolument qu’on arrive à le garder. Staff, joueurs, il n’y a pas de barrière. Bien sûr, il y a la barrière pendant et après les matchs, aux entraînements. Mais, hors rugby, on était tous ensemble, on échangeait énormément. Dans le rugby professionnel, ça se perd un peu…
Des bruits insistants font cependant état de crispations entre Grégory Patat et Laurent Travers, qui est arrivé en tant que directeur du rugby. Cette cohabitation forcée vous inquiète-t-elle ?
(Sourire) Cette question, je l’ai déjà eue un paquet de fois… On voit passer tous les articles, toutes les réactions sur les réseaux sociaux. Mais, franchement, en interne, nous, les joueurs, on n’en parle pas. Parce que dans le vestiaire, ça se passe super bien entre nous et le staff. Il n’y a pas de tension. On est toujours avec le staff, celui de la saison dernière. À l’heure qu’il est, le patron, pour nous, c’est toujours Greg (Patat). Après, ce qui se passera avec le président, ça ne nous regarde pas. Et, surtout, on n’est pas au courant. Nous, ce qui nous importe, ce sont les résultats, de gagner le week-end.
Camille Lopez retraité, le Gallois Gareth Anscombe arrive. Mais vous allez avoir plus de responsabilités.
La saison dernière, j’en avais déjà un peu même si, c’est vrai, Camille me déchargeait énormément. Mais, franchement, je ne prends pas plus de pression que ça. Je suis là pour jouer au rugby, pour m’amuser. J’espère que c’est pareil pour Gareth (Anscombe). Qu’on ne sera pas forcément dans la concurrence mais plus pour se tirer l’un l’autre vers le haut. Une saison, on ne peut pas la faire tout seul. On aura donc besoin d’être tous les deux, de s’entraider, comme on l’a fait la dernière année avec Camille. Ce qui fait, aussi, que ça a si bien fonctionné, c’est qu’on avait une sacrée entente.
Un peu plus de leadership aussi ?
Oui. Mais bon, de toute façon, il faut en 10. Il va falloir que je prenne un peu le rôle qu’avait Camille parce que je serai le seul Français au poste. Il va falloir aussi que je m’affirme avec l’âge (28 ans). J’en ai parlé avec le staff, de la façon dont je peux reprendre le rôle de Camille. Je vais essayer. De base, je ne suis pas un mec qui aime parler dans un vestiaire. J’ai plus la banane. Ça va me faire changer un petit peu. Mais il va falloir que je prenne ce rôle à cœur...
À titre individuel, vous fixez-vous également des objectifs avant une saison ?
Non. À part jouer le plus de matchs, apporter ce que je peux à l’équipe et me régaler. (Sourire) Je ne me prends vraiment pas la tête, je suis un joueur assez zen. Moi, le rugby, c’est un plaisir. Je suis content à chaque fois que je joue. Donc, mon objectif est juste de prendre le maximum de plaisir.
Terminer meilleur réalisateur du Top 14, ce n’est pas un objectif ?
Si ça vient, ça vient. Sinon, je m’en fous. Bien sûr que j’aimerais faire 100%. Tous les buteurs aimeraient (rires). Mais ce n’est pas un objectif. Le seul, c’est de gagner le plus de matchs avec le club. Ça passera par réussir le plus de pénalités possibles, mais je ne me dis pas «je veux à tout prix finir meilleur buteur». Si je ne dois réussir qu’une pénalité par match mais qu’on les gagne tous, je signe tout de suite…
Quels souvenirs gardez-vous de vos premières sélections avec le XV de France, cet été en Nouvelle-Zélande ?
Incroyable ! Un rêve d’enfant s’est réalisé. C’était ma troisième tournée mais je n’avais pas eu la chance de jouer lors des deux premières. Honorer mes premières sélections dans le pays du rugby, il n’y avait pas mieux. Je suis très fier et très content. Sans mentir, je ne m’y attendais pas. Le lendemain de la demi-finale, je prévoyais les vacances avec ma compagne. Et c’est à ce moment-là que j’ai reçu l’appel pour ma sélection. On a tout annulé car partir en Nouvelle-Zélande, ça ne se refuse pas.
Vous projetez-vous sur les prochaines échéances des Bleus ?
Ça donne envie d’y revenir, bien sûr. Mais, comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas quelqu’un qui se prend la tête. Je pars du principe que, si jamais je fais de bons matchs avec le club… C’est le club à 100%. Le reste, ce n’est que du bonus. Et si je ne suis pas rappelé, tant pis. Je n’aurai rien à regretter. Et puis, je suis conscient que, devant moi, il y a des sacrés joueurs au poste. Ils sont deux ou trois vraiment au-dessus (Romain Ntamack, Matthieu Jalibert, Thomas Ramos, NDLR)…