Sommet sur l'Ukraine en Alaska : pourquoi Vladimir Poutine ne risque pas d'être arrêté lors de sa rencontre avec Donald Trump, malgré un mandat international
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Un accueil sans menace judiciaire. Visé depuis mars 2023 par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre, Vladimir Poutine s'apprête, vendredi 15 août, à fouler le sol des Etats-Unis pour rencontrer son homologue américain, le président Donald Trump, sans craindre la moindre arrestation. Et pour cause, Washington n'a jamais ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, et n'a donc aucune obligation légale de coopérer avec la juridiction de La Haye.
"Comme les Etats-Unis ne sont pas membres de la CPI, ni la Russie d'ailleurs, il n'y aura probablement aucun risque", confirme Guillaume Lasconjarias, historien militaire et professeur à la Sorbonne. Un constat partagé par David Teurtrie, spécialiste de la Russie à l'Institut catholique d'études supérieures, pour qui cette position découle d'"une ligne rouge américaine très claire sur l'indépendance de leurs décisions judiciaires vis-à-vis d'instances internationales".
Une administration américaine hostile à la CPI
A l'instar du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui s'est également rendu aux Etats-Unis en février, alors qu'il est visé par un mandat d'arrêt de la CPI, le Kremlin choisit soigneusement ses destinations. "Vladimir Poutine ne se rend, en principe, que dans les pays qui ne font pas partie du traité instituant la Cour pénale internationale", rappelle ainsi Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France à Moscou. Depuis l'émission de son mandat d'arrêt, le président russe n'a voyagé que dans des pays jugés "sûrs" sur le plan juridique, tels que la Chine, la Corée du Nord et les Emirats arabes unis.
A Washington, l'attitude n'est pas simplement indifférente, elle est hostile à la juridiction internationale, explique Guillaume Lasconjarias. Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a durci le ton vis-à-vis de la CPI. Le 6 février, le président américain a notamment signé plusieurs décrets, dont un projet de loi visant à rétablir les sanctions contre l'institution, finalement bloqué par les démocrates au Sénat. Son ancien conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, avait quant à lui qualifié la CPI "d'instance sans crédibilité" sur X, lorsqu'il était encore en fonction.
La Russie a adopté la même logique de représailles : après l'émission du mandat d'arrêt visant Vladimir Poutine, Moscou a riposté en délivrant ses propres mandats contre le procureur Karim Khan et le juge ayant validé la décision. Dans le pays, l'inculpation de la CPI est considérée comme "totalement politique" et le Kremlin préfère "faire comme si ça n'existait pas", indique David Teurtrie.
"Une logique de négociation"
Si certains Etats membres de la CPI pouvaient espérer exercer une pression sur Washington afin de pousser Donald Trump à arrêter Vladimir Poutine, les spécialistes se montrent sceptiques. "Je ne vois pas tellement comment un Etat qui n'est pas signataire pourrait appliquer un accord qu'il n'a pas ratifié", tranche Guillaume Lasconjarias. "Les Européens sont davantage dans une logique de négociation et cherchent à s'intégrer aux discussions, plutôt qu'à provoquer un incident diplomatique par une arrestation", estime toutefois David Teurtrie, évoquant notamment la volonté de l'Union européenne d'inclure le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, au sommet.
Les précédents montrent d'ailleurs que même les signataires du Statut de Rome appliquent leurs obligations de façon sélective. En 2024, Vladimir Poutine a ainsi pu se rendre en Mongolie, pourtant État membre de la CPI, sans être inquiété. Son cas n'est pas isolé : en 2015, l'ancien président du Soudan Omar el-Béchir, alors recherché pour génocide, avait été accueilli en Afrique du Sud sans arrestation.
Plus récemment, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a été reçu à Budapest par son homologue hongrois Viktor Orban, qui avait alors déclaré ne pas arrêter ses amis, rapporte l'agence de presse américaine Associated Press. Depuis, la Hongrie a entrepris les démarches afin de quitter la Cour. "Le Premier ministre Nétanyahou a survolé le territoire français et les autorités françaises ne l'ont pas arrêté", rappelle également David Teurtrie.
En cas d'arrestation, un scénario de "chaos"
Au-delà de l'aspect juridique, une arrestation de Vladimir Poutine sur le sol américain serait un séisme diplomatique d'une ampleur inédite, ajoutent les experts interrogés par franceinfo. "Ce serait rentrer dans un chaos complet des relations internationales", prévient même David Teurtrie. Pour le spécialiste de la Russie, une telle initiative ne ferait "qu'alimenter les factions les plus dures du Kremlin" et pourrait déclencher une spirale de représailles de la part d'une puissance nucléaire.
"On ne parle pas ici d'un chef d'Etat isolé, mais du dirigeant d'un pays doté de l'arme atomique et membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU", développe Guillaume Lasconjarias, qui évoque des conséquences "imprévisibles et potentiellement dramatiques". Pour le chercheur, une telle arrestation risquerait ainsi de "bouleverser durablement l’équilibre international", et plonger le monde dans une crise dont "personne ne sortirait gagnant".