En Argentine, le président ultralibéral Javier Milei connaît sa première grève générale

Publicité

Contre un "pillage légalisé", la "tronçonneuse", des dizaines de milliers d'Argentins ont manifesté mercredi 24 janvier contre les réformes d'austérité du président ultralibéral argentin Javier Milei, confronté à une grève générale et à sa première contestation d'ampleur, après un mois et demi au pouvoir.

"La patrie n'est pas à vendre", "Ici, il n'y pas de caste !" "Manger n'est pas un privilège"... Banderoles, pancartes, sous le regard d'une marionnette à l'effigie de Milei, ont rempli l'immense place du Parlement, à Buenos Aires, à l'appel du géant syndical CGT, centrale pro-péroniste (proche du précédent gouvernement), à laquelle s'étaient joints d'autres syndicats, organisations sociales, et de gauche radicale.

Selon le chef de la police de Buenos Aires Diego Kravetz, 80 000 personnes étaient présentes aux abords du Parlement. Un porte-parole de la CGT a évoqué à l'AFP jusqu'à 500 000 personnes dans la capitale. En province, à Cordoba, Corrientes, Rosario, Tucuman, entre autres, les médias ont rapporté des manifestations drainant des milliers de personnes.

"Un anti-Miléisme organisé"

Dans la capitale, transports, commerces, banques, ont fonctionné à normalement mercredi matin. Bus, trains, ont circulé jusqu'à 19 h, avant un arrêt total planifié jusqu'à minuit, quais de gare et stations se désertant en fin de journée.

Le trafic aérien a été touché. La compagnie Aerolineas Argentinas a annoncé annuler 295 vols, dont des internationaux, "affectant plus de 20 000 passagers", pour un coût "qui dépassera 2,5 millions de dollars".

Manifestation à Buenos Aires lors d'une grève générale contre la politique du président argentin ultra-libéral Javier Milei, le 24 janvier 2024
Manifestation à Buenos Aires lors d'une grève générale contre la politique du président argentin ultra-libéral Javier Milei, le 24 janvier 2024 © TOMAS CUESTA / AFP

"Le pays ne s'arrête pas !", a claironné la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich, raillant une mobilisation "minimum" - 40 000 à Buenos Aires selon elle - "par rapport au nombre de gens qui ont décidé d'aller travailler": un "échec total". Elle a dénoncé des "syndicats mafieux, gestionnaires de la pauvreté (...) qui résistent au changement démocratiquement décidé par la société".

Alors que des syndicats prédisent une conflictualité sociale bien plus forte en mars, sous l'effet cumulé de l'austérité et de l'inflation, mercredi relevait "de la démonstration de force, du pouvoir de la rue, l'idée étant de montrer quelle sera la résistance sociale à Milei", analysait pour l'AFP le politologue Ivan Schuliaquer. Montrer aussi que même si les sondages récents restent favorables à Milei (de 47 % à 55 % d'opinion positive) "il y a déjà un anti-Mileisme bien organisé".

Pour l’exécutif, "il n'y a pas d'alternative" a l'austérité, pour apurer les comptes d'un pays structurellement endetté et stabiliser une économie étranglée à 211 % d'inflation annuelle. Il dénonce des syndicats "du mauvais côté de l'Histoire", et une grève "non-sens absolu", annoncée en décembre 18 jours après l'investiture de Milei, et alors que les réformes suivent "le jeu démocratique" au Parlement.

Manifestation à Buenos Aires lors d'une grève générale contre la politique du président argentin ultra-libéral Javier Milei, le 24 janvier 2024
Manifestation à Buenos Aires lors d'une grève générale contre la politique du président argentin ultra-libéral Javier Milei, le 24 janvier 2024 © Luis ROBAYO / AFP

Là, le gouvernement pousse pour faire adopter son gigantesque train de réformes dit "Loi-omnibus" mais le rapport de forces parlementaires - le parti de Milei, La Libertad Avanza, n'est que la 3e force - contraint l'exécutif à des compromis.

Députés mis en garde

Dans les tractations des derniers jours avec l'opposition, il a proposé de retirer 141 des 664 dispositions initiales. Privatisations (41 entreprises d'État initialement visées), indexation des retraites, délégation de pouvoirs à l'exécutif au nom de "l'urgence économique", et ressources des provinces, sont les principaux points de friction.

La Chambre des députés doit examiner la semaine prochaine une première mouture de texte, et la CGT a enjoint les parlementaires "à décider s'ils sont du côté des travailleurs ou s'ils les trahissent".

Manifestation à Buenos Aires lors d'une grève générale contre la politique du président argentin ultra-libéral Javier Milei, le 24 janvier 2024
Manifestation à Buenos Aires lors d'une grève générale contre la politique du président argentin ultra-libéral Javier Milei, le 24 janvier 2024 © STRINGER / AFP

Sur le plan juridique, le "Décret de nécessité et d'urgence" (DNU) publié mi-décembre, qui pose le cadre général des réformes, rencontre lui aussi des écueils : il a fait l'objet de plus de 60 recours en justice invoquant son inconstitutionnalité.

Face à la mobilisation, Patricia Bullrich avait promis d'appliquer son "protocole anti-blocage", qui enjoint les forces fédérales à intervenir en cas de coupure d'axes de circulation. Qui de facto sont survenues, sous l'effet du nombre.

"Si on a résisté à la dictature qui était un exercice quotidien de terreur, comment ne pourrait-on pas affronter pas cette clown de Bullrich ?" ironisait Rafael Klejzer, militant de l'économie populaire, venu manifester contre "un pillage légalisé de l'économie".

Aucun heurt n'avait été rapporte plus de trois heures après la fin du rassemblement Place du Parlement.

Avec AFP

Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine

Emportez l'actualité internationale partout avec vous ! Téléchargez l'application France 24