Festival de Cannes 2025 : nous avons testé pour vous le cinéma de la plage, les pieds dans le sable et la tête dans les étoiles

Le soleil n'est pas encore couché, mais il en prend le chemin. L'heure de pointe pour le vendeur de chouchous du cinéma de la plage. Son panier en bandoulière, agitant frénétiquement sa clochette, il passe de transat en transat pour offrir ses petites pépites caramélisées, comme dans les cinémas d'autrefois.

Le cinéma de la plage rappelle les drive-in des années 1960 qui permettaient de regarder les films sur un grand écran en restant dans sa voiture. Chaque jour, à 21h30, il accueille des spectateurs venus du monde entier. L'accès est libre et sans code vestimentaire. Les tongs comme les escarpins sont les bienvenus, et si vous oubliez votre petite laine, pas de panique. Une couverture bleue est prêtée aux frileux.

Le vendeur de chouchous du cinéma de la plage Macé de la Croisette, à Cannes, le 17 mai 2025. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)
Le vendeur de chouchous du cinéma de la plage Macé de la Croisette, à Cannes, le 17 mai 2025. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)

Lilou, 21 ans, et Quentin, 23 ans, viennent pour la première fois. "C'est le lieu qui nous a tentés et le fait que ce soit gratuit parce qu'à Cannes, il faut être invité pour pouvoir assister à quelque chose", explique la jeune femme. Ils ignorent quel film ils vont voir le 17 mai mais "peu importe. On vient pour profiter du moment".

Un Italien de 25 ans, installé à Antibes raconte : "Je suis déjà venu l'an dernier. C'est un truc qu'on ne peut pas faire souvent, regarder un film sur une plage. Et ils diffusent de très vieux films en noir et blanc qu'on ne voit plus à la télé de nos jours." Rosa, l'Algérienne, vient pour "partager avec plein de monde". Elle trouve qu'en plein air, "on est mieux qu'enfermé dans une salle de cinéma". De nombreux spectateurs ignorent le programme du soir. Pas Maryline, 63 ans, qui fait partie des habitués et a deux priorités cette année : "Voir le documentaire sur la légende de la Palme d'or et celui sur Brigitte Bardot."

La légende de la Palme d'or... continue

Quand vient la nuit, sonne l'heure de la première projection : ce soir-là, une première mondiale est offerte aux spectateurs en transats : le film d'Alexis Veller "La Légende de la Palme d'or continue...". Le réalisateur monte sur scène pour expliquer qu'il a déjà réalisé en 2013 un film sur les lauréats du trophée sélectionné dans la catégorie Cannes Classics.

Pour ce second documentaire, il a rencontré huit nouveaux palmés, uniquement des hommes : Claude Lelouch, Nuri Bilge Ceylan, Hirokazu Kore-eda, Ken Loach, Bong Joon-ho, Costa-Gavras, Jerry Schatzberg, Ruben Östlund. "Il y a beaucoup d'émotions, des rires et des larmes. Tout ce qui fait le sel de nos vies", dit-il en guise de préambule. "On est dans un écrin sublimissime", ajoute-t-il, avant de faire comme Ruben Östlund lorsqu'il a gagné la Palme d'or : un selfie avec, derrière lui, tous les spectateurs criant sur la plage !

Le réalisateur Alexis Veller fait un selfie avec les spectateurs du cinéma de la plage, au Festival de Cannes, le 17 mai 2025, avant la projection de son film "La Légende de la Palme d'or continue...". (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)
Le réalisateur Alexis Veller fait un selfie avec les spectateurs du cinéma de la plage, au Festival de Cannes, le 17 mai 2025, avant la projection de son film "La Légende de la Palme d'or continue...". (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)

Résonne alors sous les étoiles la voix de Claude Lelouch, vainqueur de la Palme en 1966 avec Un homme et une femme. Il revient dans les détails sur ce jour qui a changé sa vie. La fierté de représenter la France, la panne d'électricité pendant la projection, le soutien de Jean-Louis Trintignant, la joie de sa mère... Il confie qu'il a eu du mal à s'endormir cette nuit-là : "J'avais peur de me réveiller."

Palme d'or en 2014 avec Winter Sleep, le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan revient avec émotion sur le lieu enneigé où il a tourné le dernier plan du film. Lui raconte qu'en montant sur scène pour recevoir son trophée "On ne ressent rien. On se sent vide (...), j'étais comme un robot." C'est en regardant son équipe dans la salle et en voyant sa femme pleurer qu'il a pris conscience de ce qui arrivait.

Sur la plage abandonnés

Sur la plage, les spectateurs s'abandonnent à la magie de ces histoires souvent surprenantes, parfois douloureuses. Le Japonais Kore-eda, récompensé en 2018 pour Une affaire de famille, confie combien le cancer de sa comédienne fétiche, Kirin Kiki, qui n'a pas pu venir à Cannes assister à son sacre, a terni sa joie. À son retour au Japon, ses collaborateurs avaient déroulé un tapis rouge sur le sol de son bureau. Tous portaient un masque à l'effigie des vainqueurs de la mythique Palme d'or.

Ken Loach, qui a remporté deux fois le trophée, compare le Festival de Cannes au football : "Parfois, on gagne une coupe (...) Le plus important, c'est l'équipe. Un film est un collectif." Ruben Östlund se souvient encore de sa "joie folle" en 2017. "Hurler était le seul moyen de l'exprimer pleinement", confesse-t-il.

Treize films sont programmés cette année au cinéma de la plage dont un film surprise le vendredi 23 mai. Si la pluie ne vient pas gâcher la fête, les spectateurs du clair de la lune seront au rendez-vous.