Notre critique de Nouvelle vague de Richard Linklater : hommage à une génération

Quel générique ! Ils sont tous là. La fine équipe des Cahiers du cinéma s’affiche au complet sur l’écran. Ils sont jeunes. Ils sont beaux. Ils sont doués. Paris, c’est-à-dire l’avenir, leur appartient. Chabrol et Truffaut ont déjà réalisé leur premier film. Godard est à la traîne. Il ronge son frein. Lui aussi, il veut faire ses Quatre Cents Coups. Ce sera À bout de souffle. La suite est connue. Après, rien ne sera plus jamais pareil. Richard Linklater (Boyhood ) raconte cette aventure de l’intérieur.

Voici l’histoire d’une petite bande. Ils aiment les filles et les flippers, vénèrent le septième art, signent des articles parce qu’ils rêvent de passer derrière la caméra. Ce sera chose faite sous le nom de Nouvelle Vague. Il fallait sans doute un étranger pour avoir le recul nécessaire, porter là-dessus un œil pointu, inspiré et attendri. L’astuce a aussi consisté à embaucher des comédiens qui ont un faux air de leur modèle sans ressembler à des clones. Le noir et blanc ajoute au charme. Dès le début, on sent que la réussite sera totale.

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Gaieté et audace

Les miracles existent donc. Pour les obtenir, il suffit d’un peu de talent, de pas mal d’amour et d’une certaine dose d’admiration. Alors Belmondo se fout de tout. Il boxe, rigole, imite Bogart. Godard fume tout le temps, marche sur les mains, répond à côté. Il y a des bagarres et des fous rires. Ces néophytes ont leurs mots de passe. « Dégueulasse » est un adjectif dont ils se servent souvent. Le mot deviendra un classique. On ne sait ce qu’il faut encenser le plus dans cette affaire, la gaieté, l’audace, le naturel. Zoey Deutch fait une Jean Seberg confondante. Elle se baigne dans la fontaine Saint-Sulpice avec la désinvolture d’Anita Ekberg dans La Dolce Vita, remonte les Champs-Élysées en tee-shirt.

L’époque saute aux yeux. Il y a le Festival de Cannes, ces journaux par dizaines, ces voitures qui pouvaient se garer n’importe où. La création s’effectue au jour le jour. Quand l’inspiration n’est pas là, Godard plie bagage. Ciao la compagnie. Une évidente liberté circule dans ces séquences ; la passion imprègne le moindre plan. Les truands étaient faits pour mourir d’une balle dans le dos, au bout de la rue Campagne-Première. Les demoiselles ne pouvaient pas s’empêcher de trahir. L’amitié irrigue les rapports. Cela donnait du plaisir et de l’émotion. Plus tard, il y aurait les brouilles, les jalousies, la mort.

Richard Linklater rend hommage à une génération, retrouve le ton, la couleur d’une période bénie. « Épatant », aurait dit Jean d’Ormesson. Il est permis d’ajouter gai, vivant, nostalgique, fraternel à la liste de compliments. Nouvelle vague, remerciement de 105 minutes, brille de gratitude. On a beau être en 2025, la passion est là, intacte. Linklater prouve que si le cinéma est l’enfance de l’art, c’est aussi l’art de l’adolescence. Il règne sur ces images une jeunesse qui ne finira jamais.

Notre avis : 4/4