Budget : "Quand vous baissez les dépenses publiques, vous baissez le pouvoir d'achat, vous avez un effet récessif sur l'économie", souligne Éric Coquerel, élu LFI de Seine-Saint-Denis

Alors que le Premier ministre multiplie les déclarations pour défendre son budget, et ses coupes budgétaires drastiques critiquées par l'opposition, Éric Coquerel, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, et député La France insoumise de la première circonscription de Seine-Saint-Denis, lui répond, contredisant fermement ses constats qu'il estime alarmistes. Un "catastrophisme" qui justifierait une politique que déplore l'élu dans le "11h/13h" du vendredi 29 août, face à Florence O'Kelly et Antoine Comte.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Florence O'Kelly : Une réaction à ce qu'on vient d'entendre sur l'inquiétude des patrons, l'inquiétude d'un effort qui leur serait demandé sans contrepartie. Vous l'entendez ?

Éric Coquerel : L'effort qui pourrait leur être demandé, c'est de payer les impôts qu'ils doivent payer. Et je me méfie du terme 'les patrons' de manière générale, parce que, par exemple, aujourd'hui, une multinationale, elle paie moins d'impôts qu'une PME ou TPE, ce qui est un problème. Notamment parce que c'est dans ces secteurs-là, plus chez les ultrariches, que Monsieur Macron a choisi de faire des cadeaux fiscaux depuis 2017, ce qui explique que l'État a 3 % de recettes en moins et ce qui explique les déficits. Parce que, contrairement à ce qu'on croit, ce ne sont pas les dépenses publiques qui ont explosé, elles sont stables depuis 2017. Ce qui pose problème à l'État, c'est qu'il s'est appauvri à force d'avoir fait des cadeaux fiscaux, en espérant que ça allait rejaillir sur l'économie. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Tous les feux sont au rouge et c'est bien cela avec lequel il faut rompre aujourd'hui.

François Bayrou il y a quelques instants à Chalon-en-Champagne a prononcé des mots qui ont beaucoup surpris, qui semblent presque un appel à la révolution et à la libération des chaînes. Il continue d'alerter à J-10, maintenant, de ce vote de confiance sur la charge de la dette, dans des termes plus forts qu'il n'en a sans doute jamais employés jusqu'ici.

Qu'il arrête avec les clichés et le catastrophisme. En gros, quelque part, il en appelle un peu à la pression des marchés, parce que c'est ça qu'il fait depuis quelque temps, en peignant une réalité qui n'est pas la situation actuelle vis-à-vis de la dette, pour espérer s'en sortir. C'est une très mauvaise action vis-à-vis du pays. Je vous explique.

Ce n'est pas la pression des marchés. Il culpabilise une génération vis-à-vis d'une autre...

C'est une nouvelle version, la culpabilisation des nouvelles générations, je vais y venir. Mais chez un de vos confrères, au début de la semaine, c'était les marchés. En disant : "On risque de ne plus avoir de prêteurs, les taux d'intérêt explosent"... Tout ça, est faux. Vous savez qu'au mois d'août, il y a eu une levée d'emprunt et il y a eu quatre fois plus de demandes que d'offres de la part de la France. Pourquoi ? Parce que la France reste une des 15 places sûres dans le monde en termes d'emprunt.

"Il faut faire attention aux catastrophistes qui font en sorte de justifier la fin du modèle social français"

Les taux montent.

Ils ne montent pas tant que ça. Ils ont déjà été largement supérieurs dans l'histoire. Par exemple, en 2007. Ce qui est important, c'est la charge de la dette. La charge de la dette, aujourd'hui, c'est 2 % du PIB. Est-ce que vous savez à combien elle était en 2007 ? Elle était proche de 3 %. Donc on arrête de nous dire qu'on serait dans une situation tellement exceptionnelle qu'il faudrait vendre tous les bijoux de famille, d'appauvrir l'État, de faire payer via les prestations sociales qui seraient gelées, les pensions des retraités, les salariés à qui on demanderait deux jours de travail gratuits. On ferait payer tout le monde pour payer ces dettes qui, encore une fois, s'expliquent. Et ça, par contre, c'est un vrai problème. Ça s'explique non pas par des investissements qu'on aurait faits, c'est ce qu'il aurait fallu faire, mais par des cadeaux fiscaux aux plus riches. On demande à tous les Français de payer les cadeaux fiscaux des plus riches. Ça, c'est insupportable.

Pour revenir sur cette charge de la dette, ce qu'il dit ce matin le Premier ministre François Bayrou, c'est qu'elle était de 30 milliards, cette charge, en 2020, qu'elle sera de 67 milliards cette année et qu'elle sera, si on continue sur cette trajectoire, en 2029, de 100 milliards. On parle d'un doublement.

Ça, c'est clair que si on continue la même politique, ça peut augmenter. Parce que je vous ferai remarquer une chose, c'est que l'année dernière, on a déjà amputé les dépenses publiques de l'ordre de 30 milliards. On en a même rajouté 10 au cours de l'année sans trop le dire. Vous avez vu une amélioration de la situation économique, vous avez vu une amélioration énorme du déficit, vous avez vu une amélioration de la dette ? Donc cette politique, elle est mauvaise. Pourquoi ? Parce qu'il faut bien comprendre une chose. C'est que quand vous baissez les dépenses publiques, quand vous baissez les prestations des gens, c'est-à-dire quand vous baissez le pouvoir d'achat, vous avez un effet récessif sur l'économie. Donc, comme il se passe au début de l'année, il y a moindre entrée fiscale. Là, par exemple, la TVA est moindre que ce qui est espéré. Donc, ils nous proposent une politique qui n'a pas seulement pour effet de faire en sorte que l'industrie soit en dessous de 10 % du PIB. La pauvreté explose dans ce pays. Pour ça, est record man d'Europe, et ça m'inquiète pour les générations à venir, pour répondre à Monsieur Bayrou. Pour la première fois l'an dernier, les investissements en matière écologique ont régressé dans une période où on voit bien que le dérèglement climatique est générateur de catastrophes. Et tout ça, pour ne même pas jouer sur les déficits, c'est une politique à laquelle il faut rompre.

Antoine Comte : François Bayrou, Premier ministre, vous propose aussi de dresser le constat que, finalement, la France est endettée, voire au bord du surendettement. C'est ce qu'il dit, c'est ça, le vote de confiance...

Éric Coquerel : Bien sûr, mais je ne suis pas d'accord avec ce bilan.

Vous n'êtes pas d'accord pour dire que le pays est au bord du surendettement ?

Non, je ne suis pas d'accord.

Vous dites que tout va bien ?

Non, ce n'est pas ce que je vous dis. Je pense que depuis le début des années Macron, et depuis deux ans encore plus, ils sont en train d'aggraver la situation économique et de faire en sorte qu'on ait des problèmes de plus en plus majeurs, notamment en termes de consommation populaire, qui est le feu de l'activité économique en France. Par exemple, les Allemands ne l'ont pas, les Allemands sont en récession depuis trois ans. Donc je ne dis pas que tout va bien. Je dis qu'il faut faire attention aux catastrophistes qui font en sorte de justifier en réalité la taxe sur l'État social, c'est-à-dire la fin du modèle social français, le fait de baisser sans arrêt les budgets de la plupart des ministères, des moyens de l'État, de nos puissances publiques au nom de la dette. C'est à ça que ça sert. La dette, aujourd'hui, oui, je vous le dis, telle qu'elle est, elle est gérable. Je ne dis pas que c'est bien d'avoir produit de la dette pour la dette. Et si vous m'avez bien suivi, je dis que, notamment pour compenser les cadeaux fiscaux aux plus riches, ça, c'est très mauvais. Mais, par exemple, les Allemands vont faire 60 milliards de déficits pour leur économie.

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