Le Sénat se prononce ce jeudi sur le projet de budget 2025 remanié, après un examen accidenté
Dans l’un des parcours parlementaires les plus tortueux de la Vᵉ République, l’étape de ce jeudi devrait être une formalité. Ce 23 janvier après-midi, la majorité LR-centristes du Sénat devrait adopter sans encombre la seconde partie du projet de loi de finances 2025, après un examen largement chahuté par les soubresauts de la crise politique en cours. Ce vote mettra fin à l’examen, par le Sénat, du troisième volet du texte dit «budget 2025», qui comprend le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et le projet de loi de finances (PLF), divisé en deux parties (recettes et dépenses).
Comme le PLFSS à la fin de l’année dernière, le PLF, rejeté par l’Assemblée puis adopté par le Sénat, continuera ensuite son interminable parcours parlementaire avec une commission mixte paritaire (CMP). Composée de sept sénateurs et sept députés, celle-ci sera chargée de s’accorder sur une version commune du budget de l’État.
L’examen des conclusions de la CMP pourrait avoir lieu à l’Assemblée la semaine du 3 février, date à laquelle la chambre basse doit également se pencher en nouvelle lecture sur le budget de la Sécurité sociale. Pour rappel, les conclusions de la commission, une fois rendues, doivent être adoptées par les deux chambres. Comme son prédécesseur — qui a chuté sur le texte du PLFSS voté en CMP —, le gouvernement pourrait être amené à faire usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer le projet de loi à l’Assemblée nationale, en pariant sur une abstention des socialistes et/ou du RN, en cas de motion de censure.
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«Budget sans fin»
Si tel était le cas, les élus des deux chambres pourraient espérer sortir enfin de ce qui commence à ressembler à un «budget sans fin». Déposé à l’Assemblée par le gouvernement Barnier le 10 octobre 2024, l’examen du texte est devenu «malheureusement historique», selon l’expression d’un sénateur, au fil des atermoiements. Alors qu’à l’Assemblée, le chemin du budget a été semé de coups politiques et de coups de théâtre, avec en premier lieu la censure de Michel Barnier début décembre, l’examen au Sénat a été plutôt marqué par «un travail constructif teinté d’une inquiétude diffuse», explique le rapporteur général LR du budget, Jean-François Husson, à la chambre haute. «Nous avons vécu, en quelque sorte, les quatre saisons du budget, philosophe-t-il, d’abord du brouillard dans la préparation avec le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, puis une éclaircie avec Michel Barnier qui a marqué une forme de rupture et d’autorité, puis le temps de la censure qui a provoqué une grande interrogation et une anxiété larvée, et enfin, la période du budget Bayrou, qui est une période de flottement.»
Malgré cette inconstance, le Sénat — contrairement à l’Assemblée, qui a vu s’effacer du texte tous les amendements adoptés quand elle a rejeté le PLF — a, de son côté, étudié le budget en entier entre novembre et janvier. Soit plusieurs dizaines d’heures passées dans l’hémicycle avec deux gouvernements successifs.
Ainsi, la chambre haute a pu façonner le budget pour y inscrire certaines de ses priorités. Préoccupation sénatoriale par excellence, les collectivités territoriales ont, par exemple, vu leur sort nettement s’améliorer au fil de l’examen du texte au Palais du Luxembourg. Michel Barnier avait prévu initialement de faire supporter aux communes, départements et régions, un total de 5 milliards d’euros d’économies pour aider au rétablissement des comptes publics. Le Sénat a fait plusieurs propositions afin de réduire cet effort. Une stratégie qui a payé puisque le gouvernement Bayrou a confirmé qu’il reprendrait l’essentiel de ces propositions, limitant ainsi les économies demandées aux collectivités à 2,2 milliards d’euros.
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Coupes budgétaires
D’autres propositions du Sénat devraient d’ailleurs être reprises par le gouvernement, qui peut remanier le texte en cas de 49.3. La semaine dernière, le premier ministre a, par exemple, annoncé qu’il garderait la hausse de 0,1 point de la taxe sur les transactions financières adoptée par les sénateurs. Sur le volet des dépenses, c’est lors de l’examen de la partie dépenses du budget au Sénat que le gouvernement Bayrou a opéré son offensive pour réaliser des économies supplémentaires par rapport au budget «Barnier». Des coups de rabot ont ainsi été proposés via des amendements gouvernementaux sur l’immense majorité des enveloppes des ministères, avec des coupes souvent chiffrées à plusieurs centaines de millions d’euros sur l’aide au développement, l’écologie, MaPrimeRénov, la culture...
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L’alliance droite-centriste a en majorité voté ces baisses de dépenses, de même que la revalorisation substantielle du budget des Outre-Mer. Les sénateurs ont aussi pu démontrer leur propre souci de l’équilibre des comptes en proposant quelques mesures polémiques de coupes budgétaires, telles que la suppression de l’Agence Bio et du service national universel (SNU) ou encore la réduction de l’aide médicale d’État pour les soins urgents des sans-papiers. Reste à savoir si ces priorités tiendront dans le texte jusqu’à la fin de son long voyage parlementaire, qui n’est pas encore terminé.