Affaire Kohler : la cour de cassation se prononcera sur la prescription le 10 septembre

La Cour de cassation rendra le 10 septembre prochain une décision cruciale sur la prescription alléguée par l’ancien bras droit d'Emmanuel MacronAlexis Kohler, de l'essentiel des faits qui lui sont reprochés dans l'enquête sur ses liens familiaux avec l'armateur MSC.

Presque sept ans jour pour jour après la première plainte d'Anticor, la chambre criminelle s'est penchée mercredi matin sur cet axe stratégique de la défense de l'ex-secrétaire général de l'Élysée. Dans cette instruction ouverte en juin 2020, ce dernier est mis en cause pour avoir participé comme haut fonctionnaire à plusieurs décisions relatives à l'armateur italo-suisse MSC, dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte. D'abord entre 2009 et 2012, lorsqu’il représentait l'Agence des participations de l'État (APE) aux conseils d'administration de STX France (devenu Chantiers de l'Atlantique) et du Grand port maritime du Havre (GPMH), ainsi qu’entre 2012 et 2016, au cabinet de Pierre Moscovici puis d'Emmanuel Macron à Bercy.

Dissimulation des liens familiaux

Au cœur de la problématique juridique figure l'éventuelle dissimulation de ces liens familiaux, ce qui rend l'infraction «occulte» jusqu'à sa révélation publique et permet de poursuivre l'intégralité des faits, comme le soutiennent les juges d'instruction et la cour d'appel.

Alexis Kohler, mis en examen pour prise illégale d'intérêts, et deux hauts fonctionnaires, Bruno Bézard et Jean-Dominique Comolli, pour complicité, arguent au contraire de la connaissance collective de ces liens et donc de la prescription des faits antérieurs à mars 2014. La cour d'appel de Paris leur a donné tort en novembre.

Mercredi matin devant la plus haute juridiction judiciaire, Me Claire Waquet, avocat au conseil de M. Kohler, a pilonné cet arrêt «extrêmement gêné aux entournures», qui «commence par dire que l'information a été donnée tout autour de lui par M. Kohler pour en arriver à la conclusion qu'il l'a dissimulée». Son client «n'a fait aucun acte positif» en ce sens et «tout le monde est informé» autour de lui, a-t-elle insisté. Du même avis, l'avocat général a ironisé sur le «pacte de silence» entre l’ancien secrétaire général de l’exécutif et ses collaborateurs directs de l'époque invoqué par les juges d'instruction et l'arrêt d'appel, une «notion juridique qui ne me paraît pas forcément bien répertoriée». Pour lui, il y a peut-être eu «du silence» ou de la «passivité», mais pas de volonté délibérée de dissimuler ce lien familial.

En face, Me Frédéric Rocheteau, avocat d'Anticor, a estimé que «des intérêts publics sont lésés» et s'est donc étonné que l'association anticorruption soit «la seule à soutenir l'accusation», quand le ministère public à tous les niveaux depuis 2018 a toujours défendu la prescription. Le conseil a énuméré de nombreux épisodes, entre 2009 et 2016, où l’ancien secrétaire aurait pris part à des décisions relatives à MSC, caractérisant une situation «lourdement conflictuelle». «M. Kohler a exercé des fonctions qu'il n'aurait pas dû exercer, il n'a même pas songé à se déporter (...), et plus grave encore, il n'a même pas informé les organes où il siégeait», a asséné Me Rocheteau.

L'avocat a demandé à la Cour de cassation, juge de la régularité de l'application du droit mais non du fond, d'éviter toute «nouvelle appréciation» de la réalité de cette dissimulation et de constater que la cour d'appel a suffisamment et correctement motivé son arrêt. En cas de cassation, la période des faits reprochée à Alexis Kohler serait très nettement rabotée. Il réfute globalement toute infraction.