Syrie : violents combats entre les rebelles et les forces du régime près de Hama

La coalition de rebelles menée par des islamistes radicaux s'est approchée mardi 3 décembre de Hama, ville clé du centre de la Syrie. Les forces du régime syrien tentent de les repousser, appuyées par l'aviation russe.

Après plus d'une décennie de guerre civile, les appels internationaux à la désescalade se multiplient face à cette reprise des hostilités dans le pays.

Le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et d'autres factions rebelles ont lancé le 27 novembre une offensive fulgurante dans le nord-ouest du pays, s'emparant de dizaines de localités ainsi que d'une grande partie de la deuxième ville du pays, Alep.

"De violents affrontements se déroulent dans le nord de la province de Hama", une ville stratégique sur la route reliant Alep, au nord, à la capitale Damas, alors que "les aviations russe et syrienne mènent des dizaines de frappes" sur des positions rebelles, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les groupes antirégime ont pris le contrôle de plusieurs localités dans la région, selon cette ONG basée au Royaume-Uni et disposant d'un vaste réseau de sources en Syrie.

Un photographe de l'AFP a vu mardi matin des dizaines de chars et de véhicules de l'armée syrienne abandonnés, sur la route menant à Hama.

L'armée avait annoncé auparavant avoir envoyé des renforts vers la région pour ralentir la progression des rebelles.

Fuite des habitants

"Nous progressons vers Hama après avoir nettoyé" les localités qui y mènent, a affirmé à l'AFP un combattant rebelle, se présentant comme Aboul Houda Sourani.

Lundi, ces forces ont bombardé avec des lance-roquettes la ville, où six civils ont été tués, selon l'OSDH.

Les combats et bombardements dans le nord-ouest du pays, les premiers de cette ampleur depuis 2020, ont fait 514 morts depuis le 27 novembre, dont 92 civils, selon l'OSDH.

Samedi, plus de 48 500 personnes avaient déjà été déplacées dans les régions d'Idleb et du nord d'Alep, plus de la moitié étant des enfants, a indiqué lundi le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha).

Parmi eux figurent des milliers de Kurdes syriens. Leurs voitures, camionnettes ou motos surchargées de matelas et couvertures formaient une longue file sur l'autoroute Alep-Raqqa. Un trajet pour gagner plus à l'est des zones contrôlées par les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes.

Une femme kurde syrienne fuyant sa maison dans les faubourgs de la ville d'Alep après sa prise par les rebelles islamistes, le 2 décembre 2024.
Une femme kurde syrienne fuyant sa maison dans les faubourgs de la ville d'Alep après sa prise par les rebelles islamistes, le 2 décembre 2024. © Delil Souleiman, AFP
Des Kurdes syriens, fuyant leurs maisons dans la périphérie de la ville d'Alep, arrivent avec leurs biens à Tabaqah, dans la périphérie ouest de Raqqa, le 2 décembre 2024.
Des Kurdes syriens, fuyant leurs maisons dans la périphérie de la ville d'Alep après sa prise par des rebelles islamistes, arrivent avec leurs biens à Tabaqah, dans la périphérie ouest de Raqqa, le 2 décembre 2024. © Delil Souleiman, AFP

Pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011, le régime a perdu totalement le contrôle d'Alep, dont les rebelles – parmi lesquels des groupes soutenus par Ankara – ont pris possession, à l'exception de ses quartiers nord habités par des Kurdes.

La "terreur" des frappes aériennes

À Idleb, des avions syriens et russes ont procédé à des frappes. Des images de l'AFP montrent des secouristes fouiller les décombres d'immeubles rasés par des bombardements, qui ont aussi visé le camp de déplacés de Haranabouch.

"Je ne peux décrire (...) la terreur que nous avons ressentie", y témoignait lundi Hussein Ahmar Khader, un enseignant.

À Alep, des rebelles armés patrouillaient dans les rues, près de la citadelle historique, ou prenant position dans l'aéroport international de la ville d'environ deux millions d'habitants.

Des habitants faisaient la queue pour recevoir du pain distribué par une association.

"On est dans l'incertitude, on ne sait pas ce qui va arriver", a confié lundi un habitant d'Alep joint au téléphone par l'AFP, sans donner son nom. "Personne n'a été importuné", selon lui, "mais quelques miliciens ont dit aux filles de se voiler".

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé à une "cessation immédiate des hostilités", selon son porte-parole.

Les États-Unis, à la tête d'une coalition internationale antijihadistes en Syrie, ont exhorté "tous les pays" à œuvrer pour une "désescalade", de même que l'Union européenne a "condamné" les frappes russes "sur des zones densément peuplées".

"Redessiner la carte régionale"

Le président syrien Bachar al-Assad a estimé que "l'escalade terroriste" visait à "redessiner la carte régionale conformément aux intérêts et objectifs de l'Amérique et de l'Occident", dans un entretien téléphonique avec son homologue iranien, Massoud Pezeshkian.

Le président russe Vladimir Poutine et Massoud Pezeshkian ont assuré Bachar al-Assad de leur soutien "inconditionnel" et appelé à une coordination avec la Turquie, qui soutient des groupes rebelles, a indiqué le Kremlin.

La Syrie a été morcelée par la guerre civile en plusieurs zones d'influence, où les belligérants sont soutenus par différentes puissances étrangères.

C'est grâce à l'appui militaire de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah libanais que le régime Assad avait réussi en 2015 à reprendre une grande partie du territoire et en 2016 la totalité d'Alep.

Le conflit, déclenché avec la répression brutale de manifestations prodémocratie, a fait environ un demi-million de morts.

Avant l'offensive rebelle, le nord-ouest de la Syrie jouissait d'un calme précaire en vertu d'un cessez-le-feu instauré en 2020, sous le parrainage d'Ankara et de Moscou.

Avec AFP