328 778 euros. Voici le montant qu’ont déboursé l’État et les collectivités territoriales en juin dernier lors d’une mise aux enchères à Londres pour se procurer un manuscrit breton, datant de 1050-1075, comme indiqué dans un communiqué partagé par la ville de Rennes. Un trésor issu de la collection du bibliophile norvégien Schøyen. Et qui contient « une copie du Commentaire sur l’Évangile de saint Marc, rédigé au VIIIe siècle par Bède le Vénérable (672-735), moine de l’abbaye de Jarrow, en Angleterre », est-il précisé.
Le manuscrit, qui deviendra la propriété de la Bibliothèque de Rennes, aux Champs Libre, est en excellent état de conservation. Malgré son âge qui devrait bientôt dépasser le cap du millénaire, l’ouvrage est toujours composé de ses 88 feuillets faits en parchemin, et sur lesquels sont rédigés des textes en latin. « C’est extraordinaire ! Bien souvent, on trouve des feuillets, des fragments, quatre ou cinq lignes d’un texte de Bède. Là, il est complet », se réjouissait lors de la vente Eugenio Donadoni, spécialiste des manuscrits et livres anciens chez Christie’s.
Produit pour l’abbaye de Locmaria
Mais ce manuscrit, le plus ancien vendu aux enchères par la maison anglaise depuis 1960, est-il réellement breton ? Un ex-libris (inscription figurant à l’intérieur d’un ouvrage) semble indiquer cette provenance. « Liber Sancte Marie Sancti Loci », est-il écrit en rouge, en latin, sur la dernière page du manuscrit, signifiant « Livre appartenant au saint lieu de Sainte Marie ». Cette mention indique qu’il a probablement été produit pour l’abbaye de Locmaria, à Quimper, peut-être dans le scriptorium de Landévennec. À la fin du XIe siècle, l’abbaye était l’une des deux seules destinées aux femmes en Bretagne avec celle de Saint-Georges de Rennes.
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Le document aurait voyagé entre plusieurs mains, et plus précisément entre plusieurs pays. Les inscriptions en minuscule caroline de type irlandais témoignent des échanges culturels du Moyen-Âge entre la Bretagne, l’Irlande et le Pays de Galles. « Ce manuscrit a sans doute été copié par un moine de l’abbaye de Landévennec, où se trouvait l’un des plus importants ateliers d’écriture de l’époque. », avait alors expliqué en juin dernier à Ouest France Julien Bachelier, enseignant d’histoire médiévale à Quimper et chercheur au Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC).
Quatre manuscrits conservés à Rennes
Avec ce manuscrit, la Bibliothèque de Rennes - déjà riche de 35 000 documents anciens - entend enrichir les collections patrimoniales bretonnes. Car seuls quatre manuscrits sur les 255 identifiés pour la période 750-1150 sont aujourd’hui conservés en Bretagne. La majorité des ouvrages anciens produits avant la première moitié du XIIe siècle sont gardés à l’étranger : à la librairie publique de New York, par exemple, ou encore à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford.
« Depuis 1975, un seul autre manuscrit breton du haut Moyen Âge a été repéré dans le commerce »
Communiqué de la ville de Rennes
À cela s’ajoutent les Confiscations révolutionnaires. Les documents antérieurs au XIVe siècle sont devenus très rares sur le marché ancien, si bien que la ville n’a pu récupérer qu’un seul manuscrit, du XIe siècle, en 1830. « Depuis 1975, un seul autre manuscrit breton du haut Moyen Âge a été repéré dans le commerce », précise le communiqué de la ville.