Colombie : des migrants expulsé des États-Unis racontent leur "cauchemar américain"
Il aura fallu moins de deux semaines pour que les premiers effets de la nouvelle administration Trump se ressentent sur la politique migratoire américaine. Après l'ébouriffante crise diplomatique qui s’est jouée entre les États-Unis et la Colombie le 26 janvier, deux avions militaires affrétés par le gouvernement colombien ont rapatrié à Bogota , mardi 28 janvier, environ 200 personnes expulsées. Plusieurs ont dénoncé des conditions de détention et d'expulsion dignes d'un "cauchemar américain".
Leur arrivée, annoncée par le président colombien Gustavo Petro, survient après de vives tensions diplomatiques le week-end dernier entre les deux pays, portant sur le transport par les autorités américaines de migrants expulsés par l'administration Trump.
Gustavo Petro, premier président de gauche de l'histoire de la Colombie, avait refusé dimanche de permettre l'entrée de vols militaires américains transportant des expulsés colombiens, inquiet pour la "dignité" des personnes à bord.

"Papa, j'ai mal"
Au Brésil voisin, le gouvernement Lula avait dénoncé samedi le "traitement dégradant" de 88 migrants brésiliens expulsés par les États-Unis, qui ont dit avoir voyagé "pieds et poings liés". Les migrants arrivés mardi à Bogota "sont Colombiens, libres et dignes, dans leur pays qui les aime. Un migrant n'est pas un délinquant mais un être humain qui veut travailler, évoluer et vivre sa vie", a affirmé mardi sur X Gustavo Petro.
À la presse, l'un des arrivants, Carlos Gomez, a décrit des conditions de détention difficiles. "Ce n'est pas le rêve américain mais le cauchemar américain", a-t-il lancé depuis l'aéroport El Dorado de Bogota.
Resté seulement une semaine aux États-Unis en compagnie de son fils de 17 ans, il décrit une nourriture "horrible", "jetée au sol" et de longues journées d'enfermement dans des "cellules" où il ne pouvait distinguer la nuit du jour. Carlos et son fils étaient dans l'un des vols américains refoulés par Gustavo Petro, au départ de San Diego. "Nous étions menottés, nous étions serrés" et son fils pleurait en lui disant "papa, j'ai mal", se souvient-il.

Dimanche soir, après des heures de tensions et l'annonce de sanctions douanières réciproques, "l'impasse" a été finalement surmontée, selon Bogota. Washington a finalement levé sa menace d'imposer des droits de douane sur tous les biens colombiens entrant aux États-Unis – d'abord de 25 %, puis de 50 % au bout d'une semaine.
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Des avions militaires colombiens ont décollé de Bogota lundi pour les villes américaines de San Diego et Houston, avec du personnel médical à bord, afin de rapatrier les migrants que Washington souhaitait expulser. "On est bien arrivés, grâce à Dieu", a déclaré une migrante à Radio Caracol, qui n'a pas donné son nom. "Nous ne sommes pas des délinquants", s'est-elle défendue.

"Le plus grand programme d'expulsions de l'histoire américaine", se targue Donald Trump
"Je sais que nous sommes entrés illégalement aux États-Unis. Mais (...) ils nous ont pris nos affaires", a également raconté à la presse Daniel, un migrant qui a versé plus de 5 000 dollars à des passeurs pour arriver sur le territoire américain. Dans l'un vols américains refusés par Bogota, "nous étions menottés et nous portions des chaînes à la taille, comme si nous étions (...) des délinquants de haut rang", explique-t-il.
Le gouvernement colombien a annoncé mardi des fonds "pour soutenir la réintégration productive" des arrivants, sans préciser s'il y aura d'autres rotations aériennes vers les États-Unis.
Donald Trump a promis de lancer "le plus grand programme d'expulsions de l'histoire américaine". Depuis son retour au pouvoir le 20 janvier, la Maison Blanche s'est targuée de l'arrestation de centaines de "migrants criminels illégaux", soulignant qu'ils avaient été expulsés par avions militaires plutôt que civils, comme c'était le cas précédemment.
Après la dispute avec la Colombie, Donald Trump s'est vanté lundi que "l'Amérique (soit) à nouveau respectée". "Comme vous l'avez vu hier (dimanche), nous avons clairement dit à tous les pays que (...) nous allons renvoyer les criminels, les étrangers illégaux qui viennent de (ces) pays", a-t-il affirmé.
Les projets d'expulsions massives de migrants de Donald Trump l'ont placé sur une trajectoire de collision potentielle avec les gouvernements d'Amérique latine, d'où sont originaires la plupart des quelque 11 millions de sans-papiers que comptent les États-Unis.
Le gouvernement brésilien a convoqué lundi le chargé d'affaires de l'ambassade américaine à Brasilia pour exiger des explications.
Le Mexique a, pour sa part, indiqué lundi avoir accueilli 4 000 migrants expulsés des États-Unis depuis le 20 janvier, sans noter de "hausse substantielle" par rapport aux 190 000 Mexicains expulsés entre janvier et novembre 2024 – environ 17 000 par mois.
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Avec AFP