Une étude de Fipeco révèle que, depuis la fin des années 1980, les rares périodes de redressement n’ont été obtenues que par des hausses massives d’impôts.
Passer la publicité Passer la publicitéDepuis 35 ans, les gouvernements français, de droite comme de gauche, échouent à contenir durablement le déficit public. C’est le constat sans appel dressé par François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes et fondateur de Fipeco, dans une nouvelle note consacrée à «l’effort structurel», soit l’effet direct des décisions des politiques budgétaires, indépendamment des fluctuations économiques.
Dans le détail, entre 1989 et 2024, les dépenses publiques ont progressé de 5,5 points de PIB sous l’effet de décisions politiques, tandis que les hausses d’impôts n’ont rapporté qu’un point de PIB. Les mesures adoptées au fil de ces années ont ainsi contribué à creuser le trou entre les recettes et les dépenses annuelles de 4,4 points de PIB. Autrement dit, l’ensemble des exécutifs ont accompagné, voire accentué la «dérive des comptes», résume François Ecalle.
Passer la publicitéTrois périodes seulement échappent à cette tendance. Entre 1993 et 1997, les gouvernements d’Édouard Balladur et Alain Juppé ont consenti d’un effort de 2,35 points de PIB. Mais celui-ci a reposé intégralement sur une hausse des prélèvements (CSG, TVA, IS, TIPP). Rebelote entre 2012 et 2017 sous François Hollande, avec un effort de 2,1 points, obtenu lui aussi par une fiscalité accrue. Toujours pas de baisse des dépenses donc...
À l’inverse, sous Lionel Jospin, «si le déficit public s’est réduit (sous les effets de la croissance, ndlr), les seules mesures décidées par l’exécutif l’ont, au contraire, creusé» : le Premier ministre socialiste a baissé les impôts de près de 2 points de PIB, «sans faire d’effort parallèle sur les dépenses ». À partir de 2002, la dette française commence alors à diverger de celle de l’Allemagne, souligne François Ecalle.
Sous Nicolas Sarkozy, la crise financière de 2008 entraîne une explosion des déficits. Quant à Emmanuel Macron, ses décisions de baisses d’impôts (suppression de la taxe d’habitations, baisse de l’impôt sur les sociétés, allègements des cotisations sociales), conjuguées aux différentes crises comme celles des gilets jaunes ou du Covid, ont contribué à creuser le déficit de 3,2 points de PIB entre 2017 et 2024.
L’angle mort des dépenses
Le bilan est clair : aucun gouvernement n’a véritablement réduit le déficit par la maîtrise des dépenses, rappelle la note. Seule la période 2022-2024 affiche un effort positif du côté des dépenses, et encore, du fait de la fin des dispositifs exceptionnels liés aux crises énergétique et sanitaire.
Sur le long terme, l’incapacité française à contenir la dépense publique ressort d’autant plus fortement que les prélèvements obligataires, eux, se situent déjà à un niveau record en Europe. «Pour stopper l’envolée de la dette, il faudrait un effort structurel de l’ordre de 4 points de PIB, soit environ 120 milliards d’euros», prévient l’expert.
Passer la publicitéUne telle ampleur a déjà été atteinte par le passé «sous la droite et la gauche», mais seulement à deux reprises : entre 1994 et 1998, «puis au début des années 2010, à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et sous François Hollande». Dans les deux cas, l’effort a été étalé sur environ cinq ans... et obtenu quasiment exclusivement «par des hausses d’impôts ». Rééditer cet exploit dans un pays au taux de prélèvements déjà record paraît aujourd’hui difficilement envisageable.
Le diagnostic dressé par cette note est implacable : malgré des alternances politiques répétées, la France vit au-dessus de ses moyens depuis près de trois décennies. Et aucune majorité n’a, pour l’instant, réussi à inverser la tendance autrement qu’en augmentant la pression fiscale.