Ligue 1 : comment Luis Enrique a pacifié le climat du PSG pour en faire une irrésistible machine à gagner
Le Paris Saint-Germain a assuré son 13e titre de champion de France, samedi 5 avril, à six journées de la fin de cette saison de Ligue 1. Son succès à domicile contre Angers (1-0) a mis fin à tout suspense, s'il y en avait une once. L'équipe de Luis Enrique, toujours invaincue en championnat, survole les débats sur le sol national depuis l'arrivée du coach asturien à l'été 2023. Appelé pour rebâtir un véritable projet de jeu, ce dernier a tenu sa promesse et a réussi à insuffler un élan positif dans un club qui avait pris l'habitude d'être jeté sous le feu des critiques.
Il a appris au PSG à jouer et bien jouer en équipe
Il avait affiché la couleur dès sa première conférence de presse en tant qu'entraîneur du PSG. "Je peux vous garantir qu’on jouera en tant qu'équipe. C'est mon travail, ma première fonction en tant qu'entraîneur", avait-il promis en juillet 2023. Ces mots ont beau sonner comme une évidence, ils ne le sont pas dans le contexte parisien. Depuis 2017, les critiques pleuvent sur cette équipe dépendante des exploits individuels de ses stars, elles-mêmes désintéressées des efforts défensifs.
A son arrivée, Luis Enrique s'est vu confier les pleins pouvoirs par sa direction. Il a pu partir d'une page blanche et bâtir son propre projet de jeu. "Mon idée du football est un football d'attaque, offensif, divertissant pour les supporters et qui donne des résultats", expliquait-il. Son PSG affiche un taux de possession en Ligue des champions supérieur à toutes les versions précédentes (62,4%). En plus d'être la seule équipe invaincue cette saison dans les cinq grands championnats européens, elle impressionne par son pressing coordonné et efficace, surtout à la perte du ballon.
Il a dégonflé l'obsession pour la Ligue des champions et apaisé le climat autour du club
L'un des plus gros combats menés par le coach asturien s'est déroulé la saison dernière. Dès les premières sorties du club de la capitale en C1, il a tourné sa communication dans une direction inverse de celle qu'employaient habituellement les dirigeants du PSG. "Quand un club ou quelqu’un est obsédé par quelque chose, ce n’est jamais bon signe. Il faut avoir des espoirs, de l’ambition, mais l’obsession ne marche jamais. Dans aucun domaine de la vie", avait-il développé en septembre 2023.
Le contraste est fort quand on se souvient que Nasser al-Khelaïfi "s'était donné cinq ans pour gagner la Ligue des champions" dans la foulée de l'arrivée des investisseurs du Qatar en 2011. En minimisant les attentes et l'urgence de résultats, Luis Enrique a fini par mener le PSG vers les demi-finales, avec, au passage, une remontée historique à Barcelone aux airs de revanche sur la "remontada" subie en 2017. Avant ce quart de finale retour, il avait assuré que son équipe réussirait à se qualifier, alors qu'aucun club français n'avait jamais réussi à le faire à ce stade de la C1 après avoir perdu le match aller à domicile.
Si son attitude en conférence de presse est du genre frontale et sarcastique, ce qui lui a mis à dos quelques journalistes suiveurs du club, l'Ibère sait qu'en jouant le paratonnerre, en attirant toute potentielle négativité sur lui-même, il préserve son groupe. Depuis la polémique liée à son refus de répondre à la question d'une journaliste de Canal+ après la défaite à Arsenal cet automne (0-2), l'ex-sélectionneur de l'Espagne a mis de l'eau dans son vin.
Il a parfaitement géré le départ de Kylian Mbappé
C'était le gros dossier de la saison passée. Partira ? Partira pas ? Le feuilleton n'a pris fin qu'à l'été dernier. Dans l'attente de la résolution de cette situation incertaine, Luis Enrique n'avait pas hésité à déboulonner le statut d'intouchable de Kylian Mbappé. Il avait notamment sorti sa superstar dès la mi-temps d'un match de Ligue 1 à Monaco. "Tôt ou tard, il faudra s'habituer à jouer sans Kylian Mbappé. Je prends cette décision pour le bien de l'équipe", s'était-il justifié. Même une fois parti de la capitale, Mbappé n'avait que des louanges à adresser à Enrique.
"Luis Enrique et Luis Campos m'ont sauvé. Je n'aurais pas remis un pied sur le terrain sans eux. J'ai toujours eu cette reconnaissance par rapport au coach et au directeur sportif."
Kylian Mbappéen conférence de presse avant France-Luxembourg en juin 2024
L'entraîneur parisien n'a pas souhaité le remplacer lors du mercato estival. "Je suis très content de l'effectif dont je dispose", assurait-il mi-août, se disant "excité" par le défi de la reconstruction de son attaque. Gonçalo Ramos a débuté en pointe, avant de se blesser immédiatement. Marco Asensio et Kang-In Lee ont occupé un poste de faux n°9 tour à tour. Puis le technicien a trouvé la formule gagnante en replaçant Ousmane Dembélé dans ce rôle plus axial. Depuis, celui qui était critiqué pour son manque d'efficacité flambe, au point d'atteindre pour la première fois de sa carrière la barre des 30 buts marqués.
Sa gestion du groupe et des organismes est optimale
A Paris, on avait l'habitude de déplorer l'absence de joueurs clés au moment où la phase à élimination directe de Ligue des champions démarre. L'hygiène de vie de certains joueurs, comme Marco Verratti ou Neymar, était régulièrement pointée du doigt. Ce n'est plus le cas. Au niveau des blessures musculaires, le PSG est bien plus épargné depuis deux saisons : seul le jeune Senny Mayulu a manqué plusieurs matchs à cause d'une lésion au mollet.
La plus grande prouesse du staff parisien est sa gestion de la santé d'Ousmane Dembélé. Particulièrement sujet aux blessures au Barça (119 matchs manqués sur 330), ce dernier n'a pas connu le moindre pépin physique depuis son arrivée. Luis Enrique l'utilise avec parcimonie. Il est resté au repos 17 fois depuis l'an dernier et est entré en jeu à 18 reprises (pour 61 titularisations).
Dans sa relation humaine avec ses joueurs, Luis Enrique a trouvé le point d'équilibre. Il a par exemple sanctionné le même Dembélé, en l'écartant du groupe avant le déplacement perdu sur la pelouse d'Arsenal (2-0) cet automne. Une sanction ponctuelle pour l'exemple, à cause "d'un problème d'engagement du joueur envers l'équipe", qui permet de maintenir la primauté du collectif sur les intérêts individuels sans braquer le joueur. Ce dernier en est sorti plus fort.
Il fait aujourd'hui l'unanimité
Son caractère têtu et provocateur lui a valu quelques périodes de turbulences, notamment cet automne, lorsqu'il a plaidé la "malchance" face à l'inefficacité chronique de ses attaquants en Ligue des champions. Mais le temps aura fini par lui donner raison. Enrique est resté fidèle à ses principes de jeu et son équipe a fini par se libérer, donnant la leçon à Manchester City, Brest ou encore Liverpool, considéré comme l'une des meilleures équipes du moment, sur la scène européenne.
"On a le meilleur coach au monde", s'est enflammé son président Nasser al-Khelaïfi après le succès 4-2 contre City en janvier. Deux semaines plus tard, le PSG a officialisé la prolongation de Luis Enrique jusqu'en 2027, signe de la confiance absolue accordée au technicien espagnol. Le Parc des Princes lui a déjà clamé son amour à plusieurs reprises à travers des banderoles déployées par le Virage Auteuil : "Luis Enrique nous te dédions notre ferveur", "Le seul Enrique qu'on veut au PSG c'est Luis".
Samedi, une fois le sacre obtenu, son capitaine Marquinhos a nouvelle fois loué l'approche de son coach. "Il nous montre toujours des choses à améliorer, qu’on gagne ou qu’on perde. Il est très bien sur ca", a rappelé le Brésilien, qui a connu cinq autres entraîneurs à Paris depuis son arrivée en 2013. "Il est exemplaire. Il est aussi exigeant avec lui-même qu'avec les autres. L'équipe est jeune et a besoin de ça", souffle un salarié du club.
Même un joueur peu utilisé et prêté cet hiver comme Randal Kolo Muani n'éprouve aucun ressentiment à son égard. "C'est vraiment un excellent coach, il m'a donné beaucoup de conseils et aussi des opportunités. Or c'est moi qui étais sur le terrain, pas lui", a assumé l'international français dans La Repubblica [lien en italien].