Mort d’Henry Kissinger, un criminel de guerre dépeint en héros du siècle

Il y a d’abord le récit officiel de 100 ans, 6 mois et 2 jours de vie. Celui qui impose l’histoire d’un juif allemand – Heinz Alfred Kissinger – né en 1923 en Bavière, fils d’instituteur, fuyant à l’âge de 15 ans l’Allemagne nazie et trouvant refuge aux États-Unis qui lui offre la naturalisation.

Débute alors un parcours hors du commun : contre-espionnage militaire dans l’armée américaine, reprise des études à Harvard, nomination par Richard Nixon en 1969 au poste conseiller à la sécurité nationale puis, en 1973, à celui de secrétaire d’État et, récompense suprême, prix Nobel de la paix en 1973 conjointement avec Le Duc Tho (qui le refusa) pour la signature d’un cessez-le-feu au Vietnam. Ajoutez une dimension physique de quasi-personnage de roman – la voix caverneuse, la monture de lunettes, puis la longévité – et voilà l’icône apprêtée.

À l’instar du diable qui se cache dans les détails, la vérité se niche dans quelques détours de phrases où un média évoque des « parts d’ombre » et une chancellerie avec des aspects « controversés ». Si Henry Kissinger incarne une idée, c’est moins celle de la noblesse de la diplomatie « réaliste » que celle du cynisme d’une puissance qui se veut impériale. Il a orchestré des coups d’État, donné son feu vert à des nettoyages ethniques, déclenché des bombardements sur des civils, menti, manipulé et fait tuer…

Avec Nixon, il sabote puis reprend les pourparlers de paix au Vietnam