Fontaines DC à Fourvière : une belle mécanique qui ronronne un peu trop
En août 2024, Fontaines DC sortait son quatrième album, Romance. Dix ans après sa formation à Dublin, le groupe irlandais accédait à une plus grande popularité avec ce disque plus accessible et mieux peigné. Les plus radicaux crièrent à la trahison de manière un peu puérile : on ne peut pas en vouloir à un groupe de vouloir évoluer. En l’espèce, Fontaines DC, loin de se trahir, accomplissait une mue intelligente, convoquant James Ford, collaborateur de Depeche Mode, Arctic Monkeys et Pulp, pour conquérir un nouveau public. Mais les fans de la première heure n’aiment jamais que leur groupe préféré devienne populaire, et certains en veulent encore à Fontaines DC.
Dans les allées du théâtre antique de Fourvière, 4 200 personnes étaient venues les applaudir lundi soir. Un public cosmopolite et familial, plus âgé que l’on s’imaginait. Fontaines DC est devenu une valeur sûre.
En première partie, les Irlandais avaient invité les jeunes new-yorkais de Been Stellar. Forts d’un premier album prometteur réalisé par Daniel Carey, collaborateur régulier de Fontaines DC, ces quatre-là revisitèrent avec pas mal de pertinence les codes du rock new-yorkais du début du siècle, Strokes en tête. Il conviendra de suivre leur évolution.
Prestation sans génie mais régulièrement impressionnante
Fontaines DC, qui tourne inlassablement depuis une décennie, est devenue une grosse machine rock. Leur dispositif scénique est celui des plus grandes formations du genre. Changement de guitare à chaque morceau, échange d’instruments, leur dispositif est archi professionnel. Peut-être même trop. L’ambiance semble glaciale entre les musiciens. Pas ou peu de regards sont échangés, chacun est dans son rôle, appliqué, parfois brillant, mais sans l’étincelle. On les dit épuisés par une tournée au long cours. Certes. Mais cela ne les empêche pas de déployer un gros son et une belle assurance tout au long d’une prestation sans génie mais régulièrement impressionnante. Le public leur est largement conquis.
Entre Bono et Jim Kerr, Grian Chatten, leur chanteur, arpente la scène et lève les bras pour encourager les spectateurs à en faire de même. Le trentenaire semble un peu seul. Mal fagoté – il porte un kilt et un hoodie à capuche informe – chaussé de lunettes noires, la mine pas aimable, il compose un personnage sans grand charme ni charisme. Mais sa voix et ses textes sont là, puissants, qui emportent. Le public réagit au quart de tour aux nouveaux titres mais les vieux fans rugissent quand sonnent les introductions des morceaux plus anciens, à l’énergie plus brute. « Ils sont Irlandais, bon sang, ils devraient être plus punk », lance notre voisine, visiblement soulagée par leurs incursions dans leur passé.
Après des volutes de rock presque progressif, le concert décolle vraiment après 30 minutes. Les six musiciens délivrent un son tranchant sans en faire des tonnes. Les parties de guitare sont aussi acérées que bien réglées. On regrette parfois le côté brouillon sur des ballades par trop fédératrices. Les tentations « baggy » ne sont pas leur fort, mais le groupe excelle sur des compos plus ramassées et directes. Après avoir véritablement retourné le public et les plus réticents, le groupe semble savourer ce qui lui arrive. Et délivre une tout autre énergie pour un rappel d’anthologie. Plus spontanés et foutraques, ils retrouvent la sève qui leur a parfois manqué pour que ce concert soit une totale réussite.