Friedrich Merz, l'homme "du passé" promis au poste de chancelier d'Allemagne
À 69 ans, le conservateur allemand Friedrich Merz a longtemps été brocardé comme "un homme du passé". Désormais en route pour devenir chancelier, après la victoire de son camp conservateur aux législatives allemandes, il entend bien incarner l'avenir et redonner confiance à un pays en plein doute.
La route fut longue pour cet ancien rival d'Angela Merkel, qui l'avait mis sur la touche au sein de l'Union chrétienne-démocrate CDU au début des années 2000.
Le mouvement conservateur, auquel appartient aussi le petit parti bavarois CSU, est arrivé en effet en tête des législatives anticipées avec près de 29 % des suffrages, devant l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et les sociaux-démocrates (SPD).
C'est tout sauf un triomphe, et même le deuxième pire résultat de l'histoire du mouvement, après le point bas historique de 2021 à 24,2 %.
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"Dès demain matin, on se met au travail !"
Mais il tient sa victoire. "Dès demain matin, on se met au travail !", a-t-il déclaré après l'annonce des résultats, promettant de s'employer à "former rapidement un gouvernement capable d'agir", car le "monde n'attend pas".
Impulsif et sans expérience gouvernementale, il promis de "redonner sa fierté" à la première économie européenne, fragilisée par une crise profonde de son modèle industriel et géopolitique.
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Ce pilote amateur et propriétaire d'un jet privé prêche un renversement complet de la politique migratoire généreuse héritée d'Angela Merkel (2005-2021). Pour lui, seule une politique restrictive dans ce domaine peut efficacement freiner l'essor de l'AfD.
Fin janvier, il a brisé un tabou d'après-guerre en Allemagne qui voyait les partis traditionnels s'interdire toute coopération avec l'extrême droite, faisant adopter avec les voix de ce parti une résolution sur le droit d'asile.
Accusé d'avoir amorcé une normalisation du parti antimigrants, il exclut – malgré les exhortations en ce sens de l'administration Trump – toute alliance gouvernementale avec l'AfD, fondée en 2013 par d'anciens cadres CDU.
Un coup de barre à droite
La gauche allemande, elle, en doute. Depuis qu'il a pris les rênes du parti conservateur en janvier 2022, après deux vaines tentatives, Friedrich Merz a tiré un trait sur l'héritage centriste d'Angela Merkel en mettant la barre à droite.
Une revanche face à celle qui l'écarta en 2002 du poste stratégique de président du groupe parlementaire CDU, le conduisant à se reconvertir dans la finance en 2009, notamment chez BlackRock, l'un des plus gros gestionnaires d'actifs au monde.
Atlantiste convaincu, il a promis samedi de faire revenir l'Allemagne au centre du jeu européen avec une "voix forte", pour défendre les intérêts du continent, y compris – si nécessaire – face aux États-Unis de Donald Trump.
Malgré tout, "beaucoup pensent à la CDU que Merz et Trump pourraient bien s'entendre. Friedrich Merz connaît les États-Unis, il a fait carrière dans le secteur privé, c'est donc aussi un homme d'affaires, ce qui devrait plaire au 'faiseur de deals' de la Maison Blanche", souligne le magazine Der Spiegel.
De sensibilité "antiwoke", ce catholique marié à une juriste et père de trois enfants s'est aussi prononcé contre la parité entre femmes et hommes dans un gouvernement sous sa direction.
Sur le plan international, il reste un fervent partisan de l'aide militaire à l'Ukraine contre l'invasion russe, alors que Donald Trump est en train de lui tourner le dos. "Il est maintenant important que les Européens se mettent d'accord très, très rapidement sur une stratégie commune pour traiter cette question", dit-il.
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Peu populaire, souvent jugé hautain
Dans ce domaine, Friedrich Merz lorgne autant vers la Pologne que vers la France pour faire avancer l'UE, persuadé que l'équilibre des forces en Europe s'est déplacé vers l'est. Cela pourrait marquer une inflexion par rapport à ses prédécesseurs à la chancellerie.
Côté économie, ce libéral convaincu veut réduire les impôts des entreprises et la bureaucratie, et durcir les conditions de l'aide sociale. "Le travail doit redevenir un plaisir", plaide-t-il sans relâche, tout en excluant la moindre augmentation du salaire minimum.
Peu populaire, souvent jugé hautain, il a tenté lors de la campagne de renvoyer une image d'élu accessible et humain, se montrant verre de bière à la main lors un meeting, ou attablé devant un hamburger dans un post sur Instagram.
Lors d'un débat télévisé, il a aussi dévoilé des drames privés méconnus, le décès à 21 ans de sa jeune sœur dans un accident de voiture, puis de son frère atteint de sclérose en plaques. Des événements qui "ont laissé des traces profondes" dans sa famille, a-t-il confié.
Avec AFP