«Kidnapping», «inhumanité»... La gauche vent debout après l’interception du bateau qui transportait Rima Hassan vers Gaza
Les images font, depuis quelques heures, le tour des réseaux sociaux et des chaînes d’informations en continu. Parti d’Italie le 1er juin pour «briser le blocus israélien», imposé à la bande de Gaza - territoire en proie à une situation humanitaire désastreuse, après plus d’un an et demi de guerre menée par l’État hébreu contre le Hamas en réponse aux attaques terroristes du 7 octobre 2023 -, le bateau Madleen, qui tentait de rallier l’enclave palestinienne, a été intercepté dans la nuit de dimanche à lundi, par l’armée israélienne. À bord du voilier, affrété par la Coalition de la flottille pour la liberté - un mouvement international lancé il y a quinze ans en soutien aux Palestiniens -, avaient embarqué douze activistes européens parmi lesquels la militante écologiste suédoise Greta Thunberg et six ressortissants français, dont l’eurodéputée insoumise Rima Hassan.
Si Israël n’a pas précisé à quel endroit le bateau a été intercepté, sa marine prévoit de le dérouter vers la ville d’Ashdod, grand port commercial situé au sud du pays, où les passagers doivent être débarqués avant d’être tenus de voir un film sur les massacres du Hamas en octobre 2023. Ils seront ensuite renvoyés dans leurs pays respectifs, a indiqué le ministère israélien de la Défense, qui a publié des images de distribution de sandwiches et d’eau aux militants, équipés de gilets de sauvetage. L’arraisonnement avait beau être prévisible, l’État juif ayant multiplié les avertissements dès que le Madleen avait atteint la côte égyptienne, il a malgré tout ulcéré la gauche française. Très active sur les réseaux sociaux, telle une armée numérique, La France Insoumise a condamné la décision du gouvernement de Benyamin Netanyahou.
Vers deux heures du matin, le mouvement mélenchoniste a exprimé sa «plus vive indignation» devant ce qu’il considère comme une «arrestation illégale» d’«humanistes et d’activistes pacifistes engagés dans une mission strictement civile et non-violente». Une rhétorique qui interroge compte tenu de la présence sur le voilier du Brésilien Thiago Avila, qui s’était rendu en février au Liban pour assister aux funérailles d’Hassan Nasrallah, ex-leader du Hezbollah tué en septembre dernier dans une frappe israélienne. Qu’importe, LFI en a profité pour appeler à des mobilisations «partout en France» ce lundi soir, notamment place de la République à Paris. «Force et courage à l’équipage de la liberté et de l’honneur face au génocide. Honte à ceux qui regardent ailleurs», a surenchéri Jean-Luc Mélenchon sur X.
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Son successeur à la tête de LFI, Manuel Bompard, est allé jusqu’à dénoncer un «kidnapping de l’équipage». Un terme controversé, mais loin d’être fortuit quelques heures après que la militante écologiste Greta Thunberg a utilisé le même mot dans une vidéo préenregistrée et partagée par la Coalition de la flottille pour la liberté. Emboîtant le pas à ses camarades insoumis, l’eurodéputé Manon Aubry a, elle, accusé Israël d’avoir commis une action «illégale au regard du droit international à plusieurs égards.» «D’abord parce qu’ils ont été arrêtés en eaux internationales (...) Ensuite, parce que Rima Hassan bénéficie de l’immunité parlementaire», a affirmé l’ancienne porte-parole de l’ONG Oxfam.
Or, selon Me Sarah Scialom, avocate en droit pénal international, «un navire transportant de l’aide humanitaire n’a pas un droit de passage automatique en cas de blocus naval». Pour étayer son propos, la spécialiste cite sur X le rapport Palmer de l’ONU, datant de 2011, qui «reconnaît à Israël le droit d’intercepter, même en haute mer, tout navire pour Gaza, y compris un navire humanitaire, dès qu’il tente de briser ce blocus». Quant au deuxième point soulevé par Manon Aubry, celui de l’immunité, elle «ne protège pas en mer contre des mesures de sécurité maritime liées à un blocus» et «ne s’étend pas aux actes de militantisme ou d’activisme menés en dehors de l’exercice officiel de leur mandat, ni aux activités réalisées en dehors du territoire de l’Union européenne», ajoute Me Sarah Scialom.
Condamnation unanime à gauche
Du côté des Écologistes, Marine Tondelier a exhorté dans un communiqué à «une mobilisation populaire internationale» pour «amener les États à s’engager pour la protection et la libération» des activistes. Le chef du Parti communiste Fabien Roussel estime, quant à lui, que «le gouvernement israélien ajoute l’indignité à l’inhumanité». Quelques jours après avoir conservé de justesse son poste de premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure a apporté son soutien à l’équipage du navire, qui «a atteint son but.» «Il doit maintenant faire l’objet d’un soutien des États européens. Le silence des gouvernements serait une faute», a considéré le député de Seine-et-Marne.
Les autorités françaises, justement, n’ont pas tardé à réagir. L’Élysée a fait savoir qu’Emmanuel Macron «demande de permettre, dans les plus brefs délais, le retour en France» des ressortissants se trouvant à bord d’un bateau. Dans une déclaration transmise à la presse, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, a indiqué «être en lien avec les autorités israéliennes pour prévenir tout incident depuis que nous avons eu connaissance de leur projet». «Dès l’arraisonnement du navire, nous avons demandé à pouvoir exercer notre protection consulaire à leur égard» et à leur «rendre visite» dès qu’ils auront rejoint le territoire israélien, «en vue de s’assurer de leur situation et de faciliter leur retour rapide en France», a déclaré le Quai d’Orsay.