Forages en eaux profondes : des espèces rares des fonds marins du Pacifique menacées par les ambitions minières des industriels
Le Pacifique abrite des espèces marines uniques parmi les plus vulnérables, mais ces zones à la biodiversité unique sont aussi l'objet d'ambitions minières. Comme dans cette zone du sud-ouest du Pacifique qui abrite nombre de cheminées naturelles, sortes de geysers sous-marins situés à plus de 1200 mètres de profondeur et qui laissent s’échapper de l’eau chauffée par le magma, chargée de composés chimiques et de sulfurés polymétalliques.
Des métaux rares convoités par l’industrie pour la fabrication de batteries, ou de composés électroniques. Des scientifiques de l'Ifremer, de Sorbonne université, et du Cnrs, alertent, jeudi 19 mars, sur les risques écologiques d’une telle exploitation. Ces derniers viennent de publier un inventaire inédit de la faune vivant à proximité de ces cheminées. Ils ont pu identifier 74 espèces de mollusques, de vers, d’escargots, de moules, de crustacés, vivant dans ces grandes profondeurs, très hostiles.
Une catastrophe écologique
Ratisser les fonds marins n'est jamais sans conséquences. Particulièrement vulnérable, cette faune verrait son habitat totalement détruit, alors même que ces espèces jouent un rôle clef dans l’écosystème de l’océan en termes d’équilibre chimique, de régulation de chaleur et d’équilibre de la chaîne alimentaire.
Pour Marjolaine Matabos, chercheuse en biologie marine à l’Ifremer, l'une des auteurs de l'étude, “aucune urgence, économique ou sociétale, ne justifie que l’on prenne le risque d’exploiter ces grands fonds marins, sans avoir suffisamment de connaissances scientifiques sur l’impact que cette exploitation pourrait avoir”. Une mise en garde qui intervient alors que d'intenses négociations internationales sont en cours pour l'élaboration d’un code minier en 2025.
Un futur accord sur l'exploitation minière ?
Depuis lundi 17 mars, et pour deux semaines, l’Autorité internationale des fonds marins réunit son conseil en Jamaïque, avec l’espoir de parvenir enfin à l’adoption du futur code minier pour encadrer l’extraction minière en haute mer. Voilà 10 ans que le texte est en discussion, et 10 ans qu'il n’y a pas encore de consensus.
Une trentaine de pays, dont la France, se sont déjà prononcés en faveur d'un moratoire sur cette activité, en attendant de consolider les connaissances scientifiques. Mais d’autres pays souhaitent au contraire que cette exploitation démarre rapidement, sous la pression de certains industriels. L’entreprise canadienne The Metal Company prévoit, par exemple, de déposer la première demande de contrat d’exploitation dans le Pacifique, en juin 2025.