Le Louvre raconte la fuite de ses chefs-d’œuvre devant l’avancée des Nazis
L’épisode appartient à la légende du musée du Louvre. À l’été 1939, les conservateurs organisent la plus grande et sensible migration d’œuvres d’art de l’histoire. 4 000 pièces quittent les rives de la Seine sous la pression de l’avancée des Allemands. À l’occasion des 80 ans de la Libération de Paris, le musée du Louvre s'associe au média Les Temps qui courent pour raconter, à travers une web-série de trois épisodes, le chemin parcouru pour échapper aux Nazis. Les témoignages et les images d’archives rendent hommage à tous ceux qui ont permis aux œuvres d’échapper aux bombardements.
Les précédents de la Première Guerre mondiale et de la Guerre d’Espagne en tête, Jacques Jaujard, directeur des musées nationaux depuis 1933, avait anticipé une nouvelle déflagration sur le sol français et ses conséquences pour le musée. Au déclenchement des hostilités, le plan de sauvegarde des œuvres, le choix des dépôts, les matériaux d’emballages, les routes d’évacuation sont déjà établis. Objectif : mettre le plus grand nombre d’œuvres et avant tout les pièces phares du musée à l’abri des bombes qui menacent et des saisies. Le 25 août 1939, les musées nationaux ferment leurs portes. Deux jours plus tard, un ballet bien orchestré de camions extrait les objets d’art du Louvre dans une quarantaine de convois.
André Chamson et son épouse Lucie Mazauric, archiviste au Louvre, participent à l'emballage des œuvres. Mazauric part avec le convoi emportant Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault. Sa fille, Frédérique Hébrard, la rejoint à Chambord, qui fait office de gare de triage. Dans le premier épisode de la série, Catherine Velle, petite-fille de Lucie Mazauric, raconte leur aventure passionnante. « Tout le monde veut aider. À la fois les conservateurs, les élèves de l'école du Louvre, les employés de la Samaritaine », raconte-t-elle.
Dans son livre La Chambre de Goethe, Frédérique Hébard avait conté sa propre histoire, celle d’une jeune fille qui vit au gré des déplacements de ses parents qui vont de château en château, toujours plus loin de l’avancée allemande, afin de mettre à l'abri les trésors du Louvre pendant la guerre. Devant la caméra, Catherine Velle replonge, parfois avec surprise, parfois avec émotions, dans les récits de sa mère. « Lorsqu’ils ont traversé Versailles, Le Radeau de la Méduse , qui était très haut, a accroché un fil électrique et a plongé une partie de la ville dans l’obscurité totale », raconte-t-elle.
Après Chambord, Jacques Jaujard les envoie à l’abbaye de Loc-Dieu (Aveyron). « Il y avait des moments joyeux », assure Catherine Velle. Sa grand-mère lui avait confié qu’il leur était possible de voir parfois les tableaux. Comme ce jour d’été où le conservateur René Huyghe décide de présenter « le joyau des joyaux». «C’est-à-dire la caisse “L.P.O.M.N”, “Louis-Philippe d’Orléans, Musées Nationaux, dernier inventaire royal”, avec trois points rouges. Il n’y avait pas écrit Mona Lisa , mais elle était là », témoigne Catherine Velle.
L’escale à Loc-Dieu sera brève en raison de la terrible humidité des lieux. Direction Montauban et le musée Ingres. Le climat, politique, y est pesant. En 1942, les Allemands arrivent dans la ville, les conservateurs redoutent des bombardements alliés. « La moindre bombe lancée sans ordre risquait de provoquer la catastrophe. Nous avions là 3 500 tableaux parmi les plus beau du monde », témoigne Catherine Velle en s’appuyant sur le récit de sa mère. Ils sont contraints de fuir au château de la Treyne.
«De clous à clous, il n'a rien manqué»
Jusqu’à la Libération, la menace pèse. Y compris au moment de la retraite allemande qui s’accompagne de pillages. Les œuvres reprendront finalement la route du Louvre. « De clous à clous, il n’a rien manqué », affirmait Lucie Mazauric. Son mari, André Chamson, sera missionné par les Musées Nationaux pour organiser la première exposition des tableaux de retour. Elle aura lieu en mai 1946.
Le second épisode de la série s’intéresse à la place de Jacques Jaujard dans la mémoire collective du musée. Françoise Mardrus, directrice des études muséales et de l’appui à la recherche au Louvre depuis 1988, revient sur le parcours de cet homme exceptionnel, véritable résistant du Louvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans le troisième et dernier épisode, Laurence des Cars, présidente-directrice du musée du Louvre, aborde la question de la restitution des biens spoliés aux juifs.