La peur du changement

Il est parfois difficile de voir arriver les fins de cycle, quand un projet a fonctionné, que l’on a dominé son sujet pendant des semaines, des mois ou des années. Mais un jour elles surviennent et, si on n’agit pas rapidement, elles détruisent tout. Dans le sport, elles sont monnaie courante. Toute équipe, tout athlète de haut niveau connaît un jour la fin d’un cycle. Même le grand tennisman Roger Federer a su à un moment qu’il lui fallait s’arrêter. Même l’Olympique Lyonnais féminin, qui a gagné huit Ligues des champions en vingt ans, a connu des fins de cycle, mais les anticiper lui a permis de se renouveler et de continuer à gagner tout en mettant en place ces changements.

C’est bien ce même parfum de « fin de cycle » qui flottait sur le stade des Trois Fontaines de Rome, ce dimanche 13 avril. Après plusieurs années d’une ascension phénoménale, deux ans de domination sans pareille sur la scène nationale, l’AS Roma féminine disputait un match au sommet contre la Juventus, en tête du classement de Série A, avec 7 points d’avance sur le club de la capitale italienne à trois journées de la fin. Une victoire pour les Romaines était donc essentielle pour continuer à croire au titre et pour s’assurer la deuxième place.

Mais, dès les premières minutes, Emma Stolen Godo inscrivait un but en pleine lucarne gauche de la Roma. À la demi-heure de jeu, Sofia Cantore doublait la mise pour la Juventus. Le club romain ne s’est remis à y croire qu’à la 83e minute, quand Valentina Giacinti remportait enfin un duel face à la gardienne de la Juventus et de l’équipe de France, Pauline Peyraud-Magnin. L’AS Roma s’est donc inclinée, malgré ses 70 % de possession du ballon, ses 22 tirs (contre 11 du côté de la Juventus), ses 602 passes réussies (contre 264). Pourtant, à l’inverse de ce que disent ces statistiques, jamais, pendant ce match, on n’a cru que l’AS Roma pouvait l’emporter.

Les changements, qui ont enfin apporté du rythme, ont été réalisés bien trop tardivement par l’entraîneur, Alessandro Spugna. Pour le club de Turin, il s’agit d’une victoire à l’image de la saison : sans écraser le championnat, sans briller, l’équipe menée par ses joueuses historiques Cristiana Girelli et Barbara Bonansea a profité de la méforme et de l’irrégularité chroniques de l’AS Roma. Pourtant, la plupart des joueuses de l’effectif romain sont habituées au haut niveau. Que s’est-il donc passé ? Des blessures de joueuses essentielles de l’effectif ont certes fortement handicapé l’équipe, mais d’importants changements auraient dû être faits.

L’entraîneur a semblé hors du coup à de très nombreuses reprises. Des remplacements tardifs, des compositions étranges, il a été difficile à suivre. Et le groupe n’a plus semblé suivre. L’équipe s’est souvent écroulée mentalement au cours des rencontres. Il y a eu quelques exagérations hors terrain aussi, comme cette Supercoupe d’Italie présentée en grande pompe devant le conseil régional.

La contreperformance de l’équipe romaine cette saison est à l’image de beaucoup trop de projets, où l’absence de remise en question, de travail mental ou d’appui psychologique fait souvent des dégâts, et ce peu importent les domaines. Parfois, quand on a l’impression de se répéter, quand cela ne prend plus, il faut savoir s’arrêter, au risque de faire le match de trop, le livre de trop, l’émission de trop ou la chronique de trop. Mais ces changements peuvent nous rendre vulnérables et ne sont pas encouragés par la société. Alors on préfère souvent répéter du médiocre plutôt que de tenter de nouvelles choses.