Les éditions Gallimard interdites au Salon international du livre d'Alger
C'est une première. Des sources algériennes proches de l'organisation du 27e Salon international du livre d'Alger (Sila) ont confié au Figaro que la maison d'édition française Gallimard ne pourra pas se rendre à cet événement prévu du 6 au 16 novembre 2024. Sa présence a été interdite par les autorités.
L'information est confirmée par Antoine Gallimard : «Nous venons de recevoir un courrier qui n'apporte aucune explication quant aux raisons ou motifs qui justifient cette décision», a-t-il déclaré au site du monde de l'édition Actualitté.
Selon «ce qui se chuchote dans les milieux de la chaîne du livre à Alger», les organisateurs voudraient éviter d'avoir à justifier la présence sur les stands du salon du dernier roman de Kamel Daoud, Houris , publié en août.
Dans ce roman, une survivante d'un massacre durant l'insurrection islamiste des années 1990, enceinte, tient un long monologue avec la petite fille qu’elle attend, lui racontant la terrible histoire de ces années de sang et le silence imposé par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2015.
Selon l'article 46 de ce texte, est puni d'un emprisonnement de trois à ans à cinq ans et d'une amende équivalente de 1700 à 3500 euros, «quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'État, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international».
«Éviter tout ce qui est français»
«Dans les faits, plusieurs romanciers et e«Éviter tout ce qui est français»ssayistes ont déjà traité de la décennie noire en Algérie. Ce n'est pas tant le sujet du livre que les critiques de Kamel Daoud sur le traitement de cette période par le pouvoir politique et sa mise en lumière par les médias français qui gênent Alger», assure une source algérienne dans le milieu de l'édition.
Dans les coulisses du Sila, un autre interlocuteur assure que «cette histoire dépasse Kamel Daoud». «La consigne verbale donnée par le ministère de la Culture est très claire : éviter tout ce qui est français. C'est bien la première fois que le Sila prend une telle orientation politique, se transformant en stand de tir contre les éditeurs et les professionnels du livre au prétexte d'une relation bilatérale compliquée.»
L'an dernier, une autre polémique avait marqué l'ouverture du Salon international du livre : l'écrivaine française Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022, n'avait pas pu se rendre à Alger où elle avait été invitée, n'ayant pas obtenu de visa. Une seule explication aurait pu expliquer cette décision : sa participation à une tribune publiée dans Le Monde dénonçant «le cachot algérien» et demandant la libération du journaliste Ihsane El Kadi. Après la médiatisation de l'affaire, les autorités avaient démenti en s'engageant à lui délivrer un visa, mais l'auteure avait finalement refusé de se déplacer.