Pneumonie du pape : "A cet âge, c'est une épreuve phénoménale", explique un pneumologue

Selon le dernier bulletin de santé publié par le Vatican mercredi 5 mars, le pontife de 88 ans, dont l'état "est resté stationnaire", devait passer la nuit de mercredi à jeudi pour la troisième fois d'affilée avec un masque à oxygène. Au 20e jour d'hospitalisation du pape, le Vatican fait savoir qu'"en raison de la complexité de son tableau clinique, le pronostic reste réservé". Frédéric Le Guillou est pneumologue et président de l'association Santé Respiratoire France. Il explique à franceinfo en quoi ce qui touche le pape est "sérieux".

Franceinfo : Concrètement, de quoi souffre exactement le pape ?

Dr Le Guillou : D'après les communiqués qui ont été transmis, il a présenté une pneumopathie bilatérale. C'est un patient qui a plus de 88 ans, qui est sédentaire, puisqu'il ne se déplace qu'en fauteuil, qui a déjà des antécédents de maladies respiratoires puisqu'il a été opéré d'une tuberculose alors qu'il avait une vingtaine d'années, et dans les différents communiqués, il est dit qu'il avait une dilatation des bronches. C'est donc effectivement un événement complexe, comme cela a été indiqué dans les différents communiqués.

"Il a présenté cette pneumopathie bilatérale avec beaucoup de comorbidités."

Dr Le Guillou, pneumologue

à franceinfo

Une pneumopathie, en soi, est-ce une atteinte grave ?

Une pneumopathie peut être un événement grave en soi puisque c'est une infection du poumon. Rien qu'en France, plus de 500 000 personnes tous les ans font une pneumopathie, ou une pneumonie, c'est pareil, ce sont des synonymes. À peu près un cas sur cinq nécessite une hospitalisation. La mortalité est de 5 à 10%, et 90% de ces décès concernent des patients de plus de 65 ans. La gravité est donc effectivement en rapport avec l'ensemble des pathologies associées, ou des facteurs de risque, qu'on appelle des comorbidités. C'est ce qui fait que nous sommes ici sur un événement sérieux. Il y a deux faits majeurs dans le cas particulier du pape : son âge, certes, mais aussi la sédentarité. Il ne vous a pas échappé qu'il ne se déplaçait plus qu'en fauteuil. Et puis il y a l'obésité. Il a pris beaucoup de poids ces dernières années, ce sont donc des facteurs de risque, de sévérité, qui font des formes beaucoup plus sévères d'infections respiratoires.

Que ressent-on lorsque l'on est touché par une pneumopathie ? Dans quel état est-on ?

C'est une infection du poumon, on est vraiment sur le tissu pulmonaire, c'est donc différent de la bronchite qui, elle, est une atteinte de la bronche. On peut donc se sentir essoufflé, avoir parfois des douleurs thoraciques, surtout s'il y a une atteinte pleurale associée. On peut cracher du pus et avoir de la fièvre. On éprouve également une fatigue extrêmement importante et une perte d'autonomie qui se met en place très rapidement avec, souvent, nécessité d'être alité ce qui implique une fonte musculaire. Tout cela fait que l'on met déjà du temps à récupérer. Même si on n'a pas de comorbidités associées, même si on a moins de 65 ans, cela reste quand même un événement sérieux dans la vie des gens. Donc avec tous les facteurs de risque du pape, c'est d'autant plus complexe à gérer par les équipes médicales.

Et comment est-ce traité ?

Cela dépend. Généralement, on essaye d'identifier un germe, on l'a rarement, mais il faut quand même essayer parce que cela permet de mettre en place ensuite le traitement. On met bien évidemment en place une antibiothérapie probabiliste. On peut mettre, si on a de la fièvre, des traitements pour faire chuter la fièvre, on peut être amené également à mettre de l'oxygène si on manque d'oxygène. Et puis, après, il y a toutes les préventions de l'hospitalisation, comme la prévention de l'alitement avec une anticoagulation, on essaye de mettre en fauteuil le plus vite possible et on peut aussi mettre de la kinésithérapie pour drainer les sécrétions.

Cela va faire trois semaines que le pape est hospitalisé, est-ce normal que ce soit aussi long ?

L'hospitalisation, souvent, est au moins de 7 à 10 jours. Là, elle est beaucoup plus longue, mais on est sur un poumon pathologique au départ, puisqu'il a été clairement indiqué qu'il avait une dilatation des bronches. C'est peut-être aussi une dilatation des bronches qui s'est surinfectée avec des germes qui sont parfois un peu spécifiques et qui nécessitent des antibiothérapies davantage prolongées. Moi, je n'ai pas de données particulières sur ce point-là, mais on ne peut pas l'exclure. Surtout, à cet âge, c'est une épreuve phénoménale.

"C'est comme si vous faisiez une épreuve d'effort en permanence, 24 heures sur 24. C'est vraiment quelque chose de très difficile à vivre."

Dr Le Guillou, pneumologue

à franceinfo

C'est-à-dire que cela lui demande des efforts considérables pour respirer ?

Considérables. D'autant plus qu'il est déconditionné puisqu'il était sédentaire, donc l'atteinte musculaire était déjà présente et n'a dû faire que s'aggraver pendant l'hospitalisation. Dans certains communiqués, il est dit qu'il a pris une corticothérapie et des antibiotiques. Ça peut certes être efficace mais à terme, cela peut altérer la récupération au niveau musculaire. Le grand risque, c'est un épuisement respiratoire. Plus c'est long, plus le risque de complications dues à l'hospitalisation, dues à une atteinte d'autres organes, est prégnant.