Itinéraire, équipage, sécurité... Ce que l'on sait du "Handala", le nouveau bateau humanitaire qui va mettre les voiles vers Gaza
Le Madleen a déjà une relève. Un mois et demi seulement après sa tentative, un nouveau bateau s'apprête à mettre le cap sur Gaza. Le Handala, un ancien chalutier de 18 mètres, va quitter la Sicile dimanche 13 juillet, direction l'enclave palestinienne. A son bord, dix-huit passagers originaires du monde entier, dont les élues de La France insoumise Gabrielle Cathala et Emma Fourreau. L'objectif reste le même : tenter de briser le blocus israélien pour apporter de l'aide humanitaire aux Gazaouis, et "braquer les projecteurs sur une situation toujours plus dramatique, notamment pour les enfants".
Itinéraire, équipage, sécurité, organisation... Voici ce que l'on sait de cette nouvelle expédition, menée cette fois encore par la Coalition de la flottille de la liberté, une ONG internationale.
Un départ de Syracuse le 13 juillet
Actuellement amarré au port de Syracuse, en Sicile, le navire va prendre la mer dimanche. Contrairement au Madleen, il ne mettra pas directement le cap vers Gaza. Une escale à Gallipoli, ville côtière du sud de l'Italie, est prévue dans un premier temps. "Cela nous permettra de rassembler tous les membres d'équipage qui monteront ensuite à bord, ainsi que le matériel, détaille Claude Léostic, la coordinatrice de la Flottille en France. Et puis on profitera de cette pause à Gallipoli pour mettre la lumière sur la situation à Gaza, avec des concerts, des conférences..."
C'est depuis ce port des Pouilles qu'aura ensuite lieu le véritable départ de l'expédition, vendredi 18 juillet, direction les côtes de l'enclave palestinienne. "Comme pour le Madleen, on vise une semaine de traversée." Soit un peu moins de 1 000 milles nautiques (1 790 kilomètres), le long des côtes grecques, puis turques.
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Dix-huit passagers à bord, dont au moins trois Françaises
Dix-huit passagers vont monter à bord du Handala, soit six de plus que le Madleen. La France sera notamment représentée par une infirmière, Justine Kempf, ainsi que deux députées de La France insoumise, Gabrielle Cathala et Emma Fourreau. "J'ai été contactée il y a une dizaine de jours, témoigne auprès de franceinfo la première, élue du Val-d'Oise. J'ai réfléchi, puis j'ai dit oui. Il est très important de continuer de dénoncer le génocide en cours, même l'été, même quand les citoyens peuvent avoir la tête ailleurs, en vacances. Cette mission va mettre la lumière sur le sort des enfants palestiniens, quotidiennement visés par les bombardements israéliens."
"Aujourd'hui, les Gazaouis prennent le risque de prendre une balle dans la tête en allant chercher un paquet de farine", s'insurge de son côté la seconde, jeune eurodéputée, qui assure ne "pas avoir hésité une seconde" lorsqu'une place à bord lui a été proposée, jeudi matin.
"Il n'y a pas de vacances ou de pause dans le génocide des Palestiniens."
Emma Fourreau, eurodéputéeà franceinfo
Selon la liste que franceinfo a pu consulter, l'équipage sera également composé de l'avocate palestino-américaine Huwaida Arraf, de l'ouvrier américain Chris Smalls, à l'origine du tout premier syndicat chez Amazon, ou encore le cinéaste Jacob Berger et le militant juif américain Bob Suberi, tous les deux fervents opposants au gouvernement israélien. Au moins trois journalistes les accompagneront dans cette expédition, dont deux collaborateurs du média arabe Al Jazeera.
La militante suédoise Greta Thunberg ne sera en revanche pas du voyage cette fois-ci. Pas plus que l'eurodéputée française Rima Hassan. La parlementaire doit s'envoler pour Bogota, en Colombie, pour participer à une réunion internationale sur le génocide à Gaza justement, précise son entourage à franceinfo.
Selon nos informations, plusieurs personnalités américaines avaient également été approchées : le rappeur Macklemore, l'acteur Mark Ruffalo ou le cofondateur de Pink Floyd, Roger Waters. En vain... "Elles étaient très intéressées, mais le timing était court, confie Claude Léostic. Nous, nous souhaitions repartir rapidement après le Madleen. Parce que l'urgence à Gaza ne peut pas attendre, et aussi pour montrer qu'on n'est pas intimidés par les autorités israéliennes."
Le "Handala", un ancien chalutier norvégien de 18 mètres
Construit à la fin des années 1960, le Handala est à l'origine un navire de pêche norvégien. Long de dix-huit mètres, il a été racheté en 2023 par la Coalition de la flottille de la liberté, l'ONG internationale qui avait déjà mis sur pied l'expédition du Madleen.
Reconverti en bateau de solidarité pour Gaza, il sillonne les ports européens pour des actions humanitaires en faveur des populations de l'enclave palestienne. Il a déjà fait des haltes en Ecosse, au Royaume-Uni, au pays de Galles, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, au Portugal, en Espagne, mais aussi en France. En juin 2024, le navire humanitaire a ainsi été accueilli sous les fumigènes à Brest, avant de poursuivre sa route vers La Rochelle, puis Martigues.
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Le Handala tient son nom d'un personnage créé par le dessinateur de presse palestinien Naji al-Ali. Symbole de la résistance, il représente un enfant pieds nus, et de dos. "Ce bateau porte son esprit ainsi que celui de chaque enfant de Gaza à qui on a refusé la sécurité, la dignité et la joie", peut-on lire dans un communiqué de la Coalition de la flottille de la liberté. Son portrait est visible dans plusieurs camps de réfugiés palestiniens, ainsi que sur des murs en Cisjordanie ou à Gaza.
Une expédition financée "exclusivement par les dons de citoyens"
Créée en 2010, la Coalition de la flottille de la liberté est un mouvement international de solidarité. A travers diverses campagnes et initiatives organisées aux quatre coins du globe, elle a comme objectif de "mettre fin au blocus de la bande de Gaza imposé par Israël", et de "sensibiliser les citoyens du monde entier aux conditions de vie difficiles que ce blocus entraîne", comme le précise son site officiel.
Concerts, événements sportifs, conférences... "Toutes nos actions sont financées exclusivement par les dons de citoyens partout dans le monde, assure Claude Léostic. En 2011, on avait réussi rien qu'en France à récolter 600 000 euros."
"Nous ne percevons aucune subvention, ni aucun argent de l'étranger. J'ai lu quelque part qu'on avait reçu de l'argent de l'Iran, c'est complètement faux."
Claude Léostic, coordinatrice de la Flottille en Franceà franceinfo
Sans pouvoir avancer de montant précis, elle estime à "plusieurs milliers d'euros" le budget pour l'expédition à venir du Handala, "entre l'achat de matériel de communication, les trackers, le fuel, les déplacements de certains bénévoles..."
Courant juin, alors que le Madleen voguait sur l'eau, Zaher Birawi, l'un des fondateurs de la Coalition de la flottille de la liberté, avait été accusé d'être un "agent du Hamas". "Je connais très bien Zaher, et je ne l'ai jamais entendu dire quoi que ce soit en faveur du Hamas, coupe Claude Léostic. C'est n'importe quoi de pouvoir imaginer cela. En plus, pour être tout à fait transparente, Zaher est en réalité très peu impliqué dans le Madleen ou le Handala".
Une affirmation à nuancer. Zaher Birawi avait notamment réagi à l'arrestation des membres de l'équipage du Madleen. Dans un post Facebook, publié le 9 juin, il qualifiait l'interpellation d'''opération de piraterie" menée par la marine israélienne. Ses dernières publications Facebook célèbrent, par ailleurs, le départ imminent du Handala. Zaher Birawi est aussi classé comme "opérateur d'une association affiliée au Hamas en Europe" par le ministère de la Défense israélien.
Objectif Gaza
Comme le Madleen, le Handala sera, lui aussi, chargé de vivres. "De la nourriture, des conserves, des médicaments, liste Claude Léostic. Le navire dispose d'une cale qui laisse de l'espace pour stocker beaucoup plus de quantité."
Mais encore faut-il parvenir à atteindre Gaza. L'équipage du Handala a "évidemment en tête" que le Madleen avait dû stopper sa route à environ 100 milles nautiques (185 km) de l'enclave palestinienne, après avoir été intercepté début juin par les autorités israéliennes. "Malheureusement, cela ne dépend pas de nous, rappelle la coordinatrice de la Flottille en France. On sait bien que la zone est gardée par l'armée israélienne et que les chances de passer sont minces. Mais il faut quand même tenter."
Les dix-huit passagers ont d'ailleurs "bien conscience des risques encourus". "Avant le départ, on va suivre une formation pour savoir comment réagir aux différentes situations qui pourraient nous arriver à l'approche des cotes palestiniennes, dévoile la députée LFI Gabrielle Cathala. On ne sait jamais ce qu'il peut se passer, on l'a vu lors des précédentes tentatives." "Notre présence à bord est une manière de jouir d'une forme d'immunité parlementaire qui peut profiter à l'ensemble du bateau si les choses tournaient mal", complète l'eurodéputée insoumise Emma Fourreau.
"L'arrestation de Rima Hassan en sa qualité de députée européenne a été une humiliation pour le Parlement, et cela ne doit pas se reproduire."
Emma Fourreau, eurodéputéeà franceinfo
En qunze ans d'existence, la Coalition de la flottille de la liberté a déjà mené une dizaine de missions, mais aucune n'est parvenue à atteindre Gaza. Les participants ont en tête un drame survenu en 2010. Une attaque israélienne menée contre le Mavi-Marmara, parti de Turquie en direction de Gaza, avait alors tué neuf personnes.
"Si on ne va pas au bout, ce ne sera pas un échec. Juste une étape. Car on repartira", assure Claude Léostic, qui voit déjà l'après. Pour le moment, Israël n'a pas encore réagi à cette nouvelle expédition qui s'apprête à mettre les voiles.