Licenciement d'une gouverneure de la Réserve fédérale américaine : trois questions sur cette éviction contestée, annoncée par Donald Trump

C’est une nouvelle escalade de Donald Trump dans sa volonté de reprendre en main la Réserve fédérale (la banque centrale américaine, la Fed), à qui il demande en vain de baisser les taux d’intérêt depuis son retour au pouvoir. Lundi 25 août, il a annoncé avoir démis de ses fonctions de gouverneure Lisa Cook, qui de son côté, assure rester en poste. Une décision sans précédent contre la banque centrale la plus puissante du monde.

Qui est Lisa Cook et pourquoi est-elle licenciée ?

Lisa Cook est une académicienne de 61 ans, ancienne professeure à Harvard et ex-conseillère économique de Barack Obama. Elle est nommée par le président Joe Biden en mai 2022 gouverneure de la banque centrale et devient la première femme noire à ce poste. Son mandat doit prendre fin en 2038, mais dans une longue lettre publiée lundi sur son réseau social Truth, Donald Trump dit avoir "un motif suffisant" pour l’évincer de son poste pour fraude.

Le milliardaire lui reproche d'avoir menti pour obtenir des emprunts immobiliers à des taux plus favorables pour deux propriétés, l’une dans le Michigan, l’autre dans l’Etat de Géorgie, qu’elle a désignées comme sa résidence principale. Il s’agit selon lui d’une "négligence grossière" qui l'incite à ne plus avoir confiance en elle, et remet en question sa compétence et sa fiabilité comme régulateur financier. Donald Trump demande donc un licenciement "à effet immédiat".

Pourquoi cette éviction serait-elle sans précédent ?

Jamais un président américain n’a entrepris une telle démarche. La Fed fixe les taux d'intérêt à court terme qui servent de référence au système financier. La banque centrale a un statut à part, qui la préserve normalement de tout interventionnisme présidentiel. Le chef de l'Etat a le pouvoir de nommer ses gouverneurs et ses présidents, mais son choix doit être validé par le Sénat.

Mais un gouverneur peut seulement être démis de ses fonctions pour un motif raisonnable. Les juristes débattent donc sur le fait que les transactions concernées dataient d’avant sa nomination, étaient connues du Sénat et ont été avalisées avant que Lisa Cook ne soit confirmée à son poste.

Lisa Cook conteste ce renvoi. Elle estime dans un communiqué transmis à la presse, par ses avocats, qu’il n’existe aucune cause en vertu de la loi pour la limoger, et que Donald Trump n’a aucune autorité pour ce faire. Elle a l’intention de "continuer à remplir ses missions pour aider l’économie américaine". "Je vais me battre", dit-elle, ouvrant la perspective d'une longue bataille judiciaire.

Des attaques répétées contre la Fed

Donald Trump veut également renvoyer Jerome Powell, le président de la Fed. Il n'en a pas l'autorité, mais mène une campagne acharnée en le traitant régulièrement de "stupide" et d'"idiot". Il l'a même surnommé Jerome "too late", soit Jerome "trop tard", lui reprochant d'être totalement dépassé. Le président américain lui met la pression pour qu'il diminue les taux d'intérêt pour soutenir sa politique économique. Mais Jerome Powell résiste parce qu'il craint une envolée de l'inflation.

Donald Trump lui reproche aussi la facture astronomique de la rénovation du siège de la réserve centrale, 2,5 milliards de dollars. Certains craignent que s'il parvient à évincer Lisa Cook, une porte ne s'ouvre sur le départ de Jerome Powell. Derrière les aspects économiques, l'enjeu est aussi politique. Si Lisa Cook est limogée, Donald Trump espère pouvoir faire basculer la majorité du conseil des gouverneurs en sa faveur, qui serait ainsi plus en phase avec sa politique économique et monétaire.