Mer Rouge : 4 questions pour comprendre la situation entre les Houtis et la coalition menée par les Etats-Unis
Plusieurs frappes américano-britanniques ont visé des installations houthies au Yémen dans la nuit du 11 au 12 janvier. Les forces yéménites visent régulièrement, ces dernières semaines, des navires sillonnant la mer Rouge.
Ces affrontements récurrents dans la zone, entre les États-Unis, le Royaume-Uni et les Houthis, peuvent-ils déboucher sur un nouveau théâtre de confrontation ? Ces tensions surgissent dans une région marquée par les bombardements israéliens sur Gaza et la multiplication d’assassinats ciblés commis par Washington et certains de ses alliés.
Pourquoi les États-Unis et le Royaume-Uni attaquent-ils les Houthis ?
Le président des États-Unis, Joe Biden, a justifié les frappes comme une « réponse directe » aux attaques des Houthis en mer Rouge qui « ont mis en danger le personnel américain, les marins civils et nos partenaires, mis en péril le commerce et menacé la liberté de navigation ». Washington a mis sur pied une coalition qui comprend l’Australie, le Bahreïn, le Canada, le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud.
Également pressentie, la France a décliné toute participation. Le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a expliqué que cette action était « nécessaire et proportionnée ». « Ces frappes de précision visaient à perturber et à dégrader les capacités des Houthis à menacer le commerce mondial », a réagi la coalition.
Au lieu de répondre à la revendication des Houthis, les États-Unis font tout pour rouvrir les voies maritimes. Une tentative qui, pour Trita Parsi du Quincy Institute, est vouée à l’échec. Dans le Time Magazine, le spécialiste de l’Iran explique : « Les frappes ne feront qu’engendrer la même chose : l’escalade des tensions qui renforcent le blocus de facto des Houthis et augmentent la possibilité que le conflit se transforme en une guerre régionale à part entière. C’est un résultat que l’administration Biden prétend vouloir empêcher. » Cette dernière connaît les limites de cette action : ne pas mettre en péril les négociations de paix entre les Houthis et l’Arabie saoudite et ne pas briser l’accord avec Téhéran.
Pourquoi les Houthis ciblent-ils des bateaux en mer Rouge ?
Les Houthis yéménites agissent « en défense du peuple palestinien de Gaza qui est exposé, jusqu’à présent, au type de massacre le plus horrible commis par l’entité sioniste », explique Yahya Sarea, l’un des porte-parole du mouvement. Membres de « l’axe de la résistance » qui englobe l’Iran, le Hezbollah libanais et les groupes paramilitaires irakiens chiites, les Houthis exigent la fin de la guerre menée par Israël dans l’enclave palestinienne depuis le 7 octobre.
Ils disent cibler des navires appartenant à Israël ou se dirigeant vers des ports israéliens. Cependant, certains n’ont aucun lien. Malgré les attaques de la coalition, un autre dirigeant houthi, Mohamed Abdel Salam, a jugé qu’« ils ont commis une folie avec cette agression perfide, et qu’ils avaient tort de penser qu’ils dissuaderaient le Yémen de soutenir la Palestine et Gaza ».
Y a-t-il des risques réels d’engrenage au niveau régional ?
Dans un communiqué, les divers pays engagés ont légitimé ces actions comme une manière de « désamorcer les tensions et de rétablir la stabilité en mer Rouge ». L’envoi d’armes de l’Iran vers les Houthis, les frappes revendiquées par les gardiens de la révolution dans la région du Kurdistan irakien contre « un quartier général d’espionnage » israélien et des tirs de missiles à l’encontre d’« opérations terroristes » en Syrie dévoilent une démonstration de force iranienne.
Si la situation est préoccupante pour le directeur adjoint de l’Iris, Didier Billion, « mis à part Israël, aucun des principaux acteurs de la région n’a intérêt à la dégradation de la situation et chacun sait en réalité jusqu’où ne pas aller. À ce stade, le risque d’une déflagration entre l’Iran et les États-Unis reste faible, parce que l’un et l’autre mesurent que la situation pourrait alors devenir incontrôlable ». Un troisième acteur, l’Union européenne, envisage l’envoi d’une force navale. En attendant, la Chine s’est dite profondément préoccupée par l’escalade militaire et vouloir « éviter une augmentation du risque global pour la sécurité de la région ».
Quel impact économique à l’échelle mondiale ?
Avec 12 % du commerce maritime mondial qui transite par la mer Rouge, les premiers effets économiques se font sentir. L’émirat du Qatar a prévenu mardi, via son premier ministre, que le transport de gaz naturel liquéfié (GNL) « sera affecté » comme toutes « les autres cargaisons marchandes ».
Avec la guerre en Ukraine qui a déjà impacté l’approvisionnement énergétique, cette déclaration de Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, lors du Forum économique mondial à Davos, inquiète. Doha fait partie des plus importants producteurs de gaz et constitue une alternative aux hydrocarbures russes.
L’autre répercussion porte sur les constructeurs automobiles. En Belgique, depuis le début de la semaine, le suédois Volvo détenu par le chinois Geely, a mis à l’arrêt jusqu’à mercredi son usine de Gand. La porte-parole de Volvo Car, Barbara Blomme, a justifié cette décision par les retards de « livraison de pièces détachées ».
En Allemagne, le géant américain Tesla va suspendre la production de sa Gigafactory de Berlin entre le 29 janvier et le 11 février, « en raison du manque de composants ». Dans un communiqué, le groupe dirigé par Elon Musk précise que « l’allongement des temps de transport a créé un vide dans les chaînes d’approvisionnement ». Les porte-conteneurs ont privilégié un itinéraire qui passe par le cap de Bonne-Espérance, provoquant des retards et des coûts supplémentaires.