Produits chimiques et transformateurs remplis de pilules : on a visité une usine qui produisait du captagon à Damas, en Syrie

C'était le principal moteur économique du régime de Bachar-al-Assad : le captagon. Les premières traces de vaste trafic illégal de cette drogue de synthèse apparaissent depuis la chute du régime. Le captagon est une drogue de synthèse très prisée de la jeunesse aisée du golfe Persique, notamment en Arabie saoudite. Une drogue qui "donne un sentiment d'invincibilité", selon les experts de la question. La Syrie de Bachar al-Assad "est devenue le plus grand producteur de captagon sur Terre", déclarait dimanche 8 décembre Abu Mohammed al-Joulani, le leader d'HTS, qui a ajouté ensuite que "la Syrie va être purifiée".

Franceinfo a visité l'un de ces sites de production. C'était auparavant une usine de chips, jusqu'à ce que le régime n'exproprie son propriétaire. À l'intérieur, on retrouve toute la matière première, l'acide hydrochlorique, et l'acétate d'éthyle, un solvant souvent utilisé dans la production de drogue.

Les matières premières servant à produire le captagon. (BENJAMIN THUAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Outre la production, cette usine servait aussi à cacher les pilules pour les exporter. On en retrouve dissimulées par exemple dans des stabilisateurs électriques, des boîtes de 70 cm de haut, neuves, vidées de l'intérieur. Des transformateurs électriques en cuivre ont, eux aussi, été bourrés de pilules. De nombreux objets en étaient remplis, même de plus insolites comme des fruits en plastique ou même des portes. Il est difficile de donner une estimation du nombre de pilules retrouvées dans l'usine, mais il y en a des centaines de milliers.

Chaque jour, dans des hangars ou des bases militaires, les rebelles découvrent plus de captagon. Le frère de Bachar al-Assad, Maher, était le très redouté chef de la Quatrième division, l'unité d'élite de l'armée syrienne, et passait pour l'une des têtes du réseau de captagon syrien. Cette industrie pesait, selon différentes estimations, au moins 10 milliards de dollars, soit bien plus que toutes les exportations légales de la Syrie réunies. 

Les pilules de captagon étaient cachées dans des objets du quotidien comme des transformateurs électriques. (BENJAMIN THUAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Que va faire le nouveau régime ?

Pour l'instant, les intentions du nouveau régime syrien sont floues. Un stock, retrouvé dans un aéroport militaire, a été brûlé. Mais ce cas semble isolé, les groupes rebelles veulent désormais attendre qu'un nouveau gouvernement se mette en place et prenne une décision pour ne pas intoxiquer la population autour.

L'un des chefs d'un groupe rebelle de Damas explique qu'il faut faire disparaître la drogue correctement, sans créer de dommages. Abu Mohammed al-Joulani, lui, veut en finir avec la production de cette drogue, qui va à l’encontre des principes de l'islam. Il est toutefois possible que d'autres groupes rebelles dans d'autres parties du pays continuent d'en produire et d'en exporter. Selon une étude menée en 2023 par l'Observatoire des réseaux politiques et économiques, le commerce de captagon générait environ 10 milliards d'euros par an pour le pays.