Ski en Suisse : "La compétence de savoir skier s'amenuise", une passion qui s'érode face au réchauffement climatique et au défi économique
Les vacances d'hiver viennent de se terminer et d'après l'Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), le bilan est plutôt positif avec un taux d'occupation de 83%, un enneigement plutôt bon et des skieurs nombreux. Le constat est le même en Suisse, avec près de 10% de clients en plus dans les remontées mécaniques par rapport à la saison 2023-2024. Cependant, derrière les chiffres, la réalité est autre puisqu'au pays du ski, on skie de moins en moins bien.
Avec la chaîne des Alpes qui recouvre les deux tiers du pays, les Suisses auraient tort de se priver de ski. On compte plus de 180 stations, dont les plus hautes d’Europe comme Zermatt ou le ski se pratique toute l’année. Mais il n’empêche que la pratique s’érode lentement, mais sûrement. C’est générationnel, explique Grégory Quin, historien du sport à l’Université de Lausanne. "Jusqu’aux années 80 en gros, et en Suisse peut-être encore plus qu’ailleurs, si on était une petite fille, on faisait de la gym et du ski, si on était un petit garçon, on faisait du foot et du ski."
Aujourd’hui, l’offre sportive s’est démultipliée comme partout, les gens se répartissent. Autant par l’école que par le sport privé, la compétence de savoir skier s’amenuise. Dix ans plus tard, vingt ans plus tard, les gens vont moins au ski."
Grégory Quinsur franceinfo
Il y a 40 ans, 80 à 90 % des Suisses disaient skier. Aujourd’hui, ils seraient 35% à le faire. Cela reste le record mondial, mais le nombre de skieurs sur les pistes diminue. Une chute que n’a pas compensée la fréquentation toujours plus importante des skieurs étrangers, allemands, britanniques et français pour la grande partie. Comme partout, le ski est devenu très cher, et donc moins populaire. "La décennie 80, c’est là où le ski est le moins cher en franc constant. Le coût de la location des skis, le coût d’une semaine de location d’un meublé ou d’une chambre d’hôtel, etc. Aujourd’hui ça monte plus vite que le niveau de vie, depuis 30 ans, donc en fait ça se réélitise d’une certaine manière", souligne Grégory Quin.
Un désamour lié au réchauffement climatique
On se pose des questions sur l’empreinte écologique du ski. Seuls 5% des skieurs utilisent les transports publics pour se rendre dans les stations. Alors qu’on sait que la voiture, c’est 70% de leur bilan carbone. On se pose aussi des questions sur l’enneigement. Les quantités de neige ont fondu de 30% en un siècle dans les Alpes et la période où elle tombe s’est aussi considérablement raccourcie. C’est un défi économique. Le tourisme hivernal, c’est 1% du PIB suisse. Mais 10% pour les régions de montagne. Pour le moment, la prise de conscience est très timide. "Je pense qu’il ne faut pas avoir trop peur des mots, le ski c’est quand même un truc qui, entre les années 50 et les années 80, a enrichi les régions de montage dans des proportions astronomiques", explique Grégory Quin.
"Les domaines skiables, c’est pas des junkies, mais c’est des gens qui ont une dépendance mono disciplinaire au ski et ils maintiennent l’addiction en place, en espérant que ça va tenir encore la durée du mandat du maire de la commune ou du directeur de l'office du tourisme."
Grégory Quinsur franceinfo
Seules les stations de basse et moyenne altitude, qui ont déjà fait le deuil de l’enneigement, semblent prendre la mesure du problème. On pense à ces images qui tournaient en boucle sur les réseaux de skieurs pataugeant dans la boue à Noël : c’était il y a deux ans. Celles de pelleteuses, l’an passé, qui creusent un glacier à Zermatt pour préparer une piste de ski. Est-ce que le ski est condamné à disparaître ? À court terme, non. À moyen terme non plus. Mais bien malin celui qui peut affirmer qu’on skiera toujours en Suisse dans 30 ou 40 ans quand on sait que les Alpes se réchauffent deux fois plus vite que la moyenne mondiale.