Un guerrier à l’honneur. Le troisième-ligne anglais du Stade Toulousain, Jack Willis, a été élu lundi meilleur joueur du Top 14 pour la saison 2024-2025, lors de la Nuit du Rugby qui se déroulait à l’Olympia. Le rugueux flanker de 28 ans succède à son coéquipier Antoine Dupont et, au terme d’un vote auprès des joueurs professionnels, il devance un autre Toulousain, l’arrière international Thomas Ramos, et le centre fidjien de l’Aviron Bayonnais Sireli Maqala. C’est la 7e fois qu’un joueur du Stade Toulousain est titré, mais seulement cinq joueurs du meilleur club de France ont été mis à l’honneur puisqu’Antoine Dupont a soulevé le trophée à trois reprises (2021, 2023, 2024).
Pour Jack Willis, c’est la récompense d’une saison une nouvelle fois hors norme, conclue par un troisième bouclier de Brennus d’affilée (plus une Champions Cup en 2024) depuis son arrivée dans l’Hexagone en 2022. Après le placement en redressement judiciaire des Wasps, club historique de la Premiership (six titres nationaux et deux Coupes d’Europe), Willis avait rallié le Stade Toulousain. Et immédiatement fait l’unanimité. Véritable machine à découper et redoutable poison dans les rucks. «On ne gagne pas de trophées sans une bonne défense. L’attaque est quelque chose de naturel pour ce groupe. Pas forcément pour moi, beaucoup d’autres gars sont beaucoup plus talentueux que moi dans ce domaine», avait-il modestement confié quand il a soulevé ses premiers trophées.
Passer la publicitéIl peut paraître très agressif dans son jeu, très "rosbeef" dans l’âme, avec un gros caractère. Mais en dehors, c’est quelqu’un d’ultra-gentil
Alexandre Roumat
À côté de ceux qui jouent du piano, Jack Willis les déménage. Un abattage colossal. On voit d’ailleurs l’ancien joueur des Wasps souvent célébrer ses coups d’éclat défensifs comme s’il avait marqué un essai. «C’est plus anglais que français de faire ça, sourit-il. J’essaye de célébrer ce genre de moments pour amener de l’énergie au groupe. Dans les deux cultures, les gens veulent gagner, mais dans le rugby anglais, on crie plus», souligne celui qui est désormais le deuxième sujet de Sa Majesté à être sacré en Top 14 après un autre troisième-ligne, Zach Mercer, champion de France avec Montpellier en 2022 et désormais au RC Toulon.
Le solide troisième-ligne (1,90 m pour 112 kg) - qui avait déjà été sacré meilleur joueur du championnat d’Angleterre en 2020 - a concédé qu’il avait eu besoin d’un temps d’adaptation au jeu en mouvement du Stade Toulousain. «J’adore la façon dont on joue ici, c’est très différent de ce qu’on fait en Angleterre, où c’est beaucoup plus structuré. J’ai beaucoup aimé adapter mon jeu ici, avait-il raconté. J’ai un bien meilleur jeu après contact maintenant, je regarde les espaces qu’il y a plutôt que de juste baisser la tête et foncer. On a beaucoup travaillé le jeu après contact, les passes, surtout pendant ma première année pour me mettre au niveau du reste du groupe.»
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Son manager Ugo Mola reconnaissait, la saison dernière, qu’«on a l’impression qu’il est passé par notre école de rugby. Il écoute, il s’améliore et on se demande jusqu’où il est capable d’aller. Ça reste un jeune joueur, qui croque pleinement son expérience française et toulousaine.» Pénible sur le terrain, Jack Willis est en revanche toujours souriant et décontracté en dehors.
Avec sa bonhomie naturelle et son investissement sur le terrain, il s’est facilement mis tout le monde dans la poche, ses coéquipiers comme les supporters, notamment en apprenant rapidement la langue de Molière. «Il peut paraître très agressif dans son jeu, très "rosbeef" dans l’âme, avec un gros caractère. Mais en dehors, c’est quelqu’un d’ultra-gentil, qui sait déconner quand il faut et qui ne se prend vraiment pas la tête», avait souligné Alexandre Roumat, son compère de la troisième ligne .
Je viens juste d’avoir mon deuxième enfant. Une fille qui est née à Toulouse. Elle pourra donc prétendre un jour à l’équipe de France
Jack Willis
De l’autre côté de la Manche, on n’est pas surpris par l’éclosion immédiate du phénomène. Ce qu’avait confirmé le capitaine et troisième ligne des Harlequins Stephan Lewies : «C’était une star quand il était plus jeune, mais il s’est gravement blessé. La façon dont il a su rebondir témoigne de son caractère, il est devenu très important pour Toulouse. C’est un joueur de classe mondiale, on le sait.» En s’exilant en France, puis en prolongeant son bail jusqu’en 2029, Jack Willis a en revanche tiré un trait sur sa carrière internationale avec le XV de la Rose, lui qui comptait 13 sélections. Son cas fait d’ailleurs régulièrement débat pour que la Fédération anglaise (RFU) assouplisse ses règles d’éligibilité. Et, l’été dernier, il est également resté à quai pour la tournée des Lions britanniques irlandais. Un crève-cœur.
En attendant, Jack Willis profite à plein de son expérience française. Une réussite sur tous les points. «Je m’y plais beaucoup. Je viens juste d’avoir mon deuxième enfant. Une fille qui est née à Toulouse. Elle pourra donc prétendre un jour à l’équipe de France, avait-il lâché, dans un éclat de rire, en 2024 lors d’un entretien à l’AFP. Nous avons une belle maison, je joue dans un grand club, qui a été très accueillant envers moi et ma compagne.»
L’émulation est telle à Toulouse qu’à ses côtés, un autre Stadiste était nommé pour ce titre honorifique. Mais Jack Willis a devancé son coéquipier Thomas Ramos, également prépondérant l’an dernier avec les Rouge et Noir. Mais l’arrière du XV de France doit moins faire l’unanimité auprès des autres joueurs qui ont été interrogés pour ce vote...
Le palmarès complet du meilleur joueur du Top 14 :
2004 : Manny Edmonds (Perpignan)
2005 : Yannick Jauzion (Toulouse)
2006 : Rupeni Caucaunibuca (Agen)
2007 : Juan Martin Hernandez (Stade Français Paris)
2008 : Byron Kelleher (Toulouse)
2009 : Napolioni Nalaga (Clermont)
2010 : Morgan Parra (Clermont)
2011 : François Trinh-Duc (Montpellier)
2012 : Chris Masoe (Castres)
2013 : Rory Kockott (Castres)
2014 : Matt Giteau (Toulon)
2015 : Sergio Parisse (Stade Français Paris)
2016 : Johan Goosen (Racing 92)
2017 : Victor Vito (La Rochelle )
2018 : Benjamin Botica (Oyonnax)
2019 : Cheslin Kolbe (Toulouse)
2020 : pas de trophée
2021 : Antoine Dupont (Toulouse)
2022 : Zach Mercer (Montpellier)
2023 : Antoine Dupont (Toulouse)
2024 : Antoine Dupont (Toulouse)
2025 : Jack Willis (Toulouse)
Répartition par club :
Toulouse : 7
Castres : 2
Clermont : 2
Montpellier : 2
Stade Français : 2
Agen : 1
La Rochelle : 1
Oyonnax : 1
Perpignan : 1
Racing 92 : 1
Toulon : 1