Relations entre les États-Unis et la Russie : le "téléphone rouge" a-t-il vraiment existé ?
Le "téléphone rouge" est-il en train de faire son retour sur la scène diplomatique ? Donald Trump a annoncé appeler Vladimir Poutine mardi 18 mars, dans le cadre de discussions sur le règlement du conflit en Ukraine. Ce n'est pas la première fois que le président américain passe un coup de téléphone à son homologue russe depuis son retour à la Maison Blanche.
Mais ces échanges via une ligne directe, dans un contexte de vives tensions internationales, revêtent une symbolique particulière entre ces deux pays.
Désamorcer les crispations
Cette ligne directe entre Washington et Moscou voit le jour pendant la guerre froide, au moment où les relations entre les États-Unis et l'Union soviétique (URSS) sont très tendues. L'escalade entre les deux pays est notamment due au manque de fluidité des échanges diplomatiques. La tension atteint son paroxysme en 1962, lors de la crise des missiles à Cuba et la moindre erreur de communication peut déclencher une guerre nucléaire.
Durant cette crise, les communications entre le président Kennedy et son homologue russe Khrouchtchev mettent plus de six heures à transiter par voie diplomatique. Un accord pour y remédier finit par être signé entre les deux pays et, le 30 août 1963, le "téléphone rouge", une ligne de communication directe, est alors mis service entre Washington et Moscou.
Ni téléphone, ni rouge
En réalité, il ne s'agit pas d'un téléphone à proprement parler, mais d'un téléscripteur, une sorte d'ancêtre du fax, qui permet d'envoyer rapidement par écrit des messages codés et donc confidentiels. Ces messages transitent d'abord via un câble télégraphique transatlantique installé en 1956, qui passe notamment par Londres, Copenhague, Stockholm et Helsinki.
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Par ailleurs, l'appareil n'est pas non plus rouge, mais en bois clair. Ce sont des livres et des films qui popularisent cette image d'un combiné rouge, comme Docteur Folamour, de Stanley Kubrick, en 1964, ou Forrest Gump en 1994. La couleur supposée rouge de l'appareil y est synonyme d'urgence.
La logique initiale dépassée
Sans que l'on sache précisément combien de fois les deux pays y ont eu recours, l'appareil est utilisé plusieurs fois par la suite, comme pendant la guerre des Six Jours, entre Israël et les pays arabes en 1967, lors de l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979 ou encore après l'attaque terroriste du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Le dispositif connaît aussi des évolutions technologiques au fil du temps, se transforme en liaison radio par satellite, puis en liaison fax à haute vitesse et devient, en 2008, une liaison par fibre optique permettant l'envoi d'e-mails de façon sécurisée.
Au temps de la guerre froide, l'idée du "téléphone rouge" est de maintenir un lien au-delà du rideau de fer entre les blocs Ouest et Est et "permet à une partie de l'humanité de dialoguer avec l'autre", note l'historien Fabrice d'Almeida. C'est aussi un moyen de rassurer les populations au moment où il y a une crainte que les événements aillent plus vite que les décisions politiques. Selon l'historien, la période actuelle s'éloigne de cette idée de dialogue. Certes, "Donald Trump renoue l'axe du dialogue avec Vladimir Poutine au nom d'une paix durable" après son interruption sous Joe Biden depuis le début de la guerre en Ukraine, mais, "aujourd'hui, c'est un coup de fil entre deux nationalistes", estime Fabrice d'Almeida.