Aurélie Pirillo : «Les Français nourrissent toujours beaucoup d’attentes à l’égard de l’Église, surtout les jeunes»

Aurélie Pirillo est conseillère de Paris et directrice de l’Observatoire français du catholicisme.


LE FIGARO. - L’étude de l’Ifop pour l’Observatoire français du catholicisme met en lumière une baisse significative de la croyance en Dieu et de l’identification au catholicisme en France. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

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Aurélie PIRILLO. - Les résultats de notre étude révèlent avant tout un phénomène profond de sécularisation qui traverse la société française depuis plusieurs décennies. Cette évolution va de pair avec un recul progressif de l’identification au catholicisme : en 2025, moins d’un Français sur deux (46%) se dit catholique, et cette proportion chute à 23% chez les jeunes générations. Parallèlement, la pratique religieuse régulière, qu’il s’agisse de la messe dominicale ou de la transmission par le baptême des enfants, tend à s’estomper.

L’étude dresse un nouveau panorama de l’identité et des pratiques catholiques en France. Quels signaux notez-vous en particulier ?

Avant tout, notre enquête met en lumière la grande diversité des relations que les Français entretiennent avec le catholicisme. Ce culte n’est plus monolithique mais reste bien vivant. Malgré les profondes mutations sociétales, une large majorité de la population (76%) demeure baptisée. Par ailleurs, les valeurs d’origine chrétienne (dignité humaine, solidarité, liberté de conscience) sont encore largement reconnues et valorisées. Surtout, la spiritualité conserve une place significative : plus d’un Français sur deux déclare prier ou méditer régulièrement, et près de trois quarts se disent en quête de spiritualité. Enfin, plus d’un tiers des Français s’interrogent activement sur le sens de la vie et de la mort, ou affirment être engagés dans une recherche personnelle. Ces éléments témoignent de la pertinence contemporaine de l’offre spirituelle catholique. Cette étude traduit la force du catholicisme en France. Il ne subit pas un effacement mais bien une transformation.

Quels sont aujourd’hui les principaux « points de contact » entre les Français et l’univers catholique ?

Ils sont nombreux et variés, constituant une véritable richesse. En effet, 96% des Français ont déjà franchi le seuil d’une église au moins une fois dans leur vie. Par ailleurs, six Français sur dix s’y rendent pour apprécier la beauté des lieux et s’adonner à la contemplation. Au-delà de la seule dimension liturgique, les églises sont perçues comme des espaces de beauté, d’histoire, de recueillement et de transmission culturelle. Un attachement qu’avait magnifiquement traduit Malraux pour qui la culture d’un peuple, c’est ce qui reste dans la mémoire et les églises en sont les pierres vivantes. Elles répondent également à une aspiration contemporaine forte au silence et à la méditation, puisque 64% des sondés expriment le souhait de disposer de davantage de lieux consacrés à cette pratique.

Fait notable, 64% des 18-24 ans considèrent les prêtres comme des figures de référence et de repères

Aurélie Pirillo
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Dans un contexte de sécularisation, votre étude souligne-t-elle des motifs d’espérance pour les catholiques ?

La société française continue de témoigner d’une profonde estime envers certains piliers du catholicisme. Près de 69% des Français nourrissent une opinion favorable à l’égard des catholiques, traduisant une reconnaissance sociale du rôle positif qu’ils jouent notamment dans l’entraide, l’accompagnement des plus fragiles et la solidarité. L’étude souligne que c’est précisément dans ces domaines que les attentes sont les plus vives : accompagner les épreuves de l’existence, favoriser le lien social et offrir des repères éthiques communs. Cette réalité se reflète également dans l’engagement matériel, puisqu’un Français sur trois envisage de faire un don à l’Église. Fait notable, 64% des 18-24 ans considèrent les prêtres comme des figures de référence et de repères. Nous observons par ailleurs l’émergence de nouveaux parcours d’appropriation spirituelle : près de 8% des non-baptisés déclarent avoir déjà envisagé de recevoir le baptême à l’âge adulte. Ces données témoignent d’une dynamique d’ouverture et de renouvellement au sein du catholicisme français.

Faut-il voir dans les évolutions de notre époque un déclin du catholicisme, ou plutôt une transformation ?

La sécularisation a incontestablement conduit à un certain déclin, mais c’est avant tout une transformation profonde qui s’opère. Les valeurs d’inspiration chrétienne demeurent au cœur du pacte social : 59% de nos concitoyens estiment que ces valeurs doivent être reconnues dans la société, tandis que 55% considèrent que l’Église doit continuer à les promouvoir et à les défendre. L’avenir ne sera pas celui d’une société sans racines ni mémoire, mais bien d’une société enracinée capable d’accueillir la pluralité tout en restant fidèle à son socle historique. L’Église à un rôle à jouer, comme l’écrivait Péguy : « Il n’y a rien de plus ancien que la nouveauté chrétienne ». L’Église, vieille institution, porte pourtant une force de renouvellement perpétuel adapté aux enjeux du XXIe siècle. Les Français attendent toujours l’Église, surtout les jeunes.

Quel rôle l’Observatoire français du catholicisme souhaite-t-il jouer dans cette période de mutations ?

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Le rôle de l’Observatoire français du catholicisme (OFC) est de mettre en lumière, année après année, les évolutions et les tendances profondes qui traversent le catholicisme en France. L’Observatoire agit en véritable « facilitateur de compréhension », fournissant des données objectives, dépassionnées et structurantes. Celles-ci permettent aux responsables religieux, aux acteurs du catholicisme, aux décideurs ainsi qu’aux citoyens d’appréhender les mutations en cours, de dépasser les idées reçues, et d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion et d’action. Le catholicisme, certes moins institutionnel, mais sans doute plus personnel et ouvert, conserve une place légitime et centrale pour éclairer et inspirer l’avenir.